Imre Kertész
"Être sans destin"
Romain Rolland a écrit : « Les hommes ont inventé le destin, afin de lui attribuer les désordres de l’univers, qu’ils ont pour devoir de gouverner » (« Au dessus de la mêlée », P. 26)
Ce destin de Imre Kertész, celui qu’il n’avait pas, a pourtant été créé par l’homme ; il a eu lieu, et il n’était pas qu’un mot, il était celui des camps nazis ; un lieu tellement concret, et qui résultait de décisions. Mais de quel destin Kertész nous parle-t-il ? Celui qui lui était prédestiné, et qu’il ignorait, celui qui s’est imposé comme une nécessité de l’histoire, presque naturellement quand l’histoire est inventée par des hommes pour déterminer le sort de d’autres hommes. Dans ce cas, les choses se sont passées comme elles le devaient ; il ne pouvait en être autrement. Pour Kertész, ce destin n’était sans doute pas écrit, il ne pouvait être imaginé ; il n’y avait pas, et il n’y a pas d’ordre du destin, pas de loi, pas même la pythie ne pouvait en dévoiler les arrêts. Pour autant, rien d’inopiné – ce destin n’est pas tombé du ciel - dans ce qui lui est arrivé. Tout avait été inventé pour que l’ordre de l’univers soit bouleversé, et gouverné d’une telle façon, pour que Imre Kertész connaisse les camps nazis.
L’incipit du livre : chapitre premier.
« Je ne suis pas allé au lycée ce matin. C’est-à-dire que j’y suis allé, mais seulement pour demander au professeur principal la permission de rentrer à la maison... absence pour raisons familiales ».
Les raisons familiales ? Son père est requis d’aller en camp de travail ; ils ont peu de temps encore ensemble. Son père n’en reviendra pas, il ne le saura qu’à la fin de la guerre.
C’est ainsi que débute cette 15 ième année de la vie de Imre Kertész, une année d’adolescence, une année complète qu’il va passer (il ne le sait pas encore) dans les camps de travail-concentration-extermination jusqu’à la libération. Il est hongrois, il est Juif, il est de cette race de gens qui porte l’étoile jaune, et qui croit encore à ce moment de la guerre – un an avant la libération - que « l’opinion mondiale est bouleversée » par ce qui lui arrive, qui ne demande à elle-même qu’un peu de patience, le temps que « les événements se dénouent », qui croit que la convocation d’un père pour aller en camp de travail n’est « qu’un bluff spectaculaire », parce que, maintenant, « c’est la douzième heure », et que tout va rapidement se terminer. L’oncle de Imre, oncle Lajos, lui parle comme à un adulte parce que « désormais, dit-il, tu partages le sort des juifs », et qu’il ne peut, pour tout espoir, que s’adresser à dieu en hébreu, alors que Kertész ne connaît même pas la langue hébraïque.
Le deuxième incipit : chapitre deuxième.
« Voilà déjà deux mois que nous avons fait nos adieux à mon père... et j’ai été informé par une lettre officielle que j’étais affecté à un emploi stable ».
Bref, à son tour, Imre Kertész est envoyé en camp de travail, dans une briqueterie – l’emploi stable - ; puis, (il ne le sait pas encore) ce sera Auschwitz, puis, Buchenwald, puis Zeitz, puis à nouveau Buchenwald où il sera libéré.
Ce qui m’impressionne depuis le tout début de la lecture de ce livre, je n’en suis qu’à la page 81, et ce sera comme ça jusqu’à la fin, c’est sa manière toute naturelle de dire les choses naturellement, comme s’il y croyait naturellement, en ces choses qui ne seront rien moins que surnaturelles, surréalistes. Cette ingénuité, (appelons cela de la candeur, de la franchise, ou tout simplement, de l’ignorance ou même de l’inexpérience ; ainsi, il croit trouver un emploi stable, il le croit parce qu’on le lui a dit, et pourtant, il va se retrouver dans les camps) ou cette confiance que ce qui se passe doit se passer et qu’il est naturel qu’il en soit ainsi, va le suivre tout au long de sa quinzième année d’existence, celle passée dans les camps. Il y a sans doute un peu – beaucoup - d’ironie dans son propos-souvenir, mais ce sentiment ne me semble pas absurde, ni même naïf ; ainsi quand il parle de ce travail, il écrit « on ne peut pas dire qu’il soit très fatiguant, et avec les copains, c’est même assez amusant : il s’agit d’un travail d’aide dans le domaine de la maçonnerie ». Et il croit cela. C’est écrit ainsi tout au long du livre ; on se demande – le lecteur – si cela va tenir jusqu’au bout.
