Plusieurs distorsions massives du marché immobilier par l’Etat entrainent les prix du marché immobilier canadien vers des sommets, avec un très fort risque d’explosion de la bulle.
Par le Minarchiste, de Montréal, Québec.
Le marché immobilier canadien est présentement surévalué. Cette situation s’est développée de concert avec une augmentation marquée de l’endettement des Canadiens et une expansion démesurée du crédit hypothécaire.La résolution de cette problématique résultera tôt ou tard en une sévère correction des prix des propriétés, qui sera probablement suivie d’une récession. On notera d’ailleurs qu’il n’y aura jamais eu autant de canadiens oeuvrant dans l’industrie de la construction et les secteurs qui y sont reliés. De plus, les gens ont utilisé la plus-value de leur maison pour souscrire à des lignes de crédit hypothécaire leur permettant de doper leur consommation à crédit et utilisant de fait leur maison comme une carte de crédit. Autrement dit, notre économie n’a jamais été aussi dépendante de l’immobilier.
Lorsque la récession sévira finalement, je pressent déjà les commentaires qui paraîtront dans les médias, blâmant le manque de règlementation et d’intervention de l’État pour limiter les « instincts animaliers » des emprunteurs canadiens.
Pourtant, l’analyste John Reucassel de BMO Marché des Capitaux vient de publier un rapport intéressant à cet égard. M. Reucassel affirme que le gouvernement canadien n’a jamais été aussi impliqué que présentement dans l’industrie bancaire, garantissant 48% des prêts à travers la SCHL et 65% des sources de fonds par les titres adossés à des créances hypothécaires assurées par la SCHL et par l’assurance-dépôt. Ainsi, depuis 2005, la valeur des prêts assurés par la SCHL a augmenté de +90%.
(Pour ceux qui veulent comprendre ce qu’est la titrisation et les titres adossés à des créances, je l’explique en détails et en termes simples ici).
Selon lui, il ne fait aucun doute que le marché du crédit hypothécaire canadien a été fortement distordu par l’intervention du gouvernement, permettant aux banques d’abaisser le coût de leurs fonds et, par conséquent, de réduire les taux d’intérêt qu’elles offrent.
M. Reucassel estime en se basant sur l’expérience australienne que l’implication de la SCHL aurait un impact de 0.75% sur le coût des fonds des banques canadiennes, ce qui est énorme. Ainsi, si les canadiens avaient eu à défrayer les véritables taux d’intérêt du marché, ils ne seraient pas autant endettés et le marché immobilier serait moins surévalué.
La SCHL intervient de deux façons sur le marché immobilier. Premièrement, elle fournit de l’assurance hypothécaire aux particuliers qui ne peuvent fournir l’apport d’au moins 20% de la valeur de la maison. Deuxièmement, les banques peuvent lui faire assurer des portions de leur portefeuille de prêts, dans le but de les titriser ou de les mettre en garantie lors de l’émission d’obligations sécurisées. Cela leur permet de libérer du capital, de lever de la liquidité et d’abaisser leurs coûts des fonds.
Les deux graphiques suivant montrent 1) l’émission de titres adossés à des créances hypothécaires assurées par la SCHL et 2) l’émission d’obligations sécurisées par les banques canadiennes basées sur des portefeuilles d’hypothèques assurées par la SCHL.
J’ajouterais aussi que le marché du crédit canadien a été encore plus distordu par la politique monétaire de la Banque du Canada, qui maintient les taux à des niveaux nettement plus bas qu’ils ne devraient l’être. Cependant, je comprends que M. Reucassel n’ait pas voulu s’aventurer sur ce terrain, étant lui-même employé d’une banque.
En conclusion, l’analyste recommande que la SCHL limite ses programmes d’assurance hypothécaire auprès des banques (donc le deuxième type d’intervention). J’irais plus loin en recommandant la privatisation complète de la SCHL (voir ceci).
Je pense que les catalyseurs d’une correction immobilière seront une hausse des taux d’intérêt et/ou une hausse du chômage.
Ceci dit, je ne m’attends pas à ce qu’ils haussent les taux significativement au cours des 12 à 18 prochains mois. L’inflation des prix est sous contrôle et le dollar canadien est élevé (deux conditions qui font que la Banque du Canada peut se permettre de garder les taux bas).
Le gouvernement va plutôt tenter de calmer le marché immobilier en resserrant les critères de prêts (amortissement moins long, apport plus élevé, meilleure cote de crédit). Le gouvernement et les banques espèrent que cela leur permettra d’accomplir un « atterrissage en douceur ». Ils espèrent que la valeur des maisons ne baissera pas de plus de 5 à 10%, ou encore mieux qu’elle ne fasse que stagner.
Quant à une hausse du chômage, c’est le risque le plus significatif à moyen terme, surtout si la construction ralentit. On entrerait alors dans un cercle vicieux dans lequel l’immobilier baisse parce que le chômage augmente parce que la construction ralentit parce que l’immobilier baisse, parce que le chômage augmente, etc.
Ce qui est bien triste est que malgré toute cette intervention et cette manipulation de la part du gouvernement, on blâmera encore le libre-marché et le manque de règlementation du secteur financier et on dira haut et fort que le capitalisme est un système qui ne peut faire autrement que de mener à des crises économiques…
—