Tartuffe, voilà l'attaque d'un président dépassé. Dans l'émission des "Paroles et des actes", passage obligé de tout candidat à la présidentielle, ou l'introspection people se mêle à l'économie, dans un fourre tout hétéroclite que l'on sert aux Français, sorte de prêt à voter présidentiel.
Position du grand oral ou l'humilité surjouée?
L'émission n'a pas atteint des sommets de qualité. Un président ourdi à l'exercice solitaire de la communication, faisant habituellement questions et réponses, pour une fois, et sans doute la seule de son mandat, s'est retrouvé mis sur le grill tout relatif du service public. Je dis relatif, car dans les sujets évoqués, les maitres du jeu se sont bien gardés de mettre au menu les affaires judiciaires qui tournent autour des proches du président. Pas de Bettencourt ni de Woerth au programme, trop risqués sans doute pour l’intérêt d'une campagne où le suspense semble faible.Cependant, Nicolas Sarkozy dut s'expliquer, sur beaucoup de choses. Fouquet's, EPAD, Bolloré, et langage châtié ont été évoqué. Que dire des explications? On a vu un président en retrait, à la gestuelle limitée, voire pour une fois presque renfermé, et beaucoup d'excuses sur les sujets polémiques. Excuses mais aussi déresponsabilisation personnelle quasi systématique. Le bling-bling des débuts; une période familiale troublée. L'EPAD pour son fils; une erreur qu'il ne pensait pas sujette à polémique. Ses sorties virulentes; une réponse trop spontanée à l'agression, malencontreusement filmée. Des fautes reconnues mais minimisée comme-ci ce n'était pas son comportement qui était fautif, mais celui de ses critiques, avec au passage un laïus inopportun sur le physique supposément disgracieux de l'interlocuteur du Cass' toi pauv' con.
La version bilan souffre des même ficelles. Les réformes non faites, les chiffres du chômage en berne, c'est la crise, uniquement ou presque. Le déficit pour une forte part aussi, l'autre venant d'un gouvernement précédent dont il n'aurait, à le voir ainsi critiqué, pas été une composante majeure... Le reste n'est que mensonges et contres vérités, une facilité rendue possible par l'instrumentalisation de chiffres de croissance ou de chômage que lui seul connait, sans doute parce qu'ils n'existent nulle par ailleurs...
Contre l'oubli rien ne vaut un bon coup de marqueur
On croit rêver dans ce numéro de bluffeur émérite, reconnaissant ses torts les moindres, pour recouvrir de vertu les tranches de son bilan contestables. A l'entendre il n'y eut donc pas d'avantages pour les plus riches durant son mandat, et l'on se demande à combien le président chiffre t'il un possible avantage.Erreurs pas si grandes donc, et une stature à relever à tout prix, puisque François Hollande n'a définitivement pas la carrure pour endosser le costume. D'arrogant le mois passé, le voilà dans la bouche du candidat UMP redevenu un homme sans carrière politique, un béotien du métier.
Restait le passage le plus attendu, le duel avec Laurent Fabius, premier ministre de Mitterrand dans les année 80, rédacteur d'une grande partie du projet socialiste, orateur brillant, et pour l’anecdote people, corollaire présidentielle, figurant au tableau de chasse de la première dame de France. Le duel ne fut pas courtois comme la rencontre Juppé-Hollande, entre deux animaux politiques de haut rang. Pour un Nicolas Sarkozy qui n'avait pas été confronté à un rival politique depuis 2007, l'exercice était de taille, exercice dans lequel il ne se montra que peu rouillé, retrouvant ses réflexes habituels, l'attaque frontale. On vit un Laurent Fabius dépassé au départ, renvoyé à ses antagonismes passés avec François Hollande, obligé de se justifier, retardant d'autant l’évocation du bilan de Nicolas Sarkozy.
Un acte pour la culture
Le président réhabilite le théâtre
Que retenir de cette émission? Difficile de trouver un vainqueur au débat, avec un Laurent Fabius faisant l’édredon comme pour mieux laisser de l'espace au caractère tempétueux du président sortant. Celui-ci reste cependant sur la défensive, évacuant de petites phrases un bilan qu'il traine effectivement comme un boulet. Un boulet dont il aura du mal à se débarrasser, tellement ses propositions semble peu évidentes. Les plus audibles reprennent les vieilles recettes de la division, la chasse aux étrangers et à l’assistanat relancées, sans mot dire des préoccupations majeures d'emploi et d'éducation. Au surplus, l'actualité de ces derniers jours a été dominé par la polémique sur le hallal, qui met en lumière les dissensions de sa majorité, poivrée d'une visite chahutée à Bayonne.
Pas de quoi redorer son blason et relever sa carrure présidentielle. Cette rencontre qu'il appelait de ses vœux, dans une émission à l'audimat élevé, d'autant plus qu'à sa demande elle avait été reportée un mardi, aux cases plus porteuses, n'aura pas eu l'effet de levier escompté. Sur 3 heures, les Français auront vu un condensé d'excuses, de justifications, de déresponsabilisation, enrobées d'effets de manche classiques, appuyés par des chiffres comme trop souvent erronés. Le débat tardif n'aura au mieux offert à Nicolas Sarkozy qu'un bien maigre avantage, à rapporter à son déni de bilan incessant. Des "paroles et des actes" forts ternes, et une des dernières tartufferies, jouée par le maitre de l’esbroufe, prestidigitateur du vide, qui par deux fois d'une pirouette et d'un soufflet évita de répondre à son engagement: "Je m'engage si je suis élu à faire baisser le chômage à moins de 5%, sinon j'en tirerais les conséquences". Il frôle les 10%, sa côte est abyssale, et les conséquences seront pour le dernier acte, joué début mai...