Même à la fin du livre, à la page 355, parlant des minutes qu’il vivait une à une, une par une, dans les camps, il écrit : « Réfléchissons à cela : chacune de ces minutes aurait pu apporter quelque chose de nouveau. En réalité, elle ne le faisait pas naturellement – mais il faut quand même le reconnaître : elle aurait pu le faire, en fin de compte, autre chose aurait pu arriver à chacun que ce qui lui est arrivé, aussi bien à Auschwitz que, disons, à la maison, quand nous avions fait nos adieux à mon père ».
Voilà, pour lui, même à Auschwitz, quelque chose d’autre aurait pu arriver. Le croit-il ? Est-ce un espoir qu’il avait, ou qu’il aurait aimé avoir ? Une vue de l’esprit raisonnable, ou le fruit d’un imaginaire déraisonnable ? Et, naturellement, dit-il, chaque minute ne le faisait pas, cela n’arrivait pas que cela puisse être différent. Il n’y avait pas d’autre minute possible dans ce camp d’extermination. Raisonnablement, chacun sait cela aujourd’hui.
À ce moment-là, - l’emploi stable à la briqueterie - il peut rentrer chaque soir à la maison ; il peut aussi discuter avec une copine et y réfléchir. Celle-ci, qui porte aussi l’étoile jaune, voit un problème majeur dans le fait qu’elle lit de la haine dans le regard des autres ; et elle veut comprendre pourquoi il en est ainsi. Elle dit : « nous, les juifs, nous sommes différents des autres, et cette différence est fondamentale... Il est particulier pour elle de vivre avec la conscience de cette différence ». Et surtout, ajoute-t-elle, « nous portons en nous cette différence ».
Mais pour Kertész, « tout ça est beaucoup plus simple ». Et il lui raconte alors cette histoire qu’il vient de lire, où un mendiant et un prince ont échangé leurs habits, si bien que par la suite, le prince devient un véritable mendiant et le mendiant, un véritable prince. Alors, dit-il à sa copine, imagine que tu ais été échangée avec un autre enfant – non juive - à ta naissance, ce serait cet autre fille qui ressentirait maintenant la différence et porterait l’étoile jaune. Pour Kertész, sa copine ne porte donc pas en soi cette différence. Mais pour la copine, - si nous ne sommes pour rien dans ce qui nous est propre, et que tout n’est qu’un pur hasard – alors, cette pensée, que tout cela n’a aucun sens, est, pour elle, une pensée qu’elle ne peut supporter. Ce qui étonne dans le texte de Kertész à ce moment-là, - d’abord, il regrette de l’avoir blessée avec cette histoire - c’est qu’il était prêt à lui dire de ne pas s’en faire, que cela n’était pas important, et que lui-même ne la détestait pas (là, c’est un peu ridicule, admet-il) et surtout, écrit-il, « à cet instant-là, je le ressentais réellement, d’une manière totalement indépendante de ma situation, pour ne pas dire : librement ». Bref, il ressent simplement que la jeune fille juive, et lui-même juif, ne portent pas en eux cette différence. Mais que veut dire « porter en soi » un statut propre, un fond d’être qui nous soit propre, et qui nous différencie, et que ne peut altérer le fait qu’extérieurement (donc, en dehors de nous) on nous ait accordé un statut autre ? Je serais juif intérieurement, mais si on me donne extérieurement un statut différent (on échange les bébés, et je deviens aux yeux de tous un catholique) serais-je toujours un Juif ? En fait la question est absurde, je n’aurais jamais su que j’étais un Juif.
Cette anecdote me fait penser à cette autre question : « qu’est-ce qu’être père » ?
Je m’explique.
Imaginons la situation suivante : je suis divorcé, mon fils qui avait un an au moment du divorce, vit avec sa mère – un juge en a décidé ainsi – et lui et moi nous voyons assez souvent. L’entente est cordiale entre nous ; et il en est de même avec sa mère. Celle-ci s’est remariée, et moi de même. Les années passent; les visites de l’enfant chez son père sont régulières et correctes ; et tout se déroule bien. Puis, pour des raisons professionnelles, et aussi parce que les parents vont vivre dans des villes éloignées, l’enfant voit peu son père.
La situation n’est plus la même ; l’enfant – il a alors 11 ans - et le père se voient peu, se rencontrent peu, s’éloignent vraisemblablement, physiquement, psychologiquement ; le père est, de surcroit très occupé, l’enfant devient adolescent, et a ses préoccupations propres, de jeune, d’ado, d’amitiés diverses... Chacun mène sa vie.
Je me pose alors ces questions: qu’en est-il de la paternité « biologique » et de sa signification profonde quand vient le temps de parler de la responsabilité de père qui y est attachée ?
Qu’est-ce qui est ancré à l’intérieur du père biologique, et que « porte-il en lui » qui le différencie d’un éventuel père adoptif (beau-père, dit-on : le nouvel époux de mon ex conjointe, par exemple) pour son enfant ? Et ce beau père, que porte-t-il en lui ?
