Nousvivons en 2011 une formidable évolutionFormidable, car Internetet les nouvelles technologies brisent chaque jour davantage les frontières géographiqueset temporelles et mélangent les publics. Ces technologies percolent le monde dans lequel nousévoluons, elles brouillent les champs traditionnels d’expression desmarques et leur segmentation : la communication est alors globale, difficile àsegmenter et indélébile : Internet n’efface jamais. Dubavardage à la conviction Dans ce contexte, lamarque de demain doit retourner à ses valeurs fondamentaleset doit s’imposer sur le terrain de la conviction.Elle ne peut plus changer de discours et de visage aussi facilement que par lepassé et doit s’exprimer de façon cohérente dans l’espace (globalité), dans letemps (stabilité) et avec tous ses interlocuteurs. S’il manque à la marque uneconviction, qu’elle ne fait plus qu’être soumise au marché et à ses cibles volageset volatiles, elle ne fait plus son métier. La marque doit passer du bavardageinconstant, versatile et inconsistant, à une conviction forte et pérenne. Qu’estqu’une marque de conviction ? Dans un contexte de crisequi rend les acteurs économiques plus prudents, les innovations plus timides etqui annihile parfois le courage des marques qui les portent, nous défendons l’idée d’une marque holistique, cohérente et engagée quiexprime ses convictions. Chaque grande marque incarne une conviction,un motto, un principe philosophiquestructurant. La conviction de la marque Vinci consisterait ainsi à modeler l’environnement avec le génie des hommes. Celled’H&M pourrait être la mode accessible. La conviction de Google :des technologies complexes pour un monde plus simple.C’estl’incarnation de cette conviction dans les actes et discours de la marque,envers tous ses publics, qui lui donnesa force, son originalité, sa cohérence et sa pérennité. Cette vision doit êtremise en œuvre à traversune démarchede brandcare quiappréhende la marque et l’identité demarque de manière globale, sous ses aspects juridique, marketing,créatif,qualitatif, quantitatif, financier, etc. (Cf.Abécédaire de la marque de conviction).
Le B-A-BA d’une marque de conviction
A
comme « ANTICIP’ACTRICE ».S’orienter client, être en osmose avec lui mais aussi devancer ses envies, sesbesoins. Etre capable de percevoir les signaux faibles, d’anticiper lesattentes du consommateur, mais surtout de les dépasser. Rester uniquement à l’écoutede ses clients, c’est affaiblir sa marqueLa fonction marketing doit reprendre de la force et de la hauteur ens’appuyant sur les études et sur des convictions.Ex :Apple qui avec l’Ipod a modifié le rapport à la musique, a dicté de nouveauxusages et conduit à l’émergence d’un nouveau marché.
B
comme BRANDCARE. A une époque où la communication se faitdans tous les sens et très vite, le brandcare consisteà mettre en cohérence tous les points de rencontre entre la marque, ses différentspublics (clients, management, collaborateurs, actionnaires, pouvoirs publics,partenaires...) et sous ses différentes formes (produits, communication,relation client, services, entreprise…) sous ses aspects juridique, marketing, créatif,qualitatif, quantitatif, financier, etc. ; en intégrant tactique del’instant et stratégie de long terme, démarche globale et adaptation locale.
c
omme CONVERSATION. « Les marchés sont des conversations » (CluetrainManifesto). La marque de convictionest donc en conversation avec les individus. Mais cette interaction est unedynamique globale et systématique d’échanges transversaux et non verticaux : « Je ne t’entendspas, je t’écoute » (Emmanuel Fraysse), et ce lors de tous les points de contactsde la marque, avec toutes ses cibles : internet, point de vente, serviceaprès-vente, employés, prestataires, clients, etc.Ensuite,lorsqu’elle prend la parole, la marque doit adapter sa façon de communiquer(charte verbale), ou d’illustrer ses messages (charte iconographique) àses interlocuteurs ; en un mot le sur-mesure.
