Malgré un début d’année plutôt favorable sur les marchés européens, les investisseurs professionnels et particuliers rechignent à investir en Bourse, une prudence qui trouve sa source dans la crise de la dette mais qui traduit également un désintérêt durable pour les actions.
Les volumes d’échanges quotidiens à la Bourse de Paris dressent le constat d’un marché en partie déserté ces dernières semaines.
Depuis le 1er janvier, les transactions ont atteint en moyenne chaque jour un peu plus de 3 milliards d’euros, alors même que le CAC 40 affichait une hausse de près de 10% sur la période.
Les volumes sont dans la lignée des chiffres observés au quatrième trimestre 2011 et bien en dessous des 4 à 5 milliards d’euros de l’été quand les marchés se sont effondrés en raison des craintes sur la zone euro et où la spéculation battait son plein.
Or, l’abondance de liquidités injectées dans le système financier par la Banque centrale européenne (BCE) et l’accalmie qui règne en zone euro, où la crise de la dette s’éloigne, n’ont pas fait revenir les investisseurs.
« Les grands investisseurs ne sont pas là. Ils manquent encore de confiance », observe Arnaud de Champvallier, directeur de la gestion chez Turgot Asset Management.
Les grands fonds d’investimment, y compris les plus spéculatifs, les banques et les assureurs, qui font la majorité des volumes boursiers, se sont massivement délestés de leur portefeuille d’actions au moment de la crise de cet été, sans changer encore de comportement.
Une enquête de Morningstar, publiée le 28 février, révélait qu’une écrasante majorité d’investisseurs institutionnels en France souhaitent maintenir voire diminuer leur exposition aux actifs risqués comme les actions.
Pour M. de Champvallier, « le retour des grandes maisons passera par des certitudes sur la Grèce et un peu de temps ».
- « échaudés » -
Or le plan de sauvetage de la Grèce n’est pas encore bouclé, notamment le volet impliquant les créanciers privés, tandis que la zone euro se prépare à la récession.
« Les grands investisseurs ont été très échaudés des décisions prises et des retours en arrière sur la crise de la dette », suggère Isabelle Enos, chez B*Capital (groupe BNP Paribas).
Mais au-delà de la crise de la dette, les analystes sont d’accord pour dire que des facteurs plus durables rendent les investisseurs professionnels méfiants à l’égard de la Bourse.
« Structurellement, les volumes ont énormément baissé pour des questions réglementaires », rappelle Isabelle Enos.
Les banques ont réduit leur activité pour compte propre tandis que les assureurs sont contraints de limiter le poids de leur portefeuille en actions, selon une nouvelle réglementation qui vise à renforcer leur solvabilité.
Certains analystes vont même jusqu’à dire que les grands investisseurs se sont tellement éloignés de manière durable, que seule l’implication des acteurs les plus spéculatifs peut rendre les marchés plus actifs, à la manière de ce qu’il s’est passé l’été 2011.
« Les volumes ne peuvent s’accélérer que si la volatilité augmente. Au mois d’août, l’accroissement de la volatilité a fait que tous les ordinateurs se sont mis en marche », explique Eric Turjeman, responsable de l’expertise actions chez Amundi.
Les acteurs du trading à haut fréquence, ultrarapide, peuvent représenter une part majoritaire de l’activité sur les marchés en cas de forte volatilité.
Ce contexte pousse les particuliers à être très méfiants par rapport aux actions, même si leur poids dans les volumes est habituellement faible.
« Les investisseurs ont davantage diversifié leurs placements, en réponse aux crises récentes », explique Isabelle Enos, rappelant qu’ils ont accès désormais aux matières premières ou aux marchés des changes, qui sont très en vogue.
Plus généralement, « les particuliers sont un peu échaudés, après une décennie perdue en Bourse », résume M. Turjeman.
source : AFP