Et qu’est-ce qui est en jeu quand je pose la question ainsi ? Qu’est-ce qu’être père ? Qu’appelle-t-on le sentiment paternel ? Qui est le père effectif ? le père biologique ? ou le père qui joue le rôle du père et qui porte l’image du père auprès de l’enfant ?
Je peux aussi étendre ces question à d’autres questions, - ou, s’agit-il des mêmes questions posées autrement ?
Pendant toutes ces années qui ont passé, disons 18 ans : QUI est cet homme qui a bordé l’enfant chaque soir ? QUI est cette personne attentive qui lui a raconté des histoires, tout au long de son enfance, pour qu’il s’endorme ? QUI est cet homme prévenant qui a aidé l’enfant à faire ses devoirs ? QUI est cet homme responsable qui l’a réprimandé si l’enfant ne se comportait pas bien ? QUI est ce compagnon- homme-adulte-et-aimant qui l’a consolé quand il était triste, et qui l’a encouragé dans ses épreuves et qui l’a conseillé dans sa vie d’adolescent ? QUI est-il celui qui lui dit chaque jour qu’il l’aime ? Bref, QUI est cet homme adulte-tuteur-aimant-prévenant-responsable-conseiller-consolateur, sorte de père à la place du père ? Finalement, QUI porte en dedans de lui cet état de PÈRE ? Lui, ou l’autre, le biologique ?
Posée ainsi, la question n’est-elle pas aussi la suivante ?
Celui qui « fait office de père » auprès de l’enfant, celui qui va donner à l’enfant « l’image » du père, celui qui assure cette présence de l’autorité paternelle, - celle qu’on dit si importante (tout fils doit avoir auprès de lui une image du père, et cela serait essentiel dans son éducation, dit-on) – oui, cette image de « responsable » naturel, cette image de « répondant » naturel auprès de l’enfant, et surtout, auprès de la communauté ; oui, celui-là, QUI est-il ? Et surtout, QUI est-il pour l’enfant, cet homme qui l’a accompagné toute sa vie et continue de le faire dans le « quotidien » ?
De plus, pour des raisons de simplicité, sinon de complexité, je pose les hypothèses ou constats suivants : 1- j’avoue que je ne suis pas bien connaissant de ces questions ; 2- je mets de côté la possibilité que la mère ait une compagne, plutôt qu’un compagnon, à moins que cela soit une remarque qui ne tient pas la route; 3- je pose également que le père « qui fait office de père » est un bon père. Disons à ce sujet, comme on le dit en droit, que cet homme s’est comporté comme un « bon père de famille » en regard de la responsabilité qu’il a choisi d’assumer auprès de l’enfant et aussi de sa mère.
Évidemment, dans ma tête, il n’est pas question de dire qu’en cas de divorce et de séparation de l’enfant de son père biologique, il faille absolument trouver un père de remplacement pour l’enfant, la question serait trop simple. Il s’agit tout simplement de voir s’il n’est pas naturel de poser ainsi la question: le père de remplacement, celui de la quotidienneté, ne serait-il pas « organiquement », et quasiment, le « véritable » père ? Au lieu des liens du « sang », il y aurait alors les liens du « sens », oui, un sens profond « enfoui », et « ressenti » comme tel par ce père aimant qui a adopté cet enfant. Ainsi, il « porterait en lui », le rôle, le statut, l’être-père, l’existant-père, qu’il est devenu. À la différence d’avec le père biologique, - cette différence qui n’en est pas une puisque l’on porte en soi ce que l’on est – il est le père psycho-socio-sentimentalo-imago-rationalo-concreto de l’enfant.
Dans ce cas, quelle place est alors laissée au père biologique ? Celle du remplaçant du beau-père, dans les visites hebdomadaires, ou durant les vacances annuelles ? C’est un drôle de revirement de « sens », non ? Non, là n’est pas la bonne remarque. Le père biologique, même à distance, reste le père, ou, disons-le autrement, il garde son statut de père biologique, mais il peut aussi être un père très très très aimant, et estimer – même distant - qu’il est toujours le « vrai de vrai » père responsable de son enfant.
Est-ce que je me contredis ? Je ne crois pas ; alors je vais poser la question autrement.
Il y a une autre façon – sinon, une façon opposée – de poser cette question.
Imaginons qu’un ami et voisin vienne me voir bien des années plus tard (il a comme des remords, ou un sentiment que je ne saurais qualifier) et me dise qu’il croit bien, vraisemblablement, être le père de mon fils (en mes absences, il couchait avec ma femme ; c’était elle surtout qui le voulait, me dit-il un peu penaud ; il avait vérifié les dates, et ça correspondait).
Alors revenons un peu sur cette question du père biologique, du père par le « sang », et aussi du père à la place du père, du père par le « sens ».
