Ils peuvent dépasser les 20 000 DH par m2 dans certains quartiers. En cause : la forte demande sur le moyen et haut standing et l'absence de foncier.
A Marrakech et Tanger, une décrue de 20% sur le segment du haut standing en raison d'une suroffre.
Les enquêtes menées par le CIH révèlent la vérité sur les prix.
On n’a pas encore fini de parler de l’immobilier ! Compte tenu de la crise qui a affecté le secteur, beaucoup s’attendaient à une baisse des prix des logements neufs alors que les grands promoteurs immobiliers soutenaient mordicus que la décrue n’aura pas lieu.
De fait, les promoteurs auront eu raison jusqu’à un certain point. Si les prix du mètre carré ont baissé dans certaines villes comme Marrakech et Tanger, ils n’ont presque pas bougé dans d’autres à l’instar de Casablanca et Rabat. C’est ce que révèlent les derniers chiffres des enquêtes périodiques menées par le Crédit immobilier et hôtelier (CIH). Des enquêtes suffisamment pointues puisqu’elles se basent à la fois sur les informations recueillies par les collaborateurs sur le terrain recoupées avec celles qui figurent dans les contrats de prêt que la banque accorde. Un baromètre qui sert à la fois de système d’alerte et de veille pour l’établissement de crédit mais également d’intrant pour sa stratégie de pénétration du marché.
La dernière enquête en date a été réalisée en décembre 2009. Les résultats ont bel et bien confirmé la méforme de l’immobilier dans la ville rouge. «Les transactions immobilières ont baissé de 60% pour le haut standing, de 30% pour le moyen et de 20% pour l’économique», souligne-t-on auprès du CIH. Les prix du mètre carré ont en revanche stagné pour les deux derniers segments, alors qu’ils ont accusé une baisse de 30% pour le premier. A titre d’exemple, des quartiers hupées comme Guéliz et l’Hivernage ont vu la moyenne de leurs prix tomber de 20 000 DH à 15 000 DH le mètre carré.
Cette tendance est confirmée par Chakib Bennani, président de la commission fiscale de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), qui explique cette chute des prix du haut standing par la surproduction de logements dans cette ville. «A Marrakech, et contrairement à Casablanca ou Rabat, l’offre est plus importante que la demande. C’est essentiellement ce déséquilibre qui tire les prix vers le bas» , ajoute M.Bennani. De fait, Marrakech paie le prix de son attrait. Contrairement à d’autres villes, elle dépend aujourd’hui grandement d’une demande exogène, que celle-ci provienne de nationaux en quête d’une résidence secondaire ou d’une clientèle étrangère qui se cherche un pied-à-terre tendance. Entre 2005 et 2008, nombre de projets immobiliers ont vu le jour générant une surcapacité, aggravée par la crise internationale.
Les Casablancais et les Rbatis, moins chanceux
La ville de Tanger connaît également un tassement des ventes et une correction atteignant 20% sur les prix du standing supérieur, mais sa situation est moins grave, en relation avec un attrait moins prononcé. «Contrairement à Marrakech où la suroffre en matière de haut standing explique en grande partie la chute des prix, à Tanger, ce segment n’est pas aussi important», explique-t-on auprès du CIH. Et si le haut standing a connu une baisse atteignant les 20% pour s’établir à une moyenne de 20000 DH/m2 dans certains quartiers tel que le boulevard Mohammed V (front mer), le moyen standing résiste, quant à lui, à la tendance baissière qui frappe le premier segment notamment à cause d’une demande soutenue sur ce segment. «Sur le boulevard Mohammed V par exemple, le moyen standing reste à une moyenne de 14 000 DH/m2. Cette moyenne descend à 11 600 DH dans d’autres quartiers», explique un agent immobilier de la ville du détroit.
A Casablanca ou Rabat, les futurs acquéreurs sont beaucoup moins chanceux, puisque tous les professionnels de l’immobilier interrogés s’accordent à dire que les prix ont généralement stagné dans ces deux villes. Pourquoi ? «Parce que la métropole souffre d’une rareté de l’offre sur plusieurs segments et cette donne maintient les prix du mètre carré à leurs niveaux initiaux», explique Said Sekkat, secrétaire général de la FNPI. Même chose pour Rabat qui, même avec un manque moins aggravé, connaît une demande soutenue.
Les prix d'aujourd’hui deviendront-ils le plancher de demain ?
