PRESIDENTIELLE 2012 – Le 19/02/2012 – 18:11:52
Invité : François HOLLANDE, candidat PS à l’élection présidentielle
Olivier MAZEROLLE
Bonsoir Monsieur HOLLANDE.
François HOLLANDE
Bonsoir.
Olivier MAZEROLLE
Vous êtes donc le candidat du Parti Socialiste à l’élection présidentielle, je le disais avant cette émission, en tête dans les sondages depuis janvier 2011, par rapport à Nicolas SARKOZY. Donc, avant même que Dominique STRAUSS-KAHN ne soit plus dans la course, vous étiez déjà en tête dans les sondages, devant Nicolas SARKOZY. Aujourd’hui Nicolas SARKOZY est à l’offensive, il est candidat. Est-ce que vous redoutez qu’il se produise un choc psychologique si d’aventure il vous précédait au premier tour dans les sondages ?
François HOLLANDE
Ecoutez, moi je ne fais pas de plans sur quelque comète que ce soit, et encore moins sur les sondages. Vous avez évoqué une tendance, depuis déjà plusieurs mois. Le candidat sortant maintenant s’est déclaré, il fait campagne, avec violence, avec agressivité – c’est bien la forme qu’il a choisie. Ecoutez, moi je ne me détourne pas de l’objectif que je me suis fixé. Le bilan de Nicolas SARKOZY, les Français le connaissent ; son projet, c’est son bilan. Et en définitive, ce qu’il a dit encore cet après-midi n’est rien d’autre que la justification de ce qu’il avait fait, et aucune proposition nouvelle pour l’avenir. Donc moi, je fais en sorte de présenter mes programmes, mes idées, ma démarche, ma volonté, mon chemin pour la France, et c’est le seul objectif que je me fixe.
Olivier MAZEROLLE
On va parler de votre programme dans un instant, mais tout de même, je vais vous demander de répondre à Nicolas SARKOZY. On va écouter ce qu’il disait cet après-midi.
Nicolas SARKOZY, candidat UMP à l’élection présidentielle
Mais je veux dire, pour que chacun le comprenne, que nous avons échappé à une catastrophe. Je veux le dire, calmement. Mais je veux le dire fermement. Ceux qui font comme si rien de grave ne s’était passé depuis trois ans dans le monde, ceux qui font comme si les risques auxquels la France s’était trouvée confrontée n’avaient pas été dramatiques, ceux-là mentent aux Français.
Olivier MAZEROLLE
Monsieur HOLLANDE ?
François HOLLANDE
La France a connu une crise, oui : la crise que la zone euro a elle-même traversée, traverse encore ; la crise venue des Etats-Unis, des subprimes. Personne ne le nie. Est-ce que, pour autant, la France s’est bien sortie de cette crise ? Je ne le pense pas.
Olivier MAZEROLLE
Il dit : Plutôt moins mal que d’autres.
François HOLLANDE
Moins mal que les Allemands ? Sûrement pas. Il en fait même le modèle pour l’avenir. Les Allemands ont fait deux fois plus de croissance l’année dernière que nous-mêmes…
Olivier MAZEROLLE
Ah, il dit que la Grèce, l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne…
François HOLLANDE
…Enfin, si on se compare à la Grèce ! Mais enfin, quand il s’est présenté en 2007 devant les Français, il n’avait pas dit qu’il allait faire mieux que les Grecs ; il a dit qu’il allait donner plus de pouvoir d’achat, que le chômage allait diminuer, tomber à 5 % de la population active, que les déficits allaient être résorbés, que la dette serait contenue. Où en est-on ? 1 million de chômeurs de plus ; 600 milliards de dettes supplémentaires ; des déficits qui n’ont pas été résorbés ; des violences aux personnes – ça ce n’est pas la crise – qui ont augmenté de 20 % ; les inégalités qui se sont accrues. Je vais prendre juste un chiffre, qui résume finalement le bilan de Nicolas SARKOZY, quand lui-même s’en prend aux élites, qu’il a pourtant couvert de toutes ses largesses fiscales : les patrons du CAC 40 se seront augmentés en 2010 de 36 %. 36 % ! Leur revenu annuel est de 2 millions d’euros, 200 fois le SMIC. Est-ce qu’on peut dire que Nicolas SARKOZY a évité à notre pays le creusement des inégalités ? Non. La lourdeur du déficit ? Non. Et l’augmentation du chômage ? Non. Alors après, il peut dire qu’il est satisfait de son bilan – les Français en jugeront.
