La longue marche des femmes pour l’eau
"Ici les femmes mettent un jerrican de 20L dans leur châle et le porte sur leur dos. Même les femmes enceintes. J’ai même vu des femmes faire des fausses-couches car elles portaient trop !" Deka Ashi vit à Djibouti, petit pays au cœur de la Corne de l’Afrique. Sur cette terre désertique, l’eau est un luxe. Dans les quartiers les plus pauvres, notamment dans le quartier PK 12, la situation est difficile : les camions citernes ne passent que la moitié du temps et les seuls points d’eau accessibles sont à des kilomètres de là. Les habitants des quartiers mettent en place leur propre système d’approvisionnement afin de faire baisser les prix du litre d’eau. "On économise l’eau tout le temps, affirme Deka. La lessive, c’est une fois par semaine. Pour la douche, les adultes savent que l’eau est chère et se limitent, les enfants sont toujours lavés par un adulte pour s’assurer que l’eau ne soit pas gaspillée". Les maladies hydriques, telles que la diarrhée et l’hépatite E, sont courantes à PK12. Dans le monde, et notamment en Afrique Subsaharienne, plus de 2 millions de personnes meurent chaque année des conséquences de diarrhées attribuées à la consommation d’eau non potable, au manque d’hygiène et d’accès à des structures d’assainissement, dont 1,2 millions d’enfants de moins de 5 ans, selon l’OMS et l’UNICEF en 2010. Les maladies hydriques outre le fait qu’elles représentent une cause prépondérante de mortalité infantile (22% des causes de décès des moins de 5 ans, OMS 2010) sont également des facteurs aggravants de la sous-nutrition, notamment pour les populations les plus vulnérables, les femmes enceintes et allaitantes et les enfants de moins de 5 ans. Assurer un approvisionnement en eau salubre et un environnement sanitaire adéquats permet ainsi de combattre la sous-nutrition. Les pratiques de soins aux nouveaux nés et aux enfants en bas âge sont un des leviers essentiels en termes de santé et de prévention de la sous-nutrition. Mettre en œuvre des pratiques d’hygiène adaptées nécessite d’avoir accès à l’eau en quantité suffisante (de 2 à 6 litres par personne et par jour au minimum en situation d’urgence –normes SPHERE 2011 mais plutôt entre 10 et 20 litres en contexte de développement), à un environnement sanitaire acceptable et à des produits d’hygiène de base.Hygiène : les femmes et enfants ont des besoins spécifiques.
Les habitants du quartier de Layable, à Djibouti, se sont organisés en comité pour gérer le point d’eau installé par ACF. "L’eau est la responsabilité des femmes, explique Roda, responsable du site. Les hommes sont au chômage, chaque jour ils sortent pour trouver un travail journalier, les femmes doivent donc s’occuper des besoins du foyer. Avec le comité nous voulons mettre en place des sessions de sensibilisation à l’hygiène. On veut aussi créer une caisse pour les personnes qui ne peuvent pas du tout s’acheter l’eau pour que, eux aussi, aient accès à l’eau potable"
ACF s’engage à intégrer le genre dans la réponse humanitaire, notamment en assurant la présence de femmes dans les comités en charge de la gestion des points d’eau, en les impliquant dans les négociations concernant le prix de l’eau. Mais aussi dans la mise en œuvre de projets eau assainissement et hygiène au niveau des écoles. Des solutions existent pour les problématiques spécifiques aux femmes et aux adolescentes, comme lors des périodes de menstruation. Les tabous religieux et culturels contribuent souvent à de mauvaises pratiques d’hygiène. ACF milite pour une approche propre aux femmes et aux jeunes filles, avec la construction de toilettes salubres et privées, notamment dans les écoles, avec un accès à de l’eau propre et une poubelle écologique. Des tampons et serviettes hygiéniques à bas coûts sont mis à leur disposition et des séances d’hygiène spécifiquement centrées sur la menstruation seront aussi organisées. Les Nations Unies ont fixé comme objectif du millénaire pour le développement de réduire de moitié, d'ici 2015, la proportion de population privée d'un accès durable à un approvisionnement en eau potable et à des services d'assainissement de base. Mais la femme doit être au cœur du dispositif d’eau et d’assainissement. Elles sont les garantes de la bonne santé de toute la famille, et souvent de l’économie du foyer. Tous ces thèmes et bien d’autres seront abordés lors du 6ème Forum Mondial de l’Eau qui se tiendra à Marseille du 12 au 17 mars prochain. Pour plus d’infos voir http://www.worldwaterforum6.org/en/news/