QUI EST LE VÉRITABLE PÈRE DE MON FILS ?
Ou, dit autrement, en quoi ce que vient de me révéler mon ami et voisin peut-il changer mon sentiment « d’être le vrai père de mon fils » ? Et, corrélativement, cela va-t-il changer mon attitude, et mes comportements envers ce fils qui est toujours mon fils – cela, je le « porte en moi », et c’est bétonné ?
Bien sûr, c’est bête comme questions. Mais elles sont fondamentales. Je crois bien, s’il me fallait répondre à de telles questions, que je répondrais, qu’en aucun cas, ce fait nouveau qui vient de m’être révélé viendrait modifier quoi que ce soit, et dans mon sentiment de père, et dans mon attitude de père, et dans mes comportements de père. Sauf que je ne serais pas – il faut bien le reconnaître, si cela est avéré - le père biologique.
Voilà pourquoi je crois essentielle la « relation de proximité » la relation fondamentale, biologique ou pas, cette relation de sens et non de sang, qui existe entre ces deux êtres, le père (lequel ?) et le fils. Dans ce cas, le père « existant », celui qui se croit le père biologique, porte en lui cette « différence » d’avec le père biologique : il est le porteur vrai de l’image du père biologique que le fils a toujours eu. Et si le fils l’apprenait – que son père n’est pas son père – cela changerait-il quelque chose dans, et son sentiment, et dans son attitude, et dans ses comportements vis-à-vis celui-ci ? Autrement dit, cesserait-il d’être le fils de celui qu’il croit être son père ? Le problème n’est pas simple, je le vois bien ; avec cette dernière hypothèse, le fils a maintenant trois pères : - un l’a adopté, le père par le « sens » - un autre s’imagine (s’imaginait) être le père biologique, il devient un autre père par le « sens » - et il y a cet autre, celui qui vient d‘apparaître, mais qui n’a jamais fait office de père, et qui pourtant l’est « biologiquement » parce qu’il est le père par le « sang ».
J’ai fait un long a parte pour poser une question assez simple et fréquente aujourd’hui. Et cela m’a été suggéré (j’ai divagué sans doute un peu) par ce petit bout de phrase de Kertész : « porter en soi ». Cela n’est pas si anodin et il me semble que l’on peut prolonger cette question bien au-delà de cette interrogation à propos du père biologique – qui n’a finalement servi qu’à poser une question plus large et plus fondamentale : « Que portons-nous en nous qui nous identifie auprès des autres, et surtout, qui nous identifie auprès de nous mêmes ? »
Je me suis éloigné... je reviens au texte de Kertész ?
J’en étais à la page 81. Imre Kertész, quand il comprend que son emploi « stable » à la briqueterie se termine lorsqu’on amène – il vient d’être arrêté avec tous ses copains juifs sur la route qui conduit à la briqueterie - « toute cette bande de Juifs » là où est leur place, c’est-à-dire à l’écurie, et qu’on les y enferme pour la nuit, a même « un peu envie de rire », car il comprend - sans comprendre - qu’il est tombé au beau milieu d’une pièce de théâtre insensée où il ne connaissait pas bien son rôle ; et il a cette pensée fugace, écrit-il, « qui n’a fait que passer dans mon imagination : la tête de ma belle-mère quand elle se rendrait compte qu’elle m’attendait en vain pour dîner ».
Les Juifs se disaient-ils la vérité ?
Ou, aimaient-ils croire autrement ce qui leur arrivait ? J’ai toujours été frappé, dans mes lectures, ou dans des films de fiction, - je pense à ce film, « Le pianiste », de Polanski, quand il présente les dialogues (pour moi, presque surréalistes) de ces gens pris dans le ghetto de Varsovie - ou dans des documentaires-films (comme la Shoa), de l’attitude des Juifs en face de l’horreur qui les atteignait. Ainsi, quand Kertész rapporte le propos d’un compagnon de camp : « Il a dit qu’à son avis le policier devait avoir visiblement une directive d’ordre général que vraisemblablement il suivait avec un excès de zèle. Il pensait néanmoins que l’affaire serait finalement prise en mains par des personnes compétentes et il espérait, a-t-il ajouté, que cela ne saurait tarder ». Ces mots sont lourds de sens : il pense, il espère, ce n’est qu’une affaire, elle provient d’une directive, et elle sera réglée par des gens compétents. Nul cri d’indignation, ni d’opposition, ni cruel désappointement, nul sentiment de malaise, de peine, de désolation, d’affliction d’aucune sorte. Je suis scié quand j’entends, je lis, je vois, cela : une espèce de gêne gênée d’admettre l’impensable. Et cette scène se passait tout juste une année avant la libération des camps ; le monde – nous sommes en 1944 - savait déjà tout cela qui n’avait aucun sens et qui était le sort (destin) des Juifs.