Olivier MAZEROLLE
Alors il dit aussi que vous mentez. Et alors, ce qui est curieux, c’est qu’on ne vous voit pas réagir là-dessus. C’est une insulte, quand même, d’entendre dire que l’on ment !
François HOLLANDE
J’entendais, hélas, aussi Madame LE PEN dire que Monsieur SARKOZY était un menteur. Vous croyez que je vais rentrer dans cette logique-là, des mensonges et des mensonges ? Les Français peuvent juger mes propositions. Moi j’ai fait un travail de préparation, depuis de longs mois – vous avez dit que je m’y étais préparé. J’ai présenté au Bourget 60 propositions. Elles sont sur la table. On peut les approuver, on peut les contester…
Olivier MAZEROLLE
On va en parler, elles sont là !
François HOLLANDE
…Elles sont là.
Olivier MAZEROLLE
Bien…
François HOLLANDE
Dites-moi qui, et notamment le candidat sortant, a fait le même exercice ? Donc on peut aller chercher telle ou telle proposition, regarder ses conséquences. Mais moi, ce que je dis, je le présente aux Français. Je ne maquille rien. Et en tout cas, je ne serai pas le président, si les Français m’en donnent mandat, qui viendra au lendemain de son élection dire exactement le contraire de ce qu’il a promis pendant une campagne électorale.
Olivier MAZEROLLE
Alors il y a tout de même une déclaration de vous qui a suscité, disons, des interrogations, puisqu’au Bourget effectivement vous aviez dit : Mon adversaire, c’est le monde de la finance. Et puis au GUARDIAN, un journal britannique, vous avez dit : Mais écoutez, la gauche a été au gouvernement pendant 15 ans, au cours desquels nous avons libéralisé l’économie, ouvert les marchés à la finance et aux privatisations, il n’y a rien à craindre. Alors attendez, dans la version Nicolas SARKOZY, voici ce que ça donne :
Nicolas SARKOZY
Où est la vérité, quand on dit tout et son contraire ? Où est la vérité, lorsqu’on est d’un côté de la Manche ou de l’autre, quand on fait semblant d’être THATCHER à Londres, et MITTERRAND à Paris ?
François HOLLANDE
THATCHER, c’est son modèle, ce n’est pas le mien. Moi, ce que j’ai dit sur la finance, je le maintiens : elle a été notre adversaire, elle est notre adversaire, quand elle est devenue folle, quand elle conduit à créer des excès sur les marchés, quand elle conduit à dominer l’économie réelle, quand elle conduit à ces rémunérations excessives, quand elle conduit à ces stock-options, à ces bonus, quand elle conduit effectivement à ce que les dettes souveraines…
Olivier MAZEROLLE
Ça, c’est ce que dit Nicolas SARKOZY aussi.
François HOLLANDE
…à ce que les dettes souveraines deviennent finalement autant de vulnérabilités. Et je vais changer ? Ce que j’ai dit à la presse anglaise, dans une conversation libre, c’est de dire : Arrêtez de vous faire peur, et arrêter de laisser penser qu’il y aurait là comme une révolution. Ce qui est vrai, c’est que je ne tolérerai rien. Moi je ne ferai pas des discours sur la finance comme l’a fait Nicolas SARKOZY, pour ensuite constater mon impuissance. Je réformerai le système bancaire : les banques devront avoir des activités qui financeront l’économie séparées des activités liées à la spéculation. Je ferai en sorte qu’aucune banque française ne puisse avoir des activités dans des paradis fiscaux…
Olivier MAZEROLLE
Lesquels, paradis fiscaux ? Parce que vous savez, il y a plusieurs listes de paradis fiscaux.
François HOLLANDE
…Il y a une liste de paradis fiscaux, ça c’est…
Olivier MAZEROLLE
OCDE ?
François HOLLANDE
…Oui, la liste de l’OCDE…
Olivier MAZEROLLE
C’est celle-là ?
François HOLLANDE
…Oui, bien sûr, c’est celle qui…
Olivier MAZEROLLE
Parce que beaucoup disent : Mais elle ne comporte pas tous les paradis fiscaux.
François HOLLANDE
…Ecoutez, au moins ceux-là ! Et puis ensuite, j’ai dit : Les produits toxiques seront supprimés. C’est-à-dire, ces produits qui en définitive sont l’objet de spéculations, et qui ne reposent en rien sur l’utilité des échanges commerciaux. Mais je vais être plus précis : une partie de ce que j’ai dit, Barack OBAMA aussi l’a dit. C’est-à-dire que la lutte contre la finance, ce n’est pas simplement un seul pays qui va l’engager : je ferai en sorte que nous soyons plus nombreux qu’aujourd’hui à le faire.
