Aujourd’hui, jeudi 8 mars 2012, c’est la journée de la Femme. Ou plus exactement – en tout cas, je préfère – la journée de lutte pour l’amélioration de la condition féminine dans le monde. Certains hommes bien intentionnés essaient d’offrir des fleurs, ou de promettre de passer le coup d’aspirateur ce soir. Les autres en rajoutent sur les blagues sexistes et les allusions douteuses. Certaines femmes bien intentionnées essaient de faire le bilan de la condition de la femme dans le monde. Les autres t’engueulent quand tu dis, du haut de ton 1m62 et de ton 105B, que cela ne sert à rien.
Au départ, la journée de la Femme est comme la journée du Travail le 1er mai : une journée inventée dans un contexte sociétal où ces deux notions étaient mises à mal, du moins en Occident. Les conditions de travail se sont quelque peu améliorées en Occident, pourtant, on célèbre toujours le 1er mai pour se rappeler les conditions de travail restent toujours aussi précaires dans les pays du Tiers-Monde, mais aussi chez les franges les plus pauvres des sociétés occidentales. C’est une justification pour cette journée du 8 mars, mais je rejoindrais le propos de certaines féministes qui pensent que cette journée est juste une aberration : pourquoi consacrer une seule journée par an au bilan de la condition féminine ? Ou alors il faut, à mon sens, revenir à un ministère de la condition féminine, tel qu’il pouvait être observé dans les années 1970 et 1980.
Je pense aussi et surtout, en cette journée de la Femme, à celles qui ne se reconnaissent pas dans les modèles sociaux féminins tels qu’il sont représentés dans la société contemporaine, et surtout dans les médias. J’ai observé qu’entre les mères indignes, les femmes à responsabilité qui en chient pour en arriver là ou tout simplement les femmes qui n’entrent pas dans le jeu de la séduction (qui refusent donc de se maquiller, de s’épiler, de s’habiller en jupe ou même de minauder devant un homme), sans parler des femmes qui refusent les termes proposés par les divers mouvements féministes (parce que cela ne correspond pas à la vision qu’elle a de sa vie et de celle de ses consœurs), ça en fait beaucoup, des femmes qui sortent du lot.
Cette petite réflexion m’a donné envie de faire une petite playlist de chansons où la femme – ou l’homme – joue avec son genre et ses préjugés pour amener les auditeurs à un autre stade de réflexion.
Certaines femmes revendiquent le droit de porter des coups et des cuirs : Sylvie Vartan, Comme un garçon
Comme un garçon, j’ai les cheveux longs… Mouais. Le début de la chanson est moyennement crédible, mais la suite des paroles vont mieux. C’est déjà une révolution à l’époque de jouer distinctement avec les codes de genres, même si Colette et ses copines dans les années folles ont clairement amorcé le mouvement. Ce qui change, avec Sylvie, mais aussi avec Brigitte et consorts, c’est que les femmes ne vont pas jusqu’au changement physique – se couper les cheveux – pour revendiquer le droit de se construire selon les codes masculins.
Certaines femmes jouent avec les clichés sur la femme pour les dénoncer : Meredith Brooks, Bitch
On n’a retenu à l’époque que le mot Bitch (Salope). Mais si on écoute attentivement les paroles scandées par la brave Meredith – si on comprend l’anglais –, elle fait le tour de toutes les images que l’on colle aux femmes pour s’en détacher elle-même. À prendre comme une manière de jouer à la maman et à la putain, pour mieux dénoncer ces injonctions faites aux femmes.
Certains hommes et certaines femmes estiment quelquefois que l’on est ni homme ni femme : Indochine, 3e sexe
La conscience de la féminité ou de la virilité est tellement dure à acquérir psychologiquement que certaines personnes préfèrent ne pas se définir sur le plan du genre, bien que leur virilité ou leur féminité soit évidente aux yeux de tous. C’est ce qu’Indochine souhaite exprimer avec cette chanson : non, une personne qui n’a pas de définition sexuée n’est pas perverse, il faudrait même inventer une nouvelle forme d’identité sexuée pour dédramatiser cette personne sur le plan sociale, le 3e sexe.
Certains hommes ont parfois tendance à nous brosser dans le sens du poil pour mieux nous en***er ensuite ; Julio Iglesias, Vous les femmes
Ou comment se faire passer pour une victime de la sensualité pour mieux faire capituler l’ennemi. C’est drôle, c’est sur le même principe que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon font campagne pour les élections présidentielles. Ben apparemment, ça marche : ils culminent respectivement à 15 % et 10 % des intentions de votes. Quand on sait la dangerosité des idées de l’un et de l’autre, si je fais un parallèle avec Julio Iglesias, tirez-en les conclusions… C’est comme le coup du mec qui te dit Je t’aime et qui te largue un mois après.
Certains hommes semblent se moquer des signes d’émancipation : Cookie Dingler, Femme libérée
Resituons le contexte : nous sommes dans les années 1980, la société française commence à voir de plus en plus de femmes s’affirmer sans honte à des postes haut-placés (merci les luttes dix ans avant), mais du côté de certains hommes, cette émancipation tant professionnelle que sexuelle ne passe tout simplement pas. On pourrait voir, de ce point de vue, la chanson de Cookie Dingler à double tranchant : elle peut se voir comme le fait accompli de l’émancipation dure à acquérir ou alors comme une diatribe sur le ton de la moquerie contre ces femmes qui osent se comporter comme des hommes, tout en gardant certains aspects de leur supposée futilité.
Certains hommes semblent saisir le concept de famille monoparentale : Jean-Jacques Goldman, Elle a fait un bébé toute seule
Il est gentil, Jean-Jacques : il aide une copine qui a décidé d’élever son chiard sans papa. En tout cas, après les luttes des années 1970, il met en exergue la fin du patriarcat familial tant revendiqué par les premières féministes. Même si, au fond de lui, il se sent atteint dans son intégrité par ces mères célibataires par choix ou par accident, il comprend déjà les mutations de la définition de famille pour arriver aux multiples définitions que nous observons à l’heure actuelle.
La condition de la femme, comme ces chansons le prouvent, a peut-être évolué, mais il n’en reste pas moins que certaines choses doivent être à améliorer. Bonne journée de lutte, et essayez, pour une fois, qu’elle dépasse le cadre du 8 mars.