" Je cours avec beaucoup de difficulté. Je suis dans un bois et il fait aussi sombre que dans une pièce fermée, un blockhaus sans lumière, une tombe peut-être. Mais je cours, j'avance et je sais que je suis dans une forêt, je sens l'odeur de la terre, l'âpreté des feuilles pourrissantes dans le noir, la sève qui coule son parfum sucré jusque dans l'amer de l'écorce. Mes pieds ne foulent rien, je ne suis qu'un nez, un énorme nez qui aspire toute l'odeur de la forêt et c'est lui qui me dirige et j'évite de heurter les arbres et ce bois est immense, je cours je cours je cours, on me poursuit, je le sais tout simplement sans me retourner, et soudain je suis caché dans un arbre, comment j'y suis monté si vite, allez savoir, mais j'y suis et c'est un arbre si grand, si immense que je dois me pencher pour voir le sol et je les vois courir enfin, des dizaines , des centaines, des milliers de policiers, ils défilent sous moi rapidement, ils sont si petits vus de si haut mais je me fige quand même, je ne veux pas qu'ils me voient, qu'ils me sentent, qu'ils m'entendent. Ils passent à toute vitesse et malgré leur uniforme, leur casquette, leur matraque, ils ressemblent à des fourmis. Je ne bouge pas, je suis patient, et je suis sauvé.
C'est un rêve que j'ai souvent fait et au réveil, la sensation de la victoire m'accompagnait pendant un moment, les odeurs de la forêt persistaient et pourtant, tel un mauvais goût qui subsiste dans la gorge, me revenait la tristesse amère de l'illusion... "
Nathacha Appanah : extrait de " le dernier frère " Editions de l'Olivier 2007
Mon avis : magnifique roman. Un vieil homme se souvient de son enfance difficile à l'Ile Maurice et de sa rencontre avec un jeune garçon mystérieux, dont l'amitié le suivra toute sa vie, loin des yeux , mais inamovible dans son coeur.
Livres Hebdo
Natacha Appanah revient avec un roman puissant, centré sur un point d’histoire honteux et peu connu.
L’Express
Le tour de force de Nathacha Appanah réside dans la justesse de ton de son narrateur (...). Le lecteur est sous le choc, ébloui par la pureté de la phrase, la tenue du récit, la violence des sentiments.
Le Nouvel Observateur
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Sa force tient dans la simplicité de son style et la puissance d’évocation de ses images.
Le magazine littéraire
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Un mélange étonnant de candeur et de simplicité pour dire toute la misère et la violence du monde.