Olivier MAZEROLLE
Alors, si je comprends bien, vous êtes plutôt contre les excès de la finance, que contre le monde de la finance en tant que tel ?
François HOLLANDE
Non, le monde… Non, non. Je suis pour que le système bancaire finance l’économie. Je suis pour que la finance soit au service de l’économie.
Olivier MAZEROLLE
Donc ce n’est pas votre adversaire, en l’occurrence ?
François HOLLANDE
Mais l’adversaire, c’est lorsque la finance, finalement, vit de l’économie, utilise l’économie pour des fins spéculatives. Et ça c’est contraire, non seulement à la morale – moi je ne suis pas là simplement pour faire que le capitalisme soit plus moral, je laisse ça au candidat sortant –, c’est contraire aux intérêts de la France et aux intérêts de l’Europe. Parce qu’aujourd’hui, c’est l’Europe qui paye le prix de cette finance excessive.
Olivier MAZEROLLE
Dans votre priorité, est-ce que vous placez d’abord le rééquilibrage des comptes publics, ou bien l’appui à la croissance ?
François HOLLANDE
Mais, les deux !…
Olivier MAZEROLLE
Oui, mais les deux, ça amène à saupoudrer, et puis finalement…
François HOLLANDE
…Non, non, ça n’amène à rien. S’il n’y a que la réduction des déficits publics, à travers des disciplines, nécessaires, et une surveillance, indispensable, et qui doit être faite au niveau européen, et qu’il n’y a pas la croissance, mais il pourrait y avoir toutes les sanctions – et c’est ce qui est d’ailleurs prévu dans le projet de traité que Nicolas SARKOZY a envisagé de signer le 1er mars, et à ce moment-là, nous sommes sûrs d’une chose : il y a encore une croissance plus faible, peut-être même la récession, elle est possible, pour l’année 2012, et deuxièmement, nous n’atteindrons aucun objectif de réduction des déficits et de maîtrise de la dette. Je m’y refuse. Donc l’engagement, et c’est vrai que ça me différencie du candidat sortant, l’engagement que je prends devant les Français, devant les Européens, c’est de dire : au lendemain du vote des Français, s’ils me donnent mandat, je renégocierai et j’ajouterai aux dimensions nécessaires de disciplines, j’ajouterai la dimension de croissance. Parce que s’il n’y a pas la croissance, il n’y aura pas la discipline.
Olivier MAZEROLLE
Puisque vous parlez de l’Europe tout de suite, je vais vous poser une question, qui nous ramène à un livre que vous avez publié, c’était en novembre 2009, ce n’est pas si vieux que ça : « Droit d’inventaires », conversation avec un journaliste qui dirigeait autrefois le service politique de l’AFP. Et vous parliez de ce qui s’était passé au moment de la ratification du Traité d’Amsterdam. La gauche, lorsqu’elle est arrivée au pouvoir – c’était après la dissolution, en 1997 – a dit : Ce Traité, il ne nous convient pas, il faut faire plus. Et donc Lionel JOSPIN a commencé à discuter, et puis il vous confie, c’est ce que vous racontez dans le livre : Ou je romps avec les autres Européens, et nous nous mettons au ban de l’Europe, ou je fais le pari que notre politique va réussir, et j’engage quand même la France dans l’euro, même si je n’ai pas obtenu tout ce que je souhaitais. Est-ce que vous êtes prêt à courir le risque, Monsieur HOLLANDE, que la France soit mise au ban de l’Europe, si vous ne ratifiez pas le traité qui est actuellement en cours de signature ?
François HOLLANDE
Vous faites bien de prendre cette référence, parce que, nous sommes dans une situation certes distincte, mais qui peut avoir effectivement cette analogie. Qu’est-ce qui se passait, en 1997 ? Dissolution de l’Assemblée nationale. Un traité avait été déjà signé, pour le passage à l’euro, et avec des conditions très strictes pour le retour aux 3 % de déficit budgétaire. Et Lionel JOSPIN voulait y mettre des conditions, et notamment d’emploi. Et c’est ce qui s’est produit. Malgré la cohabitation, qui n’était pas facile, malgré un rapport de forces qui n’était pas le même après une dissolution qu’après une élection présidentielle, il a obtenu qu’il y ait un nouveau sommet qui se tienne et que la priorité d’emploi puisse être fixée.
Olivier MAZEROLLE
Mais il n’a pas obtenu tout ce qu’il souhaitait.
