Mont-Ruflet
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar
38e épisode
Résumé de l’épisode précédent : Mouchette a un secret, caché dans sa chair. Au château, le lapin chevelu court partout cul nu et traverse l’enfilade des salles. Des poèmes déjà écrits se reformatent, et une femme (dont l’identité reste incertaine) révèle ce qu’il y a de bon dans le mâle.
Tre très cons, et surtout quand ils restent trop ensemble. Faut
Toujours les garder sous la main ; pour contrecarrer cette sale
Influence qu’ils exercent les uns sur les autres, surtout quand
Il y a de la boisson et qu’ils entonnent des chansons ignobles.
Il faut les avoir bien en main et les dégrossir. Avec la serpe et
Le coupe-coupe de notre ironie. Très vite ils l’ont assimilée l’i (1930)
Dée de leur radicale infériorité. Intégrée, intériorisée... Après,
Quelques belles paroles, et gentil toutou fait le beau. Et je dis
Moi (mais au fait, qui parle ? Qui c’est qui a pris la parole ?...)
Je leur dis : « Au-dessus de vos sourcils luit une broche de su
Eur. Et la sueur perle aussi un peu à vos moustaches. Ô, riez-
Nous entre les fils de vos moustaches. » Et ça suffit, ils se ren
Gorgent, ils essuient une larme. Allons, continuons un peu le
Jeu, les filles ! Courons sur le perron de l’hiver, les gravillons
De l’allée ! Robes folles, courons sous l’entrejambe des sapins
Et – levons la tête – qu’au ciel un nuage soit fixé, blanc sur le (1940)
Bleu. Que, l’instant d’après, la neige vienne comme une bouf
Fée... Bon, retour aux boudoirs et aux salons... Le piano joue,
Les candélabres ruissellent... L’arbre de Noël tourne ses bran
Ches pleines de boules de couleurs profondes (les couleurs...
Mais en fait les boules aussi, semble-t-il) et également de che
Veux d’ange et de guirlandes. L’amoncellement des cadeaux
Glisse, je confirme : glisse sur une pente du grand parquet et
Hommes, vous vous tenez là empruntés. Vos yeux ne sont ni
Plus ni moins que des boutons de culotte. ‒ Vos regards sont
Vrillés dans la bonté... Oh, vous êtes des pantins, oh ! ouvrez (1950)
-Nous les bras et les mains... Vous faites semblant de vouloir
Nous attraper, ‒nous saisir par le ruban de nos robes folles...
Vous êtes des pantins, pour un peu ce soir, oui... nous voudri
Ons bien être vos ‒ putains.
L’image poétique. Il a été plus
Haut question de caricature, de cruauté et d’hystérie : j’avais
Secoué si fort le kaléidoscope, que les formes et les couleurs s’é
Taient comme tordues ensemble : Alice et le lapin étaient par
Tis en vrille ensemble, eux, irréconciliables, une structure hél
Icoïdale en avait fait une même torche de formes et couleurs.
Dans un shaker, même effet avec deux liquides, et l’on obtient (1960)
Un cocktail, oui, on pourrait définir l’image ainsi : un cocktail.
Je parle, plus précisément, de ces images typiquement anglo-
Saxonnes, qui ont ce côté tordu, arraché, froissé – forcé. Avec,
Toujours, cette touche d’hystérie, de frénésie et – on parlait à
Propos des Britanniques d’excentricité.. C’est ce qui porte à la
Caricature, distorsion du trait.. Ces images intraduisibles des
Poètes anglais (des Américains, aussi) : en français, elles tom
Bent à plat, sont tout simplement impossibles. L’anglais, oui,
Est une langue hystérique (pas pour rien, que ce sont surtout
Des femmes et des homosexuels qui l’enseignent), mais il y a (1970)
Autre chose. L’excentricité... le fait d’être toujours déjà sur le
Côté... au bout de la pale... en train de sortir de l’image. Mais
C’est cela ! une image pressée de sortir d’elle-même (et pressé
E, au sens physique), une image qui s’arrache d’elle-même !...
C’est fascinant. Un jour j’ai voulu « faire un poème anglais en
Français » (disais-je), mais pas dans le cadre de la traduction :
39è épisode le vendredi 9 mars 2012