D
comme DECLOISONNEE.Elle abat les murs entre ses publics interne et externe pour une cohérence d’expressionet d’actes. Les marques demainseront celles qui auront capitalisé sur leur dimension corporateet commerciale en fédérant l’interne, premier ambassadeur de la marque. Danstout changement (d’identité, création d’une nouvelle marque, lancement d’unnouveau produit, nouveau concept marchand), la marque capitalise en toutpremier lieu sur l’interne et la fierté d’appartenance pour assurer le succèsde ces opérations.Ex :McDonald’s et son slogan publicitaire « venez comme vous êtes » fonctionneà la fois telle une signature BtoB (marque employeur) et BtoC (marque commercialeet marque recruteur) qui s’adresse autant à l’interne qu’à l’externe avec uneunicité de propos.E
comme ENGAGEE.Son engagement se matérialise à travers les dimensions de responsabilitéssociale et sociétale, éthique, citoyenne et environnementale. Loin de selimiter à la rhétorique et l’assertion, l’engagement de marque doit prouver lavéracité de ses allégations. La responsabilité s’explique, s’assume et s’évalue.Le citoyen a toute légitimité pour demander des comptes à la marque.F
comme FIERE.De son patrimoine, de sa vision, de ses équipes. Une marque s’ancre dans unehistoire, dont elle écrit la suite chaque jour. Elle est portée par des hommes,une culture d’entreprise d’où elle tire sa force et sa différence. Un capitalprécieux et différenciant quel’on retrouve dans son identité (nominale et graphique), dans ses signes etdans ses prises de parole, tournés de plus en plus vers le corporate :l’humain, les engagements, les processus amont, le mode de production, etc.Ex :Fier de son pays d’origine : Nissan de ses origines japonaises, ToyotaYaris de sa fabrication à Valenciennes (Made in France), Opel de sa qualitéallemande…G
comme GÉNÉREUSE. La marque offre,elle s’incarne à travers des services et solutions. Elle donne avant de chercherà recevoir dans l’instant, et se détourner de son sacro-saint ROI. C’est surles bases solides de l’empathie qu’elle pourra créer une relation durable etsaine avec son environnement, qui le lui rendra bien. Ex :Nestlé “good food, good life”, l’essor des fondations et du mécénatd’entreprise...H
comme HOLISTIQUE.Les marques qui survivront sont celles qui auront compris que nous sommes dansun monde globalisé (elles associerontle virtuel au réel) et individualisé avec,selon les canaux, un besoin de personnalisation spécifique : nation,tribu, groupe, individu..., local et global.I
comme irrévérencieuse.La marque refuse les certitudes d’une époque bien-pensante, en transgressantles codes pour participer, à sa manière, à la chose publique. Une dose derisque, d’impertinence et d’audace au service de ses convictions. Un exercicepérilleux et sincère, car le public ne s’y trompe pas : sans convictionréfléchie, la transgression gratuite apparait grossière et futile.Ex :Benetton et le baiser, qui mêle poésie et provocation, archétype de la marqueirrévérencieusequi nelaisse pas indifférente.J
comme JUSTE CE QU’IL FAUT.Dans un environnement marqué par l’hypercommunication, se faire entendre engardant un cap stratégique affirmé s’avère ardu. D’où la nécessité d’une marqueà l’équilibre, enfin dépouillée du superflu. La simplicité doit s’imposer commerègle de la communication : un message unique structurant par support. Vouloir tout dire, à tout moment est contre-productif, mais vouloir toutdire sur chaque support l’est également.Un nom, un logotype se doivent de véhiculer un métier, une valeur, une promesseavec engagement et sans concession. ... et pas plus !Ex :la marque esperluette de France Télécom : incarner ce qui fédère tous sesmétiers : le lien, entre les hommes,les services (internet, téléphone…) et les machines.K
comme KISS(Keep It Simple and Stupid). L’Objectif : sortir des contraintes,donner du contenu aux marques indépendamment d’un discours commercial. Sur leprincipe du retailtainment, donner un bénéficeludique et immersif à toute expérience de marque.Ex : Amble, l’appli autour du voyage lance parVuitton ou le tactile revu par AppleL
