Un homme en particulier est emblématique de l'action néocoloniale française : Jacques Foccart. Au début de la guerre, il faisait affaire avec l'entreprise allemande Todt qui était chargée de construire le mur de l'Atlantique. Foccart rentre tout de même dans la résistance en 1942 et participe à la création du Rassemblement du peuple français en 1947 pour amener de Gaule au pouvoir. En 1951, Foccart siège à l'Union française, nouveau terme pour qualifier l'Empire colonial français. En 1946, il avait fondé la Safiex, société d'import-export lui permettant de se créer un réseau en Afrique avec l'entremise des Renseignements Généraux français.
Au début de l'année 1956, la population française était lassée des six années de guerre d'Algérie. La cellule d'espionnage de l'OTAN Stay-behind — créée après la Seconde Guerre mondiale pour combattre une éventuelle invasion de l'URSS et composé en France d'anciens membres de la Cagoule groupe fasciste d'avant-guerre — avait peur qu'un nouveau Front Populaire surgisse comme en 1936. Foccart est alors convoqué par la CIA. Durant cet entretien est prise la décision de renverser le gouverneur socialiste d'Alger Robert Lacoste.
Le 1er juin 1956, de Gaule devient le dernier Président de conseil — Premier ministre — de la IVe République et une loi est votée lui conférant les pleins pouvoirs pendant six mois. Michel Debré sera chargé de rédiger une nouvelle constitution de la Ve République et Pierre Mendes France déclara à son propos : « Ce n'est pas une République, c'est une monarchie héréditaire ! ». Un référendum est organisé pour qu'elle soit validée par la population. Un danger, car en cas de refus, il aurait fallu passer en force, ce que ne voulaient pas les Étatsuniens. Les médias firent campagne pour le oui — la presse et la radio appartenaient à l'État — tandis que les communistes comparaient cette nouvelle constitution au régime de Vichy. Le oui l'emporta à 94 % dans les colonies et à 79,25 % en métropole.
Les élections qui suivirent ont vu les gaullistes et les communistes être au coude à coude. Mais grâce à un découpage électoral bien pensé, un gaulliste avait besoin de beaucoup moins de voix pour être élu.
« Pour maintenir les anciennes colonies dans le giron de la France, il fallait deux choses : que les nouveaux présidents soient favorables à une coopération étendue avec notre pays, et surtout que l'opinion publique française croie dur comme fer à leur indépendance, ce qui nous permettrait d'avoir les mains libres. Jacques Foccart n'a fait que remplacer les gouverneurs blancs, qui menaient la politique du ministère des Colonies, par des gouverneurs noirs, qui prenaient leurs ordres à la cellule Afrique de l'Élysée ».
Les dernières indépendances des anciennes colonies françaises se sont faites durant l'année 1960. Les nouveaux présidents étaient encouragés à détourner de l'argent public et à nommer aux postes clés de leur gouvernement des membres de leur famille. Il fallait un régime stable et dévoué, peu importe la manière.
En Côte-d'Ivoire, Félix Houphouët-Boigny était un opposant à la France et défenseur d'un socialisme panafricain, mais sous son régime, les entreprises françaises ont énormément investi, faisant croitre le PIB du pays. Le retour sur investissement était faramineux, mais la population n'en a pas profité.
En Centrafrique, Barthélemy Boganda au pouvoir appela à la création des États-Unis de l'Afrique Latine, mais comme par hasard, son avion s'est écrasé en pleine jungle. En 1965, Jean-Bedel Bokassa accède au pouvoir. Il se proclame président à vie, puis maréchal, puis empereur. La torture et les exécutions sommaires deviennent une pratique courante. En guise d'amitié, il offre à Valéry Giscard d'Estaing des diamants, une affaire qui fera scandale en France. Pour calmer les ardeurs, Bocassa sera renversé en septembre 1979 durant l'opération Barracuda.
Au Gabon, Léon M'ba est mis en place. En 1969, après avoir échappé à un coup d'État trois ans plus tôt, ce fidèle allié de la France est réélu à 99,9 % des voies. Alors atteint d'un cancer, il nomme Albert-Bernard Bongo comme successeur s'il décède, ce qui arrive quelque temps après. Bongo se maintiendra au pouvoir 30 ans. Pour permettre au pays d'entrer dans l'OPEP — à majorité musulmane — il se converti à l'islam et prend le nom d'Omar Bongo. Pour lui « L'Afrique sans la France, c'est la voiture sans le chauffeur. La France sans l'Afrique, c'est une voiture sans carburant ». En 2009, son fils Ali remportera les élections sous supervision française.
Mais tous les pays ne sont pas aussi dociles. Au Togo, Sylvanus Olympio est élu démocratiquement et tente de redresser la situation financière de son pays. Il sera assassiné dans la nuit du 12 au 13 janvier 1963 avec la participation active de l'ambassade française et passive de l'ambassade l'étasunienienne. Son opposant arrive au pouvoir, mais subira un coup d'État quatre jours plus tard et verra Gnassingbé Eyadema prendre les rênes du pays pendant 35 ans, puis remplacé par son fils Faure Gnassingbé.