On est un peu dans ce même registre de « mal être » quand je lis ces autres commentaires entendus au même moment par Kertész : « De nombreuses personnes reconnaissaient que les Allemands étaient fondamentalement... des gens propres, honnêtes... et qu’ils appréciaient ces traits de caractères chez les autres ». Ainsi, se rappelle Kertész, du fait qu’il parlait un peu l’allemand, il pouvait, à leur exemple, en les observant bien, acquérir une certaine discipline – il s’en faisait un peu une gloire - ; et qu’avec ce nouveau changement (il ne sait pas que ce voyage l’envoie à Auschwitz) il pourrait, s’imagine-t-il, et il l’écrit, mener une vie plus raisonnable, et, même, cela lui permettrait de voir du monde. Il écoutait « sa » voix de « sa » raison, et avait envie de donner l’exemple autour de lui, et se conduire « dignement ». Il entendait aussi ces autres Juifs, dans le camp, parler de Dieu, de ses desseins impénétrables, du destin des Juifs qui s’étaient détournés du Seigneur, et de la seule façon qu’il leur était permis de vivre, et qu’il appelle, la « négation de la négation », car, sans espoir, pour ces gens, les Juifs seraient perdus. « Or nous ne pouvons, disent-ils, puiser l’espoir que dans la foi et dans la certitude absolue que le Seigneur nous prendra en pitié et que nous pouvons obtenir Sa grâce ».
Allez, pour moi, - le lecteur - la messe est dite ; je ne vois pas où cela peut les mener autrement qu’en enfer, l’enfer des camps de la mort. Et ils y vont tout de go bénissant dieu et les Allemands.
Rozi, un ami de Kertész, - afin de l’encourager dans ce nouveau transfert - le lui disait : « le voyage ne durerait que le temps d’arriver à destination ». Ironie ? Sans doute ? Et cette destination, c’est Auschwitz-Birkenau, Kertész l’a lu par une petite fenêtre de son wagon de train, « c’était écrit avec des lettres pointues et sinueuses des Allemands, avec un double trait d’union ondulé ».
La suite, écrit Kertész, « il me serait difficile de la raconter »
Il entend encore ce jeune homme près de lui qui dit à sa mère : « Obéissez, maman, de toute manière nous nous reverrons bientôt. Nicht wahr, Herr Offizier – il s’adressait avec un sourire confiant, d’une certaine façon complice, à la manière des adultes, à un soldat allemand qui se trouvait là – wir werden uns bald wieder... »
Mais très vite, Kertész et ses copains doivent comprendre : douche, fumigation, soupe immangeable, des barbelés, des clôtures, des hommes en armes (c’est naturel, écrit-il, ils sont des soldats !), puis doivent cesser, faire taire leur « étonnement » (que c’est curieux de le voir encore utiliser ce mot) ; ils se regardent longuement, ils doivent cesser de se voir comme des « visiteurs en prison » (l’expression est de Kertész ; il se voyait ainsi, à ce moment-là) et de considérer ce camp comme « leur maison » (encore une expression de Kertész) quand ils comprennent que cette maison, ils ne la verront que la nuit, pour le repos nocturne. C’est à ce moment que leur attention est attirée, « plus sérieusement (encore une expression de Kertész) cette fois, par l’odeur » et que, finalement, ils comprennent « qu’à cet instant, là-bas, en face, brûlaient nos compagnons de voyage ».
Ses souvenirs de cette période dans les camps ? une couleur ? un sentiment ? une impression générale ? maintenant – ils se le disent, ses copains et lui - chacun sait : « c’est effroyable ».
Je suis à la page 165 de ce livre ; la vie de Kertész, et de ses copains, à Auschwitz, bascule ; ils s’ennuient. « nous attendions – à bien y réfléchir, nous attendions que rien ne se passe ». Et pourtant, Kertész ne passera que trois jours à Auschwitz.
À nouveau, il est dans un train, il est transféré : direction Buchenwald. La gare à son arrivée « ressemble à une agréable petite station de campagne ». Kertész ne peut « qu’admirer la rapidité, la précision régulière avec lesquelles tout se déroulait. Quelques cris brefs : Alle raus ! – Los ! – fünferreihen ! – Bewegt euch ! ». À Buchenwald, rappelle-t-il, « il y a aussi un crématoire, naturellement, mais un seul en tout et pour tout, ce n’est pas le but du camp, son âme, ou sa raison – si j’ose dire -, mais on n’y brûle que ceux qui meurent dans les conditions normales de la vie des camps ». (toujours cette « normalité » dans les propos de Kertész)
Zeitz
Puis, de Buchenwald, on le transférera à Zeitz, un « camp de concentration tout petit, misérable, perdu, pour tout dire, provincial ». Jusque là, Kertész avait mis de la bonne volonté à être un bon détenu, le tout étant de ne pas se laisser aller : « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », écrit-il. Il avait une règle : « Je ne l’aurais jamais cru, mais le fait est là : à l’évidence, un mode vie ordonné, une certaine exemplarité, je dirais même une certaine vertu, ne sont nulle part aussi importants qu’en détention, justement ».