comme LACUNAIRE.La marque lâche prise et laisse uneplace dans son discours – et parfois l’initiative- à son public, souventcritique, pour s’exprimer à son sujet et l’intègre dans ses réflexions et développements tactiques. Une démarcheappliquée dans les stratégies de changement et de co-création desmarques, surtout lorsque celles-ci revêtent un caractère émotionnel fort pour leur public.Ex :Impliquer les « marmitoniens » dans le choix de leur identitévisuelle sur Facebook.M
comme « AvecMODERATION ». Les marques demain devront être omniprésentes et enmême temps discrètes. Lorsque chaque individu est confronté à plus de 500messages publicitaires par jour, la parcimonie est de rigueur. La puissance desmarques peut aussi les rendre friables : la présence et l’absence, laprise de parole et le silence devront être gérés. Ex :Facebook peut être un baromètre, mais devra rester un outil relationnel où lesmarques devront gérer leur présence avec parcimonie. Facebook mourrait s’il devenait un outil massif de propagation de messages desmarques. Le héros de FB est l’individu…
N
comme NO-MARQUE.La marque doit parfois prendre le temps de se remettre en question, réaliserson auto-critique et être à rebours dece qu’elle a toujours été ou de ce qu’on attend qu’elle soit. Une démarcheréflexive quasi nihiliste qui doit être menée en toute sincérité et dans le butde dépasser des paradoxes initiaux. Ex :”Banque, nouvelle définition” ou AXA « Réinventons notre métier », etles marques de négation « Undress » de Princesse Tamtam ou « Unhate »de Benetton.O
comme OPPORTUNISTE.Intégrée dans son environnement et réactive, elle est capable de réagir à desopportunités de communication et d’échange. Dans l’instant, mais aussi demanière appropriée et créative. De là, nait le fameux buzz...P
comme POPULAIRE, PRINTEMPS et PROMESSE.On découvre aujourd’hui l’énergie créatrice de cette génération indignée quis’était faite discrète, etsa soif d’idéal et de renouveau jusque-là bâillonnée. Une énergie à la foisdans l’action, ancrée dans le présent et dans la rue, mais aussi dans lacréation, avec la spontanéité de ces « marques de larue » qui vont bien au-delà de la sphère politique: « Dégage !»(irhal), «Si vous ne nous laissez pasrêver, nous ne vous laisserons pas dormir»... Aux marques de répondre à cesattentes et de faire une place à ce bourgeonnement idéaliste.Q
comme QI.Comment intégrer l’humain dans la valorisation d’une marque ? Commentmesurer pertinemment la force d’une marque, si ce n’est en évaluantl’intelligence globale qu’elle a de son environnement ? La marque dedemain se révèlera smart,tout comme les produits et services qu’elle nous vend aujourd’hui. Uneintelligence qui lui permet de se projeter à long terme, de créer et d’innover,une intelligence sociale et émotionnelle, mais aussi pratique et pragmatique.R
comme RUPTURISTE.Les grandes marques de demain réussiront à être le vecteur de nouveautésvraiment innovantes et audacieuses. Des nouveautés paradoxalement très viteadoptées, puisqu’on reconnait les vraies innovations de marques lorsqu’ellescréent de nouveaux usages, en témoignent les lexiques qui interpénètrent levocabulaire courant de ses clients.Ex :Velib a créé dans son sillages les termes : vélibataires, gaylib, velibobo,velibimboou encore velooze quand aucun Velib n’est disponible
S
comme SE TROMPER. Lerôle d’une marque est d’innover, d’essayer, de se tromper et de l’accepter.Elle est capable de prendre des risques, même en temps de crise (qui annihilesouvent le courage), de faire son mea culpa etreconnaitre ses torts en prenant en compte l’affectivité souvent sous-estimée deses consommateurs.Ex :la fronde de consommateurs face au nouveau logotype GAPT
comme « prendre le TEMPS ». Lesoutils de communication inventés depuis 10 ans (smart phones, Facebook, Twitter)plient le temps, raccourcissent les délais de réactions et incitent à desréactions rapides et quelquefois immédiates. La technologie compresse le tempsalors qu’elle devrait nous en faire gagner. Attention à l’hyperréactivité, il faut « prendre le temps d’allervite » : le temps d’expliquer, ne pas laisser l’urgent prendre ledessus sur l’important. Ex :La tendance du slow qui s’incarne en slow food, slowdesign, slow wear prend le contrepiedde l’hypervitesse.