En Haute-Volta, les présidents ne reçoivent pas beaucoup de soutien de la part de la France : il n'y a pas beaucoup de ressources naturelles. Pourtant, le pays va être la préoccupation la France quand Thomas Sankara interviendra publiquement. Il menaçait les hommes aux pouvoirs : « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ». Il mènera un coup d'État le 4 août 1983, largement soutenu par le peuple. Il renomme le pays en Burkina Faso (pays des hommes intègres). Il plaide pour l'annulation de la dette des pays africains, investi dans l'éducation, les hôpitaux, prêche le féminisme et mène une politique de développement agricole. Il sera trahi par son bras droit et ami Blaise Compaoré qui le fait assassiner le 15 octobre 1987 avec l'aval de la France mitterrandienne. Sorti en 2006, un documentaire de Robin Shuffield détaille l'action de Sankara pendant ses quatre ans à la tête du pays. Compoaré est depuis à la tête du Burkina Faso.
Au Congo belge — Zaïre de 1971 à 1997 —, Patrice Lumumba devient premier ministre au moment de l'indépendance. Il demande à ce que la souveraineté et les ressources naturelles reviennent en premier lieu au peuple. Pour déstabiliser le gouvernement, les Belges vont soutenir la rébellion sécessionniste de Moïse Tshombé dans la province minière du Katanga. Le président Joseph Kasa-Vubu révoque Lumumba, mais ce dernier, soutenu par le Parlement et plusieurs ministres, parvient à le destituer. Devant cette instabilité politique, les Belges, aidés par les États-Unis, organisent un coup d'État qui permettra l'arrivée de Mobutu Sese Seko à la tête du pays. Lumumba est transféré au Katanga ligoté, humilié, exécuté et son corps dissout dans de l'acide. À l'annonce de sa mort, des paysans du nord Kivu se sont rebellés contre Mobutu, mais ce dernier parviendra à les stopper et à les massacrer.
« Au moment des indépendances de 1960, Foccart fit signer des accords de coopération qui comprenait plein de clauses sur les routes les hôpitaux, l'alphabétisation, les droits de l'Homme et tout en bas, en petit caractère, il y avait toujours une clause secrète de coopération militaire. C'est comme ça que des bases françaises permanentes purent être installées au Sénégal, en Côté d'Ivoire, au Gabon, en Centrafrique et à Djibouti. Là où ce ne fut pas possible, on obtint que nos officiers forment les armées nationales, ou au minimum qu'ils assurent la protection rapprochée des chefs d'État ».
Depuis 1960, l'armée française est intervenue plus d'une cinquantaine de fois (c'est-à-dire plus que les États-Unis en Amérique latine). Des mercenaires étaient engagés dont le plus célèbre a été Bob Denard. Ils devaient s'assurer que les services rendus par la France soient récompensés avec par exemple des rentes sur les ressources naturelles. Denard participera entre autres aux sécessions du Katanga (province de la République du Congo riche en minerais) et du Biafra (province du Nigéria riche en pétrole) et aidera à éliminer les opposants de l'ami de la France Omar Bongo.
Au Cameroun dès 1948, Ruben Um Nyobe prêche l'égalité entre noir et blancs, et créait l'Union des populations du Cameroun (UPC). L'armée coloniale est alors envoyée. Felix Moumié et Ernest Ouandié prennent sa relève. L'indépendance en 1960 ne change rien au combat de l'UPC. L'ethnicisme est alors appliqué. Le mouvement était très suivi en pays Bamiléké. Pour l'enrayer, une rumeur est apparue comme quoi les Bamilikés voulaient prendre le pouvoir. Le président Ahmadou Ahidjo fait appel à l'armée du Président de Gaule qui, avec l'aide des troupes régulières camerounaises, va tuer entre 100 000 et 400 000 personnes. Ahidjo restera au pouvoir jusqu'en 1982, succédé par Paul Biya toujours en activité. L'indépendance du Cameroun est expliquée en détail dans le livre Cameroun 1955-1962 : la guerre cachée aux origines de la Françafrique écrit par de Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa.
L'ethnicisme a aussi été appliqué au Rwanda. Avant la colonisation, trois ethnies cohabitaient : les Hutus, les Tutsis et les Twas. Les Belges favorisaient la seconde qui occupait des postes à responsabilités. Lors de l'indépendance du pays, les Tutsies ont tenté d'expulser les Belges, qui se sont alors alliés avec les Hutus. Des milliers de Tutsies durent s'exiler. Le pays devient indépendant en 1961 avec un président hutu, Grégoire Kayibanda. En 1973, un coup d'État permet à Juvénal Habyarimana d'accéder au pouvoir. Le pays passe à ce moment-là sous giron français. La France livre au pays des armes et forme l'armée rwandaise, en échange de conserver le français comme langue officielle pour contrer l'influence anglo-saxonne des pays frontaliers. Entre 1987 à 1994, la France a livré 600 millions d’euros de matériels militaires. En 1987, les Tutsis exilés forment le Front Patriotique Rwandais (FPR, soutenu par les Anglais et les États-Unis) et à la fin de l'année 1990, il entre au Rwanda. L'Opération Noroît est alors déclenchée. Elle devait évacuer les ressortissants occidentaux de Kigali. L'armée française a été au-delà de sa mission officielle puisqu'elle a aidé à stopper les forces du FPR aux portes de la ville. Le 6 avril 1994, l'avion Habyarimana est abattu. Les coupables n'ont jamais été reconnus malgré différentes hypothèses. Cela n'a pas empêché le gouvernement hutu intérimaire de massacrer durant 100 jours les Tutsis. Un million d'entre eux périt. Malgré l'embargo de l'ONU, la France continuait à envoyer des armes.