Mais très bientôt, une autre règle va s’imposer, il en va de sa survie, et Kertész va adopter une sorte de règle d’or : quand on ne le regardait pas, il prenait de petits instants de repos ; et, si possible chargeait le moins possible sa pelle, sa bêche, ou sa fourche, etc... Il était, à ce jeu, devenu très rusé.
Mais tout cela n’a pas suffi ; peu à peu, les conditions du camp empirent (les Allemands sont en train de perdre la guerre) : on passe du demi pain au tiers de pain, au quart de pain, les soupes disparaissent, c’est la famine pour les prisonniers du camp. Kertész perd de l’entrain, il est plus fatigué, il a un peu plus faim (cela devient obsessif) il a un peu plus de mal à bouger... il devient, écrit-il « un fardeau pour lui-même ». Puis, un changement lui saute aux yeux, il voit que les gens de l’extérieur du camp s’étaient transformés, ils sont plus beaux Il met un peu de temps à comprendre que c’est lui qui a changé, naturellement, mais qu’il a mis du temps à en prendre conscience.
Le temps a trompé ses yeux.
Ainsi a-t-il vu la famille Kollmann changer. « Après un certain temps, j’ai remarqué que le père restait en arrière et que ses fils devaient l’aider, le traîner derrière eux en le tenant par la main. Plus tard, le père n’était plus parmi eux. Bientôt, l’ainé dut tirer le cadet de la même façon. Puis, ce dernier disparut et l’ainé dut se trainer lui-même, et à présent, je ne le voyais nulle part lui non plus ».
Pour Kertész, il y a « trois moyens – pour les avoir vus, entendus ou expérimentés – de s’évader d’un camp de concentration ». Il a, écrit-il, pratiqué le premier, et peut-être le plus modeste : celui de son imagination qui reste libre ; et pourtant, écrit-il, celle-ci n’est pas sans bornes. Il a de la difficulté à s’imaginer dans un contexte étranger, comme par exemple, se retrouver dans une île lointaine, une sorte de paradis. Le plus souvent il se retrouve à la maison ; et il se le reproche, car il comprend comme il a mal vécu, comme il a mal utilisé ses journées ; comme il a gaspillé son temps, et des matières aussi (des plats par exemple qu’il repoussait parce qu’il ne les aimait pas ; qui sont alors aujourd’hui pour lui des négligences incompréhensibles et irréparables). Le deuxième moyen, c’est tout simple ; ceux qui le pratiquent sont ceux que « le réveil dans un camp ne réveille pas » car ils sont ceux qui ne pourront plus jamais se lever. La troisième forme d’évasion, c’est la vraie ; dans son camp, un seul fugitif l’a réussie.
La faim
Elle l’obsède. « Ni l’obstination, ni la prière et les évasions d’aucune sorte ne pouvaient me délivrer d’une chose : la faim... je n’avais d’yeux que pour cela, toute ma raison était au service de cela ». Une fois il regarde un garde manger des haricots... « j’ai regardé longuement une main noueuse qui sortait de longs haricots verts d’un bocal oblong, l’un après l’autre... avec une sorte de vague espoir incertain.. puis, après un certain temps, son dos me cacha ce mouvement, car il s’est retourné, et je le comprenais, naturellement : par humanité, pourtant, j’aurais aimé lui dire de ne pas se gêner, de continuer car, pour ma part, j’appréciais beaucoup le spectacle, c’était mieux que rien assurément ».
Kertész se transforme en un vieil homme flétri.
Au nouveau camp, trois mois ont suffi pour que son corps le trahisse. Il trouve pénible de comptabiliser jour après jour ce qui meurt en lui. « J’étais ébahi par la vitesse, l’allure effrénée avec la quelle, jour après jour, diminuaient, mouraient, fondaient et disparaissaient la matière qui recouvrait mes os, l’élasticité, la chair ». Sa peau pendouille, ridée, recouverte de toutes sortes d’abcès, de ronds bruns, de gerçures, de crevasses, de rugosités... et, ce qui avait été jadis un bon ami, son corps, lui fait horreur. Il ne lui reste plus qu’un combat silencieux à mener, soit que son corps gagne, soit que sa volonté gagne. Et il se sait brisé irrémédiablement... « je croyais chaque matin que c’était le dernier », et pourtant, il se lèvera encore bien d’autres matins... jusqu’à la fin, jusqu’à la libération.