François HOLLANDE
Pas tout, mais il en a obtenu beaucoup. Et d’ailleurs, la meilleure preuve, c’est que pendant toute la période du gouvernement JOSPIN, la croissance a été forte…
Olivier MAZEROLLE
Mais quand même, dans l’extrait…
François HOLLANDE
…et elle a été stimulée, y compris au plan européen…
Olivier MAZEROLLE
…Mais dans l’extrait que je viens de lire, il vous dit : Ou je romps, et on met la France au ban de l’Europe, ou je signe quand même.
François HOLLANDE
…Oui mais, le niveau de l’euro dans toute cette période a été suffisamment bas pour qu’on ait une stimulation de la croissance…
Olivier MAZEROLLE
Oui, mais vous, vous risquez de vous retrouver dans cette situation…
François HOLLANDE
…Mais il y a toujours ce dilemme : rompre, ou trouver le compromis. Eh bien, il faut aller jusqu’au bout de la négociation. Ce que je reproche au candidat sortant, c’est que finalement il a cédé : il a cédé à ce qu’était la demande de Madame MERKEL. Madame MERKEL, elle avait ses propres objectifs, dans la négociation. Ce qu’elle voulait ? Elle ne voulait pas les Eurobonds – elle n’a pas eu les Eurobonds. Elle voulait les disciplines – elle a les disciplines. Elle ne voulait pas de dispositifs de croissance – elle n’a pas les dispositifs de croissance. Monsieur…
Olivier MAZEROLLE
Mais vous êtes certain de vous ?
François HOLLANDE
…Monsieur SARKOZY, en tout cas, parce qu’il est sans doute président sortant, n’a pas obtenu les objectifs qu’il s’était lui-même…
Olivier MAZEROLLE
Mais vous êtes certain de vous ?
François HOLLANDE
…Mais je suis certain que la volonté du peuple français sera entendue. Parce que si je ne croyais pas au vote des Français, je ne me présenterais pas à l’élection présidentielle. Si je croyais qu’appeler aux urnes les concitoyens n’avait aucune conséquence pour mon pays et pour l’Europe, je ne serais pas aujourd’hui devant vous comme candidat.
Olivier MAZEROLLE
Alors, je vais me référer toujours à ce livre, « Droit d’inventaires », et vous disiez ceci, vous parliez des socio-démocrates en Europe, pendant que Lionel JOSPIN dirigeait le gouvernement français, et vous dites : En Allemagne, Gerhard SCHRÖDER est – était – dans une démarche courageuse de grandes réformes. Or, ces réformes, elles ont touché à la protection sociale. Est-ce que vous êtes prêt, vous, à vous engager dans la même démarche courageuse de grandes réformes sur la protection sociale ?
François HOLLANDE
Ce qu’a fait à l’époque le gouvernement social-démocrate allemand, c’est une grande négociation, avec les partenaires sociaux ; c’est-à-dire qu’il a obtenu un consensus. Et c’est par ce consensus, ce compromis, qu’il a pu faire avancer son pays – non sans mal, d’ailleurs, hein…
Olivier MAZEROLLE
Mais il y a eu un tour de vis…
François HOLLANDE
…Et non sans contreparties douloureuses, et qu’il a payées cher, parce qu’il est peut-être même allé trop loin…
Olivier MAZEROLLE
Oui, mais il y a eu un tour de vis pour faire des économies…
François HOLLANDE
…Mais il y a eu…
Olivier MAZEROLLE
…Est-ce que vous êtes prêt à la même chose ?
François HOLLANDE
…Mais j’ai dit moi-même qu’il y aurait un effort à consentir. Je n’ai pas menti…
Olivier MAZEROLLE
Mais des économies ? Parce que…
François HOLLANDE
…Je ne l’ai pas masqué !…
Olivier MAZEROLLE
…C’est le grand reproche qu’on vous adresse, c’est que quand on lit votre programme, « Le changement c’est maintenant », il n’y a pas vraiment d’économies. Vous avez prévu un certain nombre de dépenses supplémentaires, que vous financez, et puis vous avez prévu 29 milliards d’euros de prélèvements fiscaux supplémentaires pour participer à la réduction du déficit. Mais il n’y a pas d’économies en tant que telles.
