Grimes
Visions [Arbutus Records]
Janvier 2012
Claire Boucher, charcutière de la pop, résidant à Montréal, nous présente son troisième chef-d’œuvre, une énormité pétaradante issue des limbes de l'Enfer. Disciple du ∆ ou encore du Ω, elle peut se vanter d'être la reine du cryptique et de la grâce avant-gardiste. Claire Boucher vénère une « esthétique pure » : elle voit l'art comme trop peu voient l'art, dans une dimension sans frontières, qu'elles soient vocales, idéalistes ou plastiques. C'est amusant de savoir qu'elle se berce de hip-hop et de R&B nineties. L'univers qu'elle a façonné, électrifié par des sons synthétiques percutants, ne semble pas vouloir imposer de règles physiques trop strictes – la voix part dans les aigus les plus célestes et se multiplie comme des fractales. Si vous décidez d'y voir un manifeste de féminité, vous avez tort ; l'esprit de Grimes est au-delà de toute conception sexuée. Il relève plutôt de la schizophrénie – Claire Boucher aime invoquer d'autres vies où son art découvrira de nouvelles libertés ; sa créativité est ainsi inépuisable. Si ces chants de cyber-sirène obsèdent tant, c'est aussi grâce à leur structure cyclique, presque mantrique. Ce qu'on ressent, au final, c'est l'émotion, sous sa forme la plus épurée. Une onde cosmique qui vient s'emparer de toutes les fréquences.