La pochette de couverture de ce disque est tout simplement improbable : neuf ans plus tard, elle est devenue un classique, à l’instar de celle de Is This It des Strokes.
Le premier album de Dizzee Rascal ne fut un raz-de-marée que dans les colonnes des magazines et webzines musicaux. En réalité et pour être précis : les critiques furent absolument unanimes ; chose étonnante : ce fut le cas également aux Etats-Unis, alors même qu’il s’agit d’un Anglais !
En 2003, le jeune et nouvellement arrivé Dizzee Rascal est tout sauf attendu : à dix-huit ans à peine, seuls les personnes qui l’ont côtoyé et ont travaillé avec lui sur l’album ne seront pas surpris. Non, en vrai, tout le monde sera surpris par l’ampleur des événements. Sauf une personne peut-être : l’intéressé lui-même, qui est tellement sûr de son talent qu’il en devient arrogant. Le problème ? Son arrogance se justifie et s’excuse tant il a raison. D’ailleurs, regardez le bien sur la photo, qui nargue-t-il exactement ?
Bref. Cet ado en train de devenir adulte rentre de pleins pieds dans le grime, sorte de hip-hop à l’anglaise, sous amphétamine et aux influences non répertoriables (du hip-hop états-unien au grunge nirvanesque, en passant par toute l’électro florissante en Grande-Bretagne, notamment à Londres).
Difficile de ne pas entendre la multiplicité des influences dans Boy In Da Corner. En plus de celles qui sont musicales, il y a les influences de la cosmopolite Londres : par exemple, « Brand new day » est emprunt d’ambiances asiatiques dans sa production.
Dizzee Rascal l’a souvent dit : son album favori est In Utero de Nirvana. S’il n’utilise pas de samples de l’album du trio de Seattle, certaines sonorités en sont extrêmement proches en terme d’explosion ou de virulence sonore.
L’aspect rugueux de certains morceaux rend âpre l’écoute de l’album, surtout aux novices. Les sonorités sont résolument urbaines, pour ce qui est de l’agressivité notoire (« Wot U on », « Seem to be », « I love U » ou encore « Stop dat »).
« Hold ya mouf » insiste assurément sur l’accent caribéens de Dizzee (lequel était planté d’office sur le titre de l’album), en compagnie de l’Américain God’s Gift.
Sur « Jus a rascal », les guitares samplées justifie les goûts du grimer anglais. Des guitares carrément saturées sur « Fix up, look sharp », appuyées par de gros beats et accompagnées lors du refrain d’un sample de « The big beat » de Billy Squier.
Un titre comme « Jezebel » permet de définitivement s’assurer du potentiel faramineusement imposant du « 18-year old boy », aujourd’hui âgé de seulement vingt-sept ans mais avec une carrière derrière lui déjà vieille de quatre LPs (dont le dernier réédité en version double avec des inédits aussi bons que ceux du premier CD).
À mon goût, deux des meilleures performances de l’album restent les morceaux d’ouverture et de clôture, respectivement « Sittin’ here » et « Do it ! ». Deux morceaux plutôt posés, au rythme lent, qui permette néanmoins d’entrer dans l’univers du “boy in da corner” sans appréhension, et d’en sortir doucement même si essoufflés par l’épopée et la fraîcheur d’un tel pavé dans le monde du hip-hop.
Dizzee Rascal est l’un des personnages les plus étonnants et méritant des années 2000s, et il est capable de faire des albums qui tuent tous les deux en s’entourant toujours des meilleurs. Le cinquième le consacrera-t-il enfin pleinement et pas seulement sur les îles britanniques, puisque c’est là que la majorité de ses ventes se font. Certes, il n’a pas un style révolutionnaire, d’où le fait que les amateurs de hip-hop américain ne se tournent que rarement vers lui. Cependant, il possède un flow et une plume qui font de lui un incontournable. Tout un paradoxe.
Et puis, qui sait ? Peut-être posera-t-il un jour sa voix sur une musique d’Aphex Twin… En tout cas, si ce n’est pas lui, ce ne sera personne d’autres. Il y en a déjà un qui a réussi à lui soutirer un sample, ce qui en soit est déjà un exploit. N’est-ce pas, Kanye ?