
J’adore My Sassy Girl, la comédie romantique coréenne qui joue habilement avec les sentiments pour faire pleurer dans les chaumières, mais je me serais agacé de Sur la route de Madison si Clint Eastwood n’avait pas su épurer son film amoureux pour le rendre désenchanté. Ce qui est gênant c’est que la problématique de la mièvrerie au cinéma dépasse le cadre de la romance et des films purement sentimentaux. Il y a quelques jours je soulignais l’incapacité de Stephen Daldry à s’affranchir du pathos excessif dans lequel il englue Extrêmement fort et incroyablement près, même s’il faut reconnaître que ce film-là touche un sujet suffisamment sensible aux États-Unis – le deuil des victimes des attentats du 11 septembre – pour que l’on comprenne que le film ne parvienne pas, ou n’ose pas s’en dégager (on se souvient tous de l’horreur mièvre que constituait le World Trade Center d’Oliver Stone…).
Mais deux jours à peine après Extrêmement fort et incroyablement près, je suis tombé sur un autre film faisant un excès de bons sentiments aux dépens même de la belle oeuvre qu’il aurait pu être : Le Territoire des Loups de Joe Carnahan. C’est bien le dernier long-métrage du moment dans lequel je m’attendais à voir débouler des niaiseries sensiblement semblables à celles du film de Daldry. Et pourtant. Certains diront peut-être que j’exagère et que je vois le mal (ou en l’occurrence la mièvrerie) partout et que le film de Carnahan ne mérite pas d’être associé à des qualificatifs comme « mielleux » ou « niais ». Certes je ne cherche pas à réduire le film à cela, alors revenons en arrière. Un avion convoyant vers Anchorage les employés d’une compagnie pétrolière travaillant dans le Grand Nord de l’Alaska s’écrase au milieu de nulle part, ne laissant que sept survivants paumés dans une nature glacée et dangereuse, en plein territoire d’une meute de loups décidés à faire d’eux leurs prochaines proies.

En faisant traverser son film de ces flashes, Joe Carnahan empêche l’âpreté de totalement s’emparer du Territoire des Loups, ce qui l’aurait propulsé bien plus haut et m’aurait tout à fait soufflé. Ce qui n’est pas le cas en l’état, malgré une progression scénaristique intense emmenant le récit vers un dénouement d’une puissance et d’une amertume qui laisse des traces savoureuses. L’abus de mièvrerie nuit à la santé des films mais parfois, comme avec Le Territoire des Loups, il en faut plus pour annihiler totalement ses effets. Heureusement. Mais tous les films ne sont pas Le territoire des loups, alors s’il-vous-plait mesdames et messieurs les cinéastes, mollo sur le pathos.