U
comme UNIQUE.L’essence de la marque est de distinguer. Une marque doit mettre en avant sa différence, en véhiculant des valeurs fortes mais égalementen apportant des preuves. Démontrer sa différence, c’est générer un nouveaudiscours de marque, un brand contentinnovant apte à incorporer de la valeur ajoutée non commerciale autour de lamarque. Une différence qu’elle doit aussi protéger : à l’heure où plus de7000 marques sont déposées chaque jour dans le monde et plus de 250 en France, la protection juridique dela marque est plus que jamais un enjeu stratégique majeur pour celle-ci.V
comme VRAIE.La marque doit créer une relation vraie, authentique, réelle. Une vérité quis’exprime d’abord à travers un discours clair, une posture, une attitude :plus qu’un produit, la marque promeut une philosophie. Une relation authentiqueaussi, portée par des convictions, même si « le corporatefait vendre ». Une relation réelle enfin, avec cet un équilibre à trouverdans le mix de la communication, car plus le virtuel attirera par sa nouveauté technologique (ex :réseaux sociaux), plus le réel reprendra ses droits. Ex :à l’heure du tout (ou presque) on-line, les enseignes travaillent à la rematérialisationde leurs marques, qui commence par une révolution des concepts marchands, tournésvers des contacts plus incarnés, de la proximité et de parcours clientssensoriels.W
comme WAOUH.La marque doit surprendre, être désirée et désirable pour augmenter sapréférence. Le champ du désir et ses codes à explorer sont cependant riches: dulyrisme (la marque qui poétise le monde et son client) à la sensualité, enpassant par le sexy et le glamour, chaque marque trouvera son mode d’expression et ses codesidentitaires propres. Nous, agence conseil, ne travaillons bien pour une marqueque si nous l’aimons. Le client n’achète quant à lui une marque que s’illa désire et en reçoit en retour des témoignages d’« amour ». Ilsouhaite ainsi, avant tout, construire une relation privilégiée avec elle.X
comme Xanax©. La marque de conviction est« anti-dépression ». Elle sort de la spirale de l'échec et dupessimisme (mais sans nier la crise actuelle), de la suspicion, en sefocalisant sur sa conviction et en mettant tout en œuvre pour la réaliser. A laclé de cette dynamique constructive ? Des solutions créatrices de valeurs, dupositif et du bénéfice.Ex :le slogan précurseur de Carrefour « le positif est de retour » s’estmétamorphosé en « du positif chaque jour », plus récemment BMWexprime sa « joie ».Y
comme YIN & YANG. Lesmarques occidentales perdent leur monopole, la marque demain devra compter avecl’émergence des marques nouvelles, venues de Chine et d’autres pays en fortecroissance. De nouveaux acteurs, de nouveaux consommateurs, avec de nouvellesrevendications, et un nouveau rapport deforce dans le monde foisonnant des marques, à appréhender avec discernement –et sérénité.Ex :Quelques marques venuesd’ailleurs qui viennentbousculer le marché des marques de l’ancien monde:Aakash (tablette Android venue d’Inde), le moteur de recherchechinois Soso, le réseau social Orkut, la Tata, la tablette Lenovo …Z
comme ZAZEN.La marque s’apparente à une posture de yoga. De ce recentrage autour d’uneconviction, de cet équilibre retrouvé, de cette position stable, les marques dedemain sortiront plus sereines. Une sérénité rayonnante, qui réassure leconsommateur en proie à une ère du soupçon. Une posture de marque qui toutcomme la posture Zazen du yoga, est - nous en convenons - une pratique aussisimple que difficile.Publié sur Stratégies n°1661, 12/1/12