François HOLLANDE
Je vais vous donner deux chiffres, et vous pourrez comparer les deux engagements, du candidat sortant et de ce que je présente devant les Français. Le candidat sortant a présenté un programme de redressement des finances publiques avec une augmentation des dépenses publiques d’un demi-point par an ; un demi-point par an. Ce que je propose, c’est 1 % par an d’augmentation des dépenses publiques. Alors vous voyez, il y a dans les deux cas le même souci de maîtrise de la dépense – sans doute un peu plus du côté de la droite : un demi-point. De mon côté, un point. Si vous pensez que c’est là, de ce point de vue, un écart considérable, je vous laisse juge. Ça veut dire que nous ferons en sorte de maîtriser la dépense. Mais c’est vrai, je n’ai pas dissimulé aux Français la vérité : il y a des prélèvements, il y aura des prélèvements. Que ce soit la droite qui soit reconduite, ou que ce soit la gauche qui soit choisie, il y aura des prélèvements supplémentaires. La différence, c’est que j’ai dit sur qui allaient porter ces prélèvements : sur les plus hauts revenus, sur les plus gros patrimoines, et sur les grandes entreprises. La droite, en revanche, nous a dit aussi sur quoi elle allait faire porter l’effort, et sur qui : c’est la TVA, et c’est sur tous les Français. Chacun pourra juger.
Olivier MAZEROLLE
Enfin, je n’entends pas parler d’économies, alors je voudrais vous poser une autre question : vous avez dit que si vous êtes élu, tout de suite vous allez rétablir la retraite à 60 ans pour ceux qui auront cotisé le nombre d’années suffisant, c’est-à-dire 41 ans pour ceux qui sont nés en 1952. Et puis ensuite, vous ouvrez une grande négociation avec les partenaires sociaux, portant sur un certain nombre de points, et notamment sur les retraites. Et là, apparemment, tout est négociable. Est-ce que vous avez pour objectif de rétablir la retraite à 60 ans pour tout le monde ?
François HOLLANDE
D’abord, je reprécise exactement mon engagement – que chacun l’entende : ceux qui ont commencé à travailler tôt doivent pouvoir partir une fois qu’ils ont eu leurs annuités, 41 années. Et ça, ce n’est pas négociable. C’est un principe de justice. Je ne veux pas imposer à ceux qui sont les plus modestes, souvent, ceux qui sont les plus fatigués par le travail, parce qu’ils ont commencé précisément tôt leur vie professionnelle, je ne veux pas leur imposer de cotiser non pas 41 années, mais 42 ans ou 43 ans, voire davantage. Alors pour les autres, il y aura une négociation. Mais dans cette négociation…
Olivier MAZEROLLE
Voilà. Est-ce que l’objectif est de retourner à la retraite à 60 ans ?
François HOLLANDE
…Non ! Dans cette négociation, nous allons discuter des décotes : si on prend sa retraite plus tôt, eh bien, on n’a pas la retraite à taux plein, par définition – c’est ce qu’on appelle la décote. On discutera de la pénibilité, parce qu’il y a des métiers qui justifient qu’on puisse avoir une bonification. Et on discutera des financements, parce que ce qui sera accordé devra être forcément couvert par des prélèvements.
Olivier MAZEROLLE
Donc ce ne sera pas 60 ans pour tout le monde… ?
François HOLLANDE
Mais…
Olivier MAZEROLLE
Ça ne sera pas le retour à ce qui avait cours avant la loi qui a été votée ?
François HOLLANDE
…Non, ne préjugeons pas la négociation ; elle sera là. Mais ce qui est certain, c’est que ceux qui ont leurs 41 années pourront partir à 60 ans.
Olivier MAZEROLLE
Dans votre projet, vous avez dit que vous vouliez aller vers une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Alors, et la CSG devenant ainsi progressive…
François HOLLANDE
Non, pas nécessairement, pas nécessairement…
Olivier MAZEROLLE
…Pardon, en tout cas c’est ce qu’on avait compris…
François HOLLANDE
…Non mais…
Olivier MAZEROLLE
…Or, Monsieur CAHUZAC, qui est le président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, et qui appuie votre candidature, bien entendu, qui est à vos côtés, dit : Eh bien finalement il n’y aura pas de fusion de la CSG avec l’impôt sur le revenu. Alors où en est-on ?
François HOLLANDE
Ce que je veux, c’est la justice. D’abord tout de suite au lendemain des élections présidentielles, les revenus du travail et les revenus du capital seront fiscalisés de la même manière au même barème et avec le même taux. Deuxièmement, nous allons réformer l’impôt sur le revenu, une tranche supérieure, 45 % sera créée pour ceux qui ont des revenus supérieurs à 150 000 euros. Ca ne concerne pas les classes moyennes. Vous l’aurez forcément compris et puis, je mettrai un terme à ces niches fiscales qui créent de nouvelles inégalités. Elles seront plafonnées à 10 000 euros par an. Donc ça, c’est la réforme de l’impôt sur le revenu qui s’engage. Parallèlement, nous devons essayer de rapprocher les assiettes, c’est-à-dire les bases de nos deux prélèvements directs. Vous savez qu’aujourd’hui, la CSG rapporte 92 milliards d’euros pendant que l’impôt sur le revenu ne rapporte – impôt progressif – que 55 milliards d’euros, c’est-à-dire l’impôt proportionnel rapporte davantage que l’impôt progressif.