Le 20 juin 1990, durant une conférence avec des chefs d'État africains, Mitterand demandait aux différents régimes de se lancer dans une transition démocratique. Le multipartisme et des élections truquées vont fleurir en Afrique. La France va investir dans des groupes industriels pour exploiter les ressources naturelles, financer les budgets militaires, faire baisser la dette des pays qui suivent les directives d'austérités demandées par le FMI, subventionner largement les entreprises françaises et quelques broutilles pour l'éducation, la santé, etc. 15 pays utilisent le franc CFA (Communauté Financière d’Afrique, avant 1960 : Colonie Française d’Afrique) dépendant de la Banque de France qui peut ainsi contrôler les banques africaines et dévaluer la monnaie. Le Franc CFA étant directement convertible en euro, les rétrocommissions peuvent donc se faire à l'abri des regards. Il s'agit d'une pratique « qui consiste pour le vendeur à offrir plus de commissions que nécessaire, pour ensuite récupérer à son profit de la part de l'intermédiaire une partie des sommes engagées par l'État ».
Après la Seconde Guerre mondiale, de Gaule fonde le Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA), dont sa branche d'extraction d'uranium la Compagnie Générale des Matières nucléaires (COGEMA). Et dans le même temps est créé Elf Aquitaine qui sera chargé du pétrole. En Afrique, la société nommait des ministres, manipulait les élections, menaçait les opposants politiques, transmettait des articles aux journalistes influents. Elle a même soutenu au Nigéria la sécession de la région pétrolière du Biafra, déclenchant une guerre civile qui fit presque deux millions de morts. L'argent coulait à flot et de nombreuses caisses noires sont apparues pour acheter des biens immobiliers, des biens de luxe, arroser la classe politique française. En 1996, la juge Eva Joly a fait mettre en prison le directeur sortant Loik le Floch-Prigent. Cependant, il n'a pas été inculpé pour le soutien militaire de Denis Sassous-Nguesso — dictateur "à l'africaine" — au Congo Brazzaville en 1993 qui a déclenché une guerre civile. En 1997, une seconde guerre civile éclate et Elf soutient toujours financièrement Sassous-Nguesso qui en contrepartie, garantissait la sécurité des gisements pétroliers. La COGEMA de sont côté s'est d'abord implanté au Gabon puis au Niger dans les années 70. Dans ces mines d'uranium, elle exploitait la main-d'oeuvre qui travaillait sans protection. La société Elf et la COGEMA n'existent plus et ont fusionné avec d'autres groupes et ont changé de nom pour se refaire une virginité. L'une fait partie du groupe Total depuis 2000, l'autre d'AREVA depuis 2003.
En 2007, Sarkozy prononce le discours de Dakar, s'excusant pour la colonisation, mais affirme que « l'Homme africain n'est pas assez rentré dans l'Histoire », idée pleine de préjugés colonialistes. Malgré les fausses-bonnes ambitions affichées, la Françafrique perdure. Bouygues en Afrique c'est 1,4 milliard de chiffres d'affaires annuels avec la construction d'infrastructure tels que les routes, hôpitaux, mosquées, universités, l'électrification de certaines régions. Bouygues en Afrique c'est aussi un prix prohibitif de l'électricité au Mali — où l'État malien a dû payer les impayés, le licenciement de grévistes, l'interdiction de syndicats. En Guinée, Bouygues refuse d'augmenter les salaires malgré la loi qui l'impose. Le groupe Bolloré a aussi fait fortune en Afrique. Après les feuilles de papier Odet-Cascadec-Bolloré (OCB en 1918) et le film plastique ultrafin dans les années 1980, il est parti à l'assaut des ports africains, ses grues et ses dockers. Aujourd'hui Bolloré c'est 6 milliards d'euros dont 4 en Afrique. Les banques françaises sont aussi présentent sur le continent. En 1994, Paribas (qui a fusionné en 2000 avec BNP et qui aujourd'hui est la première banque française avec un chiffre d'affaires de 40 milliards d'euros, est la onzième entreprise mondiale et a des guichets dans les paradis fiscaux où transite l'argent du pétrole) est mêlée à l'Angolagate, une affaire de vente d'arme par la mafia russe à l'Angola, pays sous embargo de l'ONU durant la guerre civile, avec la participation de Jean-Cristophe Mittérand, Charles Pasqua et Paul-Loup Sulitzer comme intermédiaires.