Individuation Magazine: Jung, Obama et la Guerre des Etoiles

Par Laurelineamanieux
Individuation Magazine: Jung, Obama et la Guerre des Etoiles
Voici une très dense et intéressante critique sur Ce héros qui est en chacun de nous écrite par David Bourne dans ce magazine franco-anglais dédié aux travaux du psychologue et psychiatre Carl G.Jung.
Merci beaucoup à ce magazine (et à Neil Bowden) d'avoir réagi si positivement à cet ouvrage et à la pensée de Joseph Campbell, ami et traducteur de Jung !
"Docteur en Lettres Modernes, écrivain et journaliste, fondatrice de la Web TV Savoirchanger.org, Laureline Amanieux a vécu 4 ans aux USA. C'est précisément dans ce pays qu'elle a découvert et étudié l'oeuvre de Joseph Campbell.
Professeur spécialiste des mythologies, Joseph Campbell est né en 1904 dans l'Etat de New York. Au réalisateur Georges Lucas, il a inspiré "La Guerre des Etoiles", à James Cameron, "Avatar". Campbell à l'instar de Jung dont il deviendra non seulement l'éditeur mais aussi l'ami, s'est intéressé à l'étude des grands mythes et des religions.
C'est en 1949 qu'il publie son ouvrage majeur : "Le héros aux mille et un visages". Grand succès de librairie, ce livre influencera considérablement les spécialistes des mythologies comme les scénaristes américains, les artistes mais aussi le grand public.
C'est au romancier irlandais James Joyce que Campbell emprunte le terme "monomythe" qui caractérise une sorte de récit universel qui guiderait chacune de nos vies.Il s'agirait d'une certaine manière d'un scénario commun à l'ensemble de l'humanité: celui de la quête du héros. Nous voyons ici l'inspiration junguienne au travers de l'idée d'inconscient collectif.
C'est finalement Christopher Vogler, qui s'inspirant plus tard des idées de Campbell remportera un sucès mondial en rédigeant un "Guide du scénariste". Il démontrera avec cet ouvrage que la force d'inspiration des mythes peut être utilement mise au service de l'écriture cinématographique et romanesque. Cet ouvrage fait aujourd'hui encore autorité dans le monde du septième art.
Dans son ouvrage, publié aux Editions Albin Michel, Laureline Amanieux nous rappelle la problématique soulevée par Campbell:
"Un des grands problèmes d'aujourd'hui est la transformation importante et rapide de nos modes de vie, qui ne génèrent plus de modèles. Le héros en tant que modèle nous manque, aussi chacun a besoin d'être son propre héros et de tracer un chemin là où il n'y en a pas”.
Il s'agit avec cet ouvrage, d'insister sur la fonction psychologique que Campbell, en traducteur et ami de Carl G.Jung, donnait aux mythes : comment ils aident chacun de nous à trouver un héros en nous-même pour réaliser notre propre vie, affronter notre Ombre, et apporter à la collectivité ce dont elle manque. Il renouvèle la définition même du héros pour notre époque.
En page 65 de son livre, Laureline Amanieux détaille les différentes étapes de la quête du héros. Le cheminement présenté ne manque pas de faire penser, d'une certaine manière, au processus d'individuation tel que conceptualisé par C.G. Jung:
_ Un univers ordinaire où le héros sait qu'il n'est pas à l'aise.
_ L'appel de l'aventure: le héros doit fdaire quelque chose de sa vie pour sortir de son mal-être
_ Le héros refuse l'appel ou on tente de l'empêcher d'y répondre
_ Il réussit enfin à franchir le premier seuil : le héros passe dans un autre monde, afffronte un gardien ou est aidé par lui
_ Il rencontre un mentor et des alliés ou prend conscience de ses forces psychologiques.
_ Il affronte des épreuves, rencontre son principal ennemi, ou adversaire, ou grand obstacle.
_ Il risque de mourir une première fois mais remporte une première victoire, temporaire.
_ Le héros s'instruit (armes, entraînement,initiation) pour vaincre: c'est l'initiation.
_ Vient le moment où il affronte sa principale peur: test qui peut le tuer et dans lequel il peut perdre ses compagnons.
_ Il meurt: expérience du démembrement ou descente aux enfers.
_ Il renaît: quelque chose de magique ou d'impalpable comme l'amour rend la vie au héros.
_ Il remporte la victoire sur l'ennemi ou l'obstacle: c'est l'apothéose.
_ Il y a une récompense (argent, vie sauve, amoureuse ou message spirituel). Le héros trouve l'élixir.
_ Parfois, le héros est pris en chasse: il est poursuivi par ses ennemis, c'est une fuite magique.
_ Le héros peut refuser le retour.
_ Il devient un guide pour transmettre son message aux autres.
Laureline Amanieux, s'appuyant sur les écrits de Campbell nous montre ainsi que nous pouvons repérer au travers de ces différentes étapes, le scénario universel de la quête héroïque au coeur même des évènements de notre vie.
Elle rappelle ainsi que Jung lui-même s'était inventé une méthode pour trouver son mythe personnel. Pour cela il commençait par se rappeler ce qu'il préférait faire lorsqu'il était enfant et qu'il pouvait jouer seul: "il adorait construire, surtout des maisons et châteaux avec des pierres et des bouteilles. Il accomplissait ce jeu comme s'il s'agissait d'un rite". Beaucoup plus tard, chaque fois que Jung se sentait bloqué, il peignait ou scultait une pierre; et chaque fois, "c'était un rite d'entrée qui amenait des pensées et des travaux" (Ma vie, p.280).
Plus tard, à l'âge de quarante sept ans, Jung poursuivra de manière plus ambitieuse encore ce rite en faisant l'acquisition d'un terrain à Bollingen sur lequel il construira cette fois une véritable tour, étape par étape au fil de son propre processus d'individuation. Ce rite mis en oeuvre permettait au psychologue des profondeurs de gérer à sa manière ses propres évolutions psychologiques.
Laureline Amanieux, à la suite de Campbell, précise ainsi que "tout ce qui est de l'ordre du concret, de l'inscription, de l'acte nous aide à trouver notre mythe personnel et à nous concentrer sur lui. Un rite privé, c'est un acte qui réalise notre mythe."
Le processus d'individuation cher à Jung se traduirait donc, d'une certaine manière par une succession de quêtes différentes qui évoluent avec l'âge. L'auteur précise à ce sujet :"A chaque période de notre vie, nous avons quelque chose de différent à réaliser, même si cela renvoie toujours à un même mythe au fond de nous" (p.87).
Laureline Amanieux nous offre, dans la dernière partie de cet ouvrage remarquable, une illustration plus contemporaine (que Campbell qualifierait probablement de "rite moderne") de la puissance du rite au travers du discours prononcé par Barack Obama lors de la cérémonie d'investiture. Selon l'auteur, ce discours coécrit par Jon Favreau, le créateur du slogan "Yes we can !", suit exactement le scénario d'une quête héroïque. Obama voulait en effet faire de son investiture un véritable rite initiatique pour le peuple américain. Le rite étant la mise en acte d'un mythe. Et comme tout rite passe inévitablement par l'image du marquage (symbolique ou physique), Barack Obama déclare ce jour-là: "Donc marquons ce jour du souvenir de ce que nous sommes et de la distance que nous avons parcourue" offrant ainsi aux Américains l'opportunité de passer du souvenir de ses ancêtres à la conscience de ses pouvoirs actuels. Une véritable invitation à se tourner vers l'avenir et à agir."