Oui, avec le temps, il va trouver, écrit-il, une sorte de paix, une quiétude, un soulagement : - le froid, l’humidité, le vent ou la pluie ne le gênent plus ; - même sa faim passe, il mange ce qui est mangeable, distraitement, machinalement ; - le travail ? il ne fait même plus semblant, qu’il me batte, écrit-il.
Et un jour, on jettera son corps...
... avec d’autres corps, sur la plate-forme mouillée d’un camion ; un garde, écoeurée par leur odeur, par leur vue, les surveille. Il se retrouve à l’hôpital du camp.
La suite est difficile à rapporter. Kertész lui même ne nous la précise pas. Les conditions de traitement changent radicalement. Ce séjour s’éternise – pour le lecteur, il est difficile de comprendre qu’on ne l’ait pas envoyé au crématoire, étant donné son état de demi mort – et après une douche, des premiers soins, il bénéficie d’une chemise, d’une couchette avec paillasse, de soins d’un homme sympathique, oui, d’un homme qui lui parle, qui lui demande même d’où il vient... Bref, en peu de temps, on soigne ses plaies, on en extirpe le pus, on fait tout pour faire disparaître les « poux » qui pullulent, qui se nourrissent de sa plaie et font même bouger son bonnet vert. C’est fou ce qu’il raconte de ces « poux » : « Au bout d’un certain temps, je renonçai et me contentais de contempler cette voracité, ce grouillement, cette avidité, cet appétit, ce bonheur sans fard : d’une certaine façon, il me semblait les connaître un peu ».
Et ce « bonheur » nouveau à l’hôpital du camp va se poursuivre ; on le transfère une nouvelle fois à Buchenwald où, par « bonheur », il arrive en vie. J’ai écrit « bonheur », et c’est exprès. Je lis ainsi Kertész :
« J’étais en vie et en moi brûlait encore, vacillante certes, comme une veilleuse, quelque chose, la flamme de la vie, comme on dit – c’est-à-dire qu’il y avait là mon corps, je savais tout à son propos avec précision, sauf que moi-même, je n’étais plus dedans, en quelque sorte... le pantalon de détenu qu’on m’avait donné pour la route collait à mes plaies ouvertes, mais tout cela ne me touchait pas, cela ne m’intéressait pas, n’avait plus d’influence sur moi, je peux même affirmer qu’il y avait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi léger, paisible, presque rêveur, je le dirai tout net : aussi bien... J’étais bien tranquille, serein, sans curiosité, patient, là où on m’avait déposé. Je ne ressentais ni froid, ni douleur, et je ne percevais que par ma raison et non à travers ma peau... à côté de moi, un objet difforme entra dans mon champ de vision : un sabot, de l’autre côté une casquette de diable semblable à la mienne, deux accessoires pointus – le nez et le menton – au milieu, une dépression caverneuse – un visage... et malgré la réflexion, la raison, le discernement, le bon sens, je ne pouvais pas méconnaître la voix d’une espèce de désir sourd qui s’était faufilée en moi, comme honteuse d’être si insensée, et pourtant de plus en plus obstinée : je voudrais vivre encore un peu dans ce beau camp de concentration ».
La suite, je me répéterai, est encore plus improbable...
... ou incroyable, c’est comme on veut.
« Je dois le reconnaître : il y a des choses que je ne saurais expliquer, pas précisément ou même pas du tout, si je me place du point de vue de mon attente, du principe, de la raison – en somme, de la vie, de l’ordre des choses, du moins pour autant que je le connaisse ».
Pourquoi est-ce si improbable ? C’est tout simplement que cette fois-là, on va lui donner un traitement tout-à-fait normal, celui d’un patient qui veut guérir, à qui l’on va donner les meilleurs soins, et surtout, les meilleures conditions pour qu’il se remettre rapidement : de l’eau chaude pour se laver, un vrai lit, un vrai pyjama, un café tiède, du pain, un édredon rouge, et véritable, dans son lit, une chemise neuve, propre surtout, des pansements réels, et propres, sur ses plaies... et, un médecin qui lui souhaite bonne nuit quand il le quitte le soir. Résultat ? Ses entrailles lui donnèrent signe de vie... il récupère doucement. Puis, il voit qu’il a du temps... il observe autour de lui, il voit... enfin : ainsi cette belle petite fenêtre qui laisse entrer le soleil, un grand poêle en fonte décorée, qui ronfle tout près, un voisin, malade, alité à sa gauche et à qui on passe une main derrière le dos pour le soulever un peu et lui arranger son édredon...
Bref, il vit à nouveau, il admet cette réalité, elle est possible, inhabituelle certes, bizarre, mais agréable ; ainsi, il va se laver par convenance. C’est presque émouvant, drôle, tout ça évidemment.
Et pourtant, l’explication est toute simple, la guerre touche à sa faim, non à sa fin. « Alors je recherche le plus grand confort que peut m’offrir mon lit et que m’autorisent mes plaies, je tire la couverte sur l’oreille, et déjà un sommeil insouciant m’envahit : non, je ne veux rien de plus, je ne peux rien espérer de plus, j’en conviens, dans un camp de concentration ».