Olivier MAZEROLLE
Alors la CSG, elle va fusionner ?
François HOLLANDE
Il s’agira de faire que les assiettes, les bases soient les mêmes et ensuite, nous aurons un rapprochement qui ira au terme du quinquennat vers une fusion mais avec le souci toujours de tenir compte de la situation familiale parce que la différence, c’est que la CSG est un prélèvement individuel. Chaque personne paye la CSG quel que soit le revenu et puis, l’impôt sur le revenu, c’est un impôt familial et il demeurera un impôt familial.
Olivier MAZEROLLE
Est-ce que la CSG sera progressive ou restera proportionnelle ?
François HOLLANDE
Non, la CSG ne sera pas progressive, elle sera le premier taux de ce futur impôt sur le revenu.
Olivier MAZEROLLE
D’accord. Alors toujours dans le droit d’inventaire, vous disiez que finalement là où l’activité de l’entreprise ne justifie pas une présence de l’Etat, celui-ci doit se retirer du conseil d’administration. En revanche lorsque l’intervention de l’Etat correspond à un rôle stratégique, il doit relever sa participation pour influence les choix. Alors, on parle beaucoup de RENAULT en ce moment qui délocalise au Maroc, qui va produire peut-être des voitures électriques en Chine, est-ce que vous estimez que RENAULT tombe justement dans le cas d’entreprise dans lequel l’Etat devrait renforcer sa participation pour peser sur les choix ?
François HOLLANDE
Là, nous avons encore une fois l’illustration de l’impuissance, que le candidat sortant finalement …
Olivier MAZEROLLE
Ca, c’est la situation présente …
François HOLLANDE
…symbolise …
Olivier MAZEROLLE
…mais vous …
François HOLLANDE
Non, non mais …
Olivier MAZEROLLE
Qu’est-ce que vous feriez en pareil cas ?
François HOLLANDE
Prenons la situation présente. L’Etat est présent au capital de RENAULT et il laisse une entreprise publique, en tout cas semi-publique puisqu’en l’occurrence, il y a des capitaux privés, et il laisse cette entreprise investir massivement à l’étranger. Comment le comprendre alors qu’il y a un discours qui est celui de chercher à produire autant qu’il est possible à partir d’une base territoriale française ? Donc qu’est-ce que l’on ferait ? Je ferai en sorte que comme représentant de l’actionnariat public, je donnerai comme indication que l’enjeu pour RENAULT bien sûr est d’être présent sur le marché mondial. C’est une entreprise qui doit vendre partout ses automobiles mais quand il est possible de fabriquer en France pour des consommateurs qui sont français, mieux vaut effectivement avoir ce principe de fabriquer en France.
Olivier MAZEROLLE
En renforçant la participation de l’Etat dans l’entreprise ?
François HOLLANDE
Pourtant, elle est à un niveau suffisant qui permet de se faire comprendre et de se faire entendre à condition de prendre la parole dans le conseil d’administration.
Olivier MAZEROLLE
Alors, je vous ai lu également en juin dernier, une tribune dans Le Monde où vous disiez « il faut garantir une véritable autonomie aux partenaires sociaux et après tout, il serait bien que le gouvernement et le Parlement soient liés juridiquement par le contenu de subventions signées entre les partenaires sociaux. » Le gouvernement à l’heure actuelle a un projet qui consiste à demander aux partenaires sociaux dans les entreprises ou dans les branches de s’entendre pour moduler les horaires de travail. Est-ce que ce n’est pas finalement un peu la même chose ?
François HOLLANDE
Non. Moi, ce que j’évoquais, c’était les grands accords interprofessionnels qui font que syndicats et patronats se retrouvent sur certains points d’accord pour faire évoluer le droit social, le droit du travail. La protection sociale, ces accords doivent être forcément intégrés dans le dispositif législatif et devenir donc force obligatoire. Mais là ce qui nous est proposé par le gouvernement qui d’ailleurs n’aura pas en définitive de débouché, les élections arrivant, c’était en définitive de sortir d’une logique qui était une logique où la loi s’imposait sur le contrat, là, ce serait le contraire, le contrat s’imposerait sur la loi puisque dans une entreprise, on pourrait dire « il n’y a plus de durée légale du travail. C’est fini, les 35 heures ne s’appliquent plus. » C’est la raison pour laquelle les syndicats sont hostiles à ce projet.