Il faut toutefois faire la part des choses. Les bonnes affaires existent, mais exigent de la patience. La stagnation du moyen et du haut standing à Casablanca n’exclut pas quelques petites baisses dans certains projets immobiliers de la métropole. «Lorsqu’on dit qu’il n’y a pas de baisse des prix, cela reste une tendance générale. Il existe quelques promoteurs qui, pour une raison ou une autre, sont contraints de réviser le prix de certains programmes», explique-t-on auprès du CIH. En fait, la baisse ne concerne que peu de projets. Conséquence, l’effet concurrentiel ne joue pas suffisamment pour créer une dynamique de masse à même de tirer le marché vers le bas. Pour Saïd Sekkat, «même si les prix du mètre carré ont subi une petite correction dans certains quartiers, il ne s’agit là que d’une évolution conjoncturelle liée à la situation de certains promoteurs immobiliers». Selon le secrétaire général de la FNPI, plusieurs professionnels souffrent d’un manque de liquidités en raison de l’allongement de leur cycle de commercialisation alors qu’ils se sont lourdement endettés. «C’est pour cette raison que certains promoteurs se trouvent obligés de baisser leurs tarifs afin de se débarrasser de leurs stocks et payer leurs échéances», ajoute-t-il. Il s’agit-là d’exceptions. Si l’on prend en compte par exemple les immeubles de moyen et haut standing construit à Casablanca et Rabat, les opérateurs font remarquer certes que le temps moyen de vente est plus long, mais pour autant la demande existe et aux mêmes prix qu’auparavant. Scénario similaire dans le haut standing, où, par exemple, les villas et appartements proposés à la vente par des grands groupes immobiliers trouvent preneur sans difficultés.
D’après les données recueillies auprès du CIH et recoupées auprès des agents et promoteurs immobiliers, à Casablanca, les logements haut standing du Triangle d’or et de Gautier continuent d’afficher une moyenne de 22 000 DH/m2 avec un minimum de 19 000 DH et un maximum de 23 500 DH/m2. «Les quartiers de Bourgogne, de 2 Mars et de Val Fleuri sont, quant à eux, à des niveaux plus bas avec une moyenne de 16 000 DH/m2 et un minimum de 14 000 DH», selon le CIH. Il est toutefois possible de trouver des logements entre 11 000 et 13 000 DH le m2 dans les quartiers la Gironde et Belvédère. A Casablanca, les prix du moyen standing connaissent pratiquement la même stagnation que le haut standing. «Les deux segments souffrent du manque de foncier et d’une demande très forte», souligne-t-on auprès du CIH. Selon les données de la banque, la moyenne de ce segment s’est maintenue à 17 000 DH/m2 dans les quartiers Gautier et Racine et à 13 500 DH/m2 à Moulay Youssef et au boulevard d’Anfa. «En attendant une réglementation précise sur les différents standings, ceux-ci dépendent beaucoup des quartiers actuellement. A Bourgonne ou à 2 Mars par exemple, il est difficile de trouver du moyen standing à moins de
12 000 DH/m2, alors que ce segment peu coûter moins de 10 000 DH/m2 dans d’autres quartiers comme Oulfa et Roches Noires», indique la même source.
A Rabat, «l’existence d’une forte demande et la rareté du foncier exercent une pression sur les prix qui se maintiennent depuis plusieurs mois», souligne M.Bennani. D’ailleurs, les quartiers de l’Agdal et de Hay Riad affichent une moyenne de 19 800 DH/m2 pour le haut standing alors qu’à Hassan et au centre ville le mètre carré descend à 14 500 DH. Idem pour le moyen standing dont les prix continuent d’afficher une moyenne de 14 000 DH/m2 dans les quartiers chic (le prix de ce segment peut arriver jusqu’à 16 500 DH à Hay Riad) contre 11 500 DH au centre-ville et à l’Océan.
Baisse des prix ou pas, les agents immobiliers annoncent un frémissement de la demande dans ces deux villes. «Le marché était stable depuis le début 2010, mais nous ressentons un retour timide d’une clientèle exprimant une demande concrète», constate William Simoncelli, Dg de Carré immobilier. Un retour qui devrait exercer davantage de pression sur les prix. Il reste à espérer que les plans d’aménagement attendus, notamment pour Casablanca, soient publiés suffisamment tôt pour voir émerger de nouvelles zones constructibles ou transformer des quartiers de villas en zones immeubles. Mais il semble bien qu’avec un déficit de logements supérieur à un million (dont 60% pour le social), la demande sera encore forte pendant suffisamment longtemps pour que les prix actuels constituent un plancher en la matière.
Naoufal Belghazi
www.lavieeco.com 2010-03-08