Voici un article sur le rapport entre les ONG et les médias sociaux, ou réseaux sociaux… L’analyse part d’un point de vue qui est peut-être un peu faussé compte tenu du support : se servir des médias sociaux comme outil de mobilisation (pas seulement de conscientisation) pour une cause. Je poserais une question de plus : les médias sociaux sont-ils faits pour ça ? ce n’est pas parce qu’ils sont personnalisables que les objectifs de com’ le sont aussi… En gros, je ne suis pas sûre que ce soit la raison d’être de ces réseaux, et donc un détournement de leur utilisation ne sera pas forcément efficace… mais il y a de quoi faire, le tout est de ne pas se tromper d’objectif, les médias sociaux sont à la mode mais ils ne sont pas LA (seule et unique) solution en communication.
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Via Grotius, par Gaël Grilhot, journaliste indépendant.
« Networked Non Profit » : derrière ce jargon de communication se cache une problématique bien réelle pour les ONG. En effet, comment les associations peuvent-elles, grâce notamment aux médias sociaux, s’ouvrir et se transformer en plateforme permettant à chacun de participer à la cause « défendue » ? Eléments de réponse grâce à deux manifestations organisées par l’agence Limite (1)…
« ONG-Forteresses »
Alors qu’elle s’apprête à fêter tout doucement ses 150 ans d’existence, la Croix-Rouge est un exemple emblématique de ces « ONG-forteresses » qui ont énormément de mal à franchir le cap de la communication et de l’action numérique. Un « poil gêné », Kelvin Clech, webmaster et Community manager tente une explication « A la Croix-Rouge, le principe qui domine depuis les débuts, c’est la neutralité, ce qui implique qu’il ne peut pas y avoir de coups de gueule comme dans d’autres organisations ». Sans message politique, ou avec de telles contraintes de validation qu’elles interdisent toute forme de discours spontané, « le passage progressif au « Networked Non profit » s’est fait un peu contre nous, avoue-t-il ». Mais pour Kevin, des pistes peuvent néanmoins être trouvées. Ainsi la Croix-Rouge, avec quelques 17000 salariés et plus de 50000 bénévoles, ne manque pas de ressources.
Une petite armée d’internautes qui peuvent s’occuper de l’entretien de ce réseau, avec pour objectif à terme de développer une parole d’ « experts », pouvant intervenir sur des problématiques spécifiques. L’autre piste, plus pro-active, consiste à développer le concept de « citoyens-acteurs », des bénévoles disponibles capables de donner l’alerte sur Twitter ou facebook, lorsque une catastrophe survient. Mais ces évolutions ne se feront pas sans une profonde remise en cause des habitudes culturelles de ces ONG, dont certaines devront au final démocratiser leur prise de parole et leurs modes d’action.
D’autres organisations, comme la fondation Abbé Pierre affirment avoir entamé ce virage de l’internet depuis bien longtemps. Ainsi Yves Collin, Directeur de la communication de l’organisation a développé étape par étape la « web-campagne » imaginée dans l’optique de la présidentielle française. Si l’opération est un succès en terme d’audience (le comptes Facebook de la fondation est passé de 8300 à 180000 membres en deux ans), elle ressemble cependant plus au final à une grosse machine de « com’ » qui dépasse de loin l’univers du net, et surtout n’implique presque pas les internautes en terme de mobilisation, hormis la signature d’une pétition. L’absence d’interaction se constate d’ailleurs dans l’analyse des pics d’audience, qui épousent parfaitement les moments forts de la campagne avant de retomber aussitôt.
Les opérations de communication « classiques », si elles permettent de provoquer un « premier niveau d’implication», ne suffisent pas en effet à créer un véritable lien avec des internautes, dont beaucoup aujourd’hui sont en quête d’action. Certains d’entre eux ont d’ailleurs déjà franchi ce cap … en se passant des ONG.
Hacktivistes
Présente depuis plusieurs années, mais particulièrement visible depuis les révolutions arabes, la puissance des réseaux de hackers et d’hacktivistes a en effet déjà fait ses preuves. Sans être aussi institutionnalisés que les ONG, certains ont même déjà un poids dans les débats publics nationaux (cf. article Open Tunisia). « Nous avons perçu une sorte de bouillonnement sur internet, de la part des hackers et des hacktivistes, explique Nicolas Danet, de l’agence Limite. Et d’un autre côté, des ONG qui se positionnent certes sur la toile, mais qui ne vont pas dans les mêmes opérations. Au final, ils se rejoignent surtout sur les objectifs, mais sans pour autant se parler ».
D’où cette autre rencontre, organisée la veille, toujours par l’agence Limite, dans les locaux de Médecins du Monde. Elle regroupait cette fois-ci des professionnels du web d’ONG importantes et des Hackers. Un débat riche qui a permis de combattre quelques préjugés … mais aussi peut-être d’en conforter d’autres.
« Lorsqu’une ONG comme Greenpeace pénètre la sécurité d’une centrale nucléaire pour communiquer dessus par la suite, tente ainsi de démontrer Nicolas Danet, elle rejoint directement la logique des Hackers, et il est normal que ces organisations s’interrogent sur la possibilité de trouver de nouveaux moyens techniques pour leur communication ». Mais pour Nicolas Barreto Diaz, webmaster de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), ce point de vue de certaines ONG sur l’utilité des Hackers est très réducteur. « Très vite, le phénomène Anonymous a surtout intéressé les ONG traditionnelles habituées aux opérations « coups de poing », s’insurge-t-il ». Mais en dehors de cette « agence de communication » que sont devenus selon lui les célèbres porteurs de masques du net, « les Hackers ne suivent pas tous cette logique de « Com », loin de là ». Selon lui, la plupart sont extrêmement « pudiques », « totalement bénévoles », et surtout à la recherche de solutions techniques concrètes « pour former les gens dans le besoin. Pour qu’ils apprennent à bidouiller, à casser l’opacité des outils techniques qu’ils ont à leur disposition. Le problème étant de savoir comment les ONG et les Hackers peuvent fournir un degré de compétence suffisant pour échapper à la censure et à la surveillance ».
« Désorganisation »
Un autre soucis – et de taille –, qui renforce encore l’incompréhension entre les deux univers, est certainement celui de la structure. « La hiérarchie nécessaire dans le process de décision d’une ONG n’existe pas chez les hackers, explique ainsi Nicolas Danet ». Aujourd’hui, ces nouvelles structures nées du net se veulent totalement horizontales, sans porte-parole ni direction d’aucune sorte, et entendent le rester. Certains, comme le groupe pour la liberté d’expression Télécomix, se qualifient même de « « désorganisation » de Hackers » et rechignent à travailler avec des organismes trop lourds, jugés trop bureaucratiques et légalistes. Une position qui s’accompagne mal on s’en doute de la gestion de programmes financiers complexes, ou de priorités politiques imposées d’en haut.
Reste donc à savoir comment comment coordonner l’action d’une organisation et d’une « désorganisation »… ce qui n’est pas encore gagné. Pour autant des collaborations ont pu voir le jour, comme les associations entre Reporters sans Frontière ou la FIDH, et Télécomix qui ont permis la création de sites miroirs de médias étrangers menacés de censure, ou de soutenir des internautes syriens en danger. Des ponts sont possibles, donc, mais pour être plus efficace, et à terme, certainement remporter la bataille de l’influence sur le net, les ONG doivent surtout sortir celui-ci du champ étroit de la communication unilatérale dans lequel elles l’ont enfermé, et privilégier enfin des actions plus concrètes, mais peut-être aussi … un peu plus discrètes.