Olivier MAZEROLLE
On va marquer une pause et puis, nous allons être rejoints par Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE, ma consœur du Point.
François HOLLANDE
Merci.
Olivier MAZEROLLE
A tout de suite.
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Olivier MAZEROLLE
François HOLLANDE, l’interview du Point maintenant incarné ce soir par Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE. Bonsoir.
François HOLLANDE
Bonsoir.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Bonsoir François HOLLANDE.
Olivier MAZEROLLE
Bah ?
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Alors, c’est à moi …
Olivier MAZEROLLE
Allez-y !
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Je voudrais revenir sur cette tonalité de la campagne qui est extrêmement violente, je sais que vous ne voulez pas entrer dans ce jeu là mais tout de même, est-ce que vous pouvez vous laisser quand même insulter comme cela à longueur de discours avec un président qui, en plus, fait des propositions tous les jours …
François HOLLANDE
Mais quelles propositions ?
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Est-ce que vous pouvez …
François HOLLANDE
D’ailleurs, j’aimerais bien les connaître.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Oh bah il y en a …
François HOLLANDE
Aucune ! Mais l’insulte, il en fait, je vous l’accorde.
Olivier MAZEROLLE
Si de la proportionnelle, il a parlé de …mais on va en parler dans …
François HOLLANDE
On va en parler.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Mais est-ce que vraiment, vous pouvez vous contenter de faire le gros dos et de ne pas hausser un petit peu le ton ? Est-ce que vous allez pouvoir durer deux mois en étant si poli ? Est-ce que franchement, il n’y a pas un moment où vous pouvez rétorquer et comment vous qualifieriez cette agressivité du président à votre égard ?
François HOLLANDE
La violence et l’insulte, c’est un signe de faiblesse. Quand on est président sortant, on doit être fier de ce que l’on a fait. On doit même ignorer ses concurrents ; on doit porter une politique, avancer de nouvelles propositions et là, il y a une espèce d’obsession, une espèce d’obnubilation par rapport à ma propre candidature. C’est dire s’il y a un peu d’agitation, c’est dans son tempérament et un peu, peut-être, là de légèreté ou d’inquiétude. Mais moi, je me laisserai pas dissiper ; vous savez, ce n’est pas parce qu’il y en a un qui veut vous chercher dans la cour de récréation que vous êtes obligé d’aller le suivre dans ce pugilat. Je m’y refuse mais en même temps, il y a des …
Olivier MAZEROLLE
Pardon, Monsieur HOLLANDE, ce n’est pas une cour de récréation, c’est une confrontation …
François HOLLANDE
Non, non !
Olivier MAZEROLLE
…devant les Français.
François HOLLANDE
Oui, eh bien, puisque c’est une confrontation devant les Français, j’essaye de me mettre à la bonne hauteur, pas au niveau de ce qui est simplement l’invective ou l’arrogance ou l’accablement dont je serai l’objet mais enfin quand même ! Ca prêterait à sourire. Je suis d’un tempérament de bonne humeur mais enfin que Nicolas SARKOZY puisse se dire candidat du peuple mais de quel peuple s’agit-il ? Du peuple de l’argent ? Alors là, j’en conviens volontiers ! Qui sont ses soutiens ? Les principaux dirigeants d’entreprises françaises ? Oui sûrement. Les banquiers qui ont beaucoup …lui doivent sa nomination ? Sûrement. Les grands patrons de certaines presses ? A l’évidence mais ce ne sont pas les miens et puis, par ailleurs, les dirigeants européens qui le soutiennent, qui sont-ils ? Des dirigeants progressistes, révolutionnaires ? Non, il s’agit de Monsieur CAMERON, de Madame MERKEL …
Olivier MAZEROLLE
Ce ne sont pas des délinquants quand même !
François HOLLANDE
Ah, ai-je dit ça ? Moi, je ne tombe pas dans ce …Ce sont des conservateurs …
Olivier MAZEROLLE
Voilà.
François HOLLANDE
…ce sont des puissants, ce sont des dirigeants. Donc laissons, je crois, les mots à leur juste place.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Quand il fustige les corps intermédiaires les rendant responsables des blocages français et qu’il propose de recourir au référendum pour les contourner, est-ce que c’est l’attitude d’un démocrate selon vous ou de quelqu’un qui a une attitude un peu plus autoritaire ?