Et pourtant la réalité est là, nouvelle : les Allemands laissent tomber, des médecins-travailleurs-étrangers prennent la relève. La nouvelle fait vite le tour du camp, une voix cria : « Nous sommes libres ».
Kertész dut bien l’admettre. « Alors seulement, je retombai sur mon oreiller, soulagé, alors seulement quelque chose se débloqua en moi, et je pensai à mon tour – peut-être pour la première fois sérieusement – à la liberté ».
Le retour
« Je suis rentré chez moi à peu près à l’heure où j’étais parti ».
Il fallait continuer à vivre, il ne pouvait pas faire autre chose, du moment qu’il avait la possibilité de le faire, naturellement. Mais comment ?
Les gens le questionnent ; sur les fours crématoires, par exemple, s’il en avait vus. Il répond : « Alors, on ne serait pas là en train de parler ». Sur ce qu’il ressentait ? « De la haine ». Et pourquoi dit-il toujours « naturellement » ? « Parce que, dans un camp de concentration, c’est naturel ».
Et peu à peu il comprend, il ne répond plus rien, car il commence « tout doucement à voir qu’il y a une ou deux choses dont on ne peut visiblement jamais discuter avec des étrangers, des ignorants, dans un certain sens, des enfants, pour ainsi dire ».
L’enfer des camps ?
La question l’étonne, sinon le déstabilise. Il y répond cependant : pour lui « chacun pouvait se le représenter selon son humeur et à sa manière, et qu’en revanche pour ma part je pouvais en tout cas m’imaginer un camp de concentration puisque j’en avais une certaine connaissance, mais l’enfer, non ».
Kertész s’imagine le camp comme un endroit où on ne peut pas s’ennuyer. Il y a de quoi déstabiliser son interlocuteur. Il se l’explique ainsi : « Le temps, je veux dire, le temps, ça aide, ça aide à tout ». À tout comprendre, doucement, étape par étape, des étapes que l’on franchit une à une, chacune apportant un peu plus d’expérience et de connaissance. Mais si toute la connaissance nous tombe immédiatement dessus, sur place, « il est possible qu’alors ni notre tête ni notre cœur ne pourraient le supporter », essayait-il de dire à ces gens qui n’avaient que le mot « enfer » pour s’imaginer les camps. Tout comme je l’écrivais moi-même un peu plus haut.
Quand Kertész parle avec des survivants à son retour à la maison, il voit bien qu’eux aussi ont avancé pas à pas, à petits ou à grands pas, et que pour eux aussi, « chaque minute commençait, durait et finissait avant que la suivante ne commence à son tour ».
Et, en repensant à sa copine qui se croyait d’un sang différent, et juif, et si elle avait été là pour l’entendre, il lui aurait dit: « Maintenant, je pourrais lui dire ce que juif signifie : rien, du moins pour moi au début, jusqu’à ce que commencent les pas. Ce n’est pas vrai, il n’y a pas de sang différent ni autre chose, il y a seulement... je bute, mais soudain, je me rappelle les paroles du journaliste : il y a seulement des situations données et les nouvelles possibilités qu’elles renferment. Moi aussi, j’ai vécu un destin donné. Ce n’était pas mon destin, mais c’est moi qui l’ai vécu jusqu’au bout... on ne peut jamais commencer une nouvelle vie, on ne peut que poursuivre l’ancienne... et s’il y a un destin, la liberté n’est pas possible ; si au contraire la liberté existe, alors il n’y a pas de destin, c’est-à-dire qu’alors nous sommes nous-mêmes le destin ».
Mais les gens qui le questionnent sans arrêt voudraient lui faire dire « qu’il est une victime », mais c’est ce qu’il ne peut dire « complètement ».
« Il fallait qu’ils essaient de comprendre cela -, on ne peut pas tout me prendre, il m’est impossible de n’être ni vainqueur ni vaincu, de ne pas pouvoir avoir raison et de n’avoir pas pu me tromper... je les suppliais d’admettre que je ne pouvais pas avaler cette fichue amertume de devoir n’être rien qu’innocent ».
Kertész conclue... sur les camps.
« Oui, dans un certain sens, là-bas, la vie était plus claire et plus simple... je vais continuer à vivre ma vie invivable... il n’y a aucune absurdité qu’on ne puisse vivre tout naturellement... là-bas aussi, parmi les cheminées, dans les intervalles de la souffrance, il y avait quelque chose qui ressemblait au bonheur... oui, c’est de cela, du bonheur des camps de concentration, que je devrais parler la prochaine fois, quand on me posera des questions... si jamais on m’en pose. Et si je ne l’ai pas moi-même oublié ».