Dette : club Atlant, club Méd, club Balt

Publié le 07 mars 2012 par Egea

Y a-t-il des aspects géopolitiques liés à l'économie ? certainement. à la finance ? probablement, même si la chose est pue étudiée en tant que telle. à la dette ? là aussi, l'observateur en a l'intuition, même si peu de choses sont finalement écrites sous un angle géopolitique. Considérons donc que la "dette" est un facteur de puissance, selon qu'on l'honore... ou pas !

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1/ Tout d'abord, considérons qu'on a l'impression :

  • que les Etats Unis n'ont plus aucune intention de payer leur dette
  • que les Européens en ont encore l'intention, du moins dans le principe
  • que les émergents sont au milieu et n'ont pas d'alternative...

2/ L'incommensurable dette américaine : il faut lire le dernier livre d'Immarigeon (pour en finir avec la Francamérique), il faut lire celui de Pierre Buhler (La puissance au 21ème siècle), ils citent les mêmes chiffres : une dette qui est au-delà de 30.000 milliards de dollars, voire 50 voire 70.... Autrement dit :

  • ils n'ont pas la capacité de rembourser
  • ils n'en ont pas l'intention.

Il s'ensuit une question subordonnée : ne rembourse-t-on rien à personne ? ou choisit-on des gens à qui on ne paiera rien, des Asiatiques par exemple (mais c'est un exemple tout à fait pris au hasard, n'allez pas croire autre chose).

3/ Il reste qu'on doit en tirer une conséquence, qui est celle de l'équilibre "systémique" : de la dette, c'est du "crédit". Et le mot crédit a une double signification : la signification financière, mais aussi, de façon sous-jacente ou, pour être précis, "première", celle de confiance. La distribution d ecrédit, souvenez-vous de vos cours d'économie monétaire (oui, souvenez-vous!), c'est de la fabrication de monnaie : les banques distribuent du crédit et viennent se refinancer à la Banque centrale, "^préteuse en dernier ressort qui accueille plus ou moins ces demandes de crédit : ce faisant, elle créée de la monnaie.

4/ Actuellement, la Fed créée plus de monnaie que n'en demandent les baques : il y a ultra création monétaire, il y a plus de monnaie que de crédit (ce qui alimente, en passant, les fortunes faramineuses et, indirectement, favorise toutes les bulles, et notamment les actifs internationaux, dont l'immobilier à Pairs : voici pourquoi vous ne pouvez plus acheter votre appartement rive droite, ou rive gauche). Bref : l'ultra création monétaire d'hélicoptère Bernanke dévalorise la monnaie. Le dollar est une monnaie de singe. Tant pis pour ceux qui ont des actifs en dollars. Et les Etats-Unis font tout pour perpétuer la chose, en espérant notamment que les Européens, eux aussi, feront de même : si toutes les monnaies se cassent la figure, alors ce n'est plus le problème des Etats-Unis, c'est un problème mondial, ce qui renforce indirectement la position de Washington.

5/ D'où la question de l'attitude des Européens. A ceci près que les Européens, ça n'existe pas en tant que nation et donc en tant que "pouvoir unique". Il y a des Allemands, des Français, des "Club Méd", des "club Balt", et la Grèce.

6/ Apparemment, les Européens font des efforts pour trouver une solution au cas grec. Cela dit, comme cela fait deux cents ans qu'Athènes ne paye pas ses emprunts, cela ne choque pas grand monde. On organise donc des restructurations volontaires et partielles qui en ont tous les caractères, sauf le nom. Et malgré la volonté du club Balt, il semble qu'on y soit. Or donc, cela signifierait que les Européens ont une part d'attitude "américaine" : c'est notre dette, mais c'est votre problème. Mais justement, l'organisation dès à présent du défaut est quand même le signe qu'on veut crédibiliser le système dans son ensemble, quand les Américains n'ont absolument plus cette perspective.

7/ Car voici la vraie "guerre" : en crédibilisant l'euro, en "remboursant la dette", du moins celle des pays les plus "sérieux", alors on décrédibilise la dette américaine. Mais sur cette ligne là, il y a des lignes divergentes en Europe : certains sont du côté "américain" et voient d'un bon œil le non-remboursement de toute dette. D'autres sont du côté "allemand" et veulent rembourser la dette pour prendre une domination financière, donc économique, du monde qui vient. Mais à chaque fois il y a un objectif stratégique : celui de reprendre aux émergents la "richesse" qu'on leur a donné avec la mondialisation.

8/ La guerre financière est donc à la fois transatlantique (Européens contre Américains) qu'intra européenne (américanistes contre nordistes). Et comme elle n'est pas formulée, on trouve des tenants des deux postures à l'intérieur de chaque pays, et notamment en France : attendez-vous à ce que prochainement, à l'occasion de cette merveilleuse campagne présidentielle, vous ayez un candidat qui dise : "et pourquoi on la paierait, notre dette ?".

Bref, on n'a pas fini de rigoler. Quant à vos actifs : plus ils sont physiques, moins ils sont dématérialisés, plus vous avez la garantie d'avoir demain une maison avec un potager, ce qui, sait-on jamais, peut se révéler l'essentiel.

  • NB : merci à BQ et PSS qui m'ont beaucoup aidé à accoucher de ce billet : en son temps, je vous signalerai l'article qu'ils préparent et qui est encore meilleur que tout ce que je peux raconter.
  • NNB : on relira le billet sur la monnaie Facebook, alternative privée à des monnaies publiques en voie de déshérence, et celui sur la géopolitique monétaire (même si on peut ne pas être en accord avec la conclusion, but it's another story).

O. Kempf