Ce livre est la suite de "Je m'appelle Asher Lev". Ce premier opus racontait l'ascension artistique d'un jeune enfant de 5 ans particulièrement doué pour le dessin. Malheureusement pour lui, il était né dans une famille juive orthodoxe de New York, hassidique ladovérienne pour être exact, communauté pour laquelle toute représentation de Dieu ou d'une de ses créatures est considérée comme blasphématoire. C'était donc mal parti pour le jeune Asher Lev, puisque c'est de lui qu'il s'agit. Sauf que, malgré les incompréhensions de la communauté, malgré les déchirements familiaux, ses parents, avec la complicité du Rabbin et de son oncle Yitzchok vont quand même faire en sorte qu'il ait une éducation artistique. Mais pour cela, il faudra qu'il parte loin pour ne pas causer de tort au reste de la communauté, et il devra conserver ses traditions hassidiques. Il part donc avec celui qui deviendra son maître, et revient une dizaine d'années plus tard à New-York pour sa première exposition. Celle-ci a un grand retentissement, mais deux tableaux, des crucifixions représentant ses propres parents provoquent la rupture familiale et son exil définitif en France.
Dans le deuxième volume, on retrouve donc Asher 20 ans plus tard. Il vit dans le sud de la France, à Saint-Paul de Vence, avec sa femme Devorah et ses deux enfants, Rocheleh et Avrumel. Il est devenu un artiste mondialement reconnu, exposé dans les plus grands musées du monde. Un matin, il reçoit un appel de sa mère, l'avertissant de la mort de son oncle Yitzchok. Toute la famille part donc pour New-York. Asher retrouve donc ce monde qu'il a fui 20 ans plus tôt. Une communauté Hassidique à la fois pleine de fierté de voir l'un des siens reconnu au plus haut niveau, mais également pleine de mépris devant ses oeuvres.
Asher sera confronté non seulement à son passé, mais aussi à l'héritage inattendu et encombrant que lui lègue son oncle. Celui-ci, homme très riche et grande figure de la communauté Hassidique, presque considéré comme un héros, avait une admiration sans bornes pour son neveu. Pour cette raison, il va commencer à se procurer toutes les critiques qui paraissent sur Asher, puis il va acheter certaines oeuvres de son neveu, et enfin il va devenir un passionné d'art, et constituer une véritable collection. C'est Asher qui devra gérer cette collection selon les voeux de son oncle. Le cadeau est on ne peut plus mal vu par la famille, particulièrement par les cousins d'Asher qui veulent se débarrasser au plus de ses objets, presque maléfiques pour eux.
En plus de cela, Asher connaît une mauvaise passe dans sa carrière. Sa dernière exposition à Paris a été un échec, et depuis qu'il est à New-York, il n'arrive plus à peindre. Or, ce voyage qui ne devait durer que le temps du deuil officiel, c'est à dire une semaine, s'éternise. En effet, les parents de Asher se prennent d'affection pour leurs petits-enfants, et petit à petit Asher comprend que son père et sa mère, aidés du Rabbin, mûrissent un autre projet pour Avrumel. On comprend alors, peu à peu, que le mot "don" du titre, a de multiples sens.
Quel magnifique écrivain que Chaïm Potok ! Cet homme au parcours incroyable a laissé une oeuvre qui est une véritable ode à la tolérance. Pourtant, alors que plusieurs de ses livres ont fait l'objet d'adaptations cinématographiques, et bien que tout soit traduit ou presque, il reste relativement méconnu de ce côté-ci de l'Atlantique.
Fils de juifs polonais très orthodoxes, il deviendra lui-même Rabbin plus tard. Tous ses livres (du moins ceux que j'ai lus, c'est à dire 4) se situent dans le milieu Juif orthodoxe de Brooklyn. La communauté Hassidique qu'il décrit est un milieu fermé, où tout tourne autour de la religion. Pourtant, dans ce qui pourrait nous apparaitre comme une secte, le monde extérieur survient toujours là où l'on ne l'attend. Ici, c'est l'art, dans d'autres oeuvres, ce sera la psychanalyse. Pourtant, à chaque fois, la communauté se montre obligée de composer avec ce qui pour elle est interdit, inconcevable. L'ouverture à l'autre, la tolérance, finit toujours par gagner parce qu'au final c'est l'intérêt de tous.
On apprend beaucoup de choses dans les livres de Chaïm Potok, sur une communauté et des pratiques religieuses qui nous sont très éloignées (en tout cas qui me le sont à moi). On y apprend à connaître les autres, à s'attacher à eux même si tout nous en éloigne, parce que les personnages de Potok ont beau être être juifs, Hassidiques, vivre en milieu fermé, ils n'en sont pas moins pareils que les autres, avec une part d'humanité, de grandeur et de faiblesse, qui ressemble étrangement à la nôtre. Chaïm Potok parle à la fois de religion, mais aussi d'universalité.