François HOLLANDE
Qu’est-ce que cela veut dire « les corps intermédiaires » ? C’est-à-dire les élus de la République ? Je les respecte. Les partenaires sociaux ? Je les considère. Les grandes associations ? Je m’incline devant leur engagement. Et même les groupes de citoyens qui s’organisent pour défendre parfois des intérêts légitimes ? Je les entends.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Mais alors cette démarche pour pouvoir les contourner …
François HOLLANDE
Alors …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
…qu’est-ce que c’est ?
François HOLLANDE
…dire qu’un candidat sortant puisse maintenant faire le procès des corps intermédiaires pour s’adresser au peuple tout entier, mais alors je vais regarder ce qu’a fait ce candidat sortant depuis cinq ans. Y a-t-il eu un référendum depuis cinq ans sur quelque sujet que ce soit ?
Olivier MAZEROLLE
…dans les territoires d’outre-mer mais bon …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Locaux.
François HOLLANDE
Je vais citer trois exemples parce qu’il y a trois demandes référendaires. Première demande, c’était au moment du traité de Lisbonne, c’est-à-dire après le traité constitutionnel. Il s’est trouvé que des familles politiques de gauche d’ailleurs demandaient qu’il y ait un nouveau référendum. Qu’a dit Monsieur SARKOZY devant moi ? Il a dit : mais si nous faisons un référendum, nous sommes sûrs de le perdre. Bel exemple de confiance dans le peuple ! Deuxième illustration : il lui a été demandé à tort ou à raison un référendum sur les retraites au moment de la réforme, il s’y est refusé. Pourquoi n’a-t-il pas fait confiance au peuple français ? Pourquoi a-t-il à ce moment là voulu passer par le Parlement ? Troisième exemple même si celui-là serait difficile à traduire dans un référendum immédiatement, la TVA dite sociale. Voilà un beau sujet. Eh bien moi, le dis, le seul moment pour le peuple français de s’exprimer, y compris par voie directe, ça sera l’élection présidentielle et j’ai dit que d’une certaine façon, l’élection présidentielle, c’était un référendum sur …
Olivier MAZEROLLE
Il n’y aura pas de référendum avec vous alors !
François HOLLANDE
…c’était un référendum sur le sujet : est-ce que nous voulons continuer avec Nicolas SARKOZY ? Les Français peuvent répondre. Ou est-ce que nous voulons changer et je propose le changement. Maintenant, vous m’interrogez sur les questions …
Olivier MAZEROLLE
Parce que …
François HOLLANDE
Oui, oui …
Olivier MAZEROLLE
…le traité européen dont on parlait tout à l’heure, il sera soumis à référendum si vous obtenez satisfaction.
François HOLLANDE
Vous posez des questions sur quels seront les sujets de référendum.
Olivier MAZEROLLE
Oui, oui.
François HOLLANDE
Moi, j’en donnerai deux. Premier sujet, si je changeais ou si je décidais comme président de la République si les Français m’en donnent mandat, si je décidais de changer profondément la Constitution, c’est-à-dire les mouvements importants dans l’ordre des rapports entre Parlement, président de la République, Premier ministre, eh bien, oui à ce moment là, la consultation du peuple serait nécessaire. D’ailleurs, c’est ce que le général de GAULLE lui-même avait fait avec l’élection du président de la République.
Olivier MAZEROLLE
Mais sur l’Europe ?
François HOLLANDE
Et sur l’Europe, chaque fois qu’il y a un transfert de souveraineté considérable, il doit y avoir …
Olivier MAZEROLLE
Le traité que vous allez négocier avec …
François HOLLANDE
Le traité pour l’instant, il n’y a pas de transfert de souveraineté.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Est-ce que vous êtes d’accord avec la proposition qu’a faite le président candidat aujourd’hui d’introduire une part de proportionnelle ? Normalement, c’est dans votre programme. Là pour une fois, pouvez-vous l’approuver ?
François HOLLANDE
J’ai dit dans mon projet que j’étais pour une introduction de part de proportionnelle. J’ai même d’ailleurs donné nombre de députés qui pourraient être élus sous cette forme, 100 députés parmi les 577. Et ça m’a intéressé la proposition de Nicolas SARKOZY, c’est qu’elle arrive au moment où elle ne peut pas se traduire, c’est-à-dire il a été président pendant cinq ans, il aurait pu parfaitement introduire la proportionnelle, il ne l’a pas fait. Mais pire encore, il a même fait voter une réforme constitutionnelle, c’était en 2008, il a fait voter une réforme constitutionnelle où il a été inscrit le nombre de députés, le nombre de sénateurs – d’ailleurs en augmentation – et où il a écarté la proportionnelle, c’est-à-dire qu’il a fait un redécoupage des circonscriptions sans introduire une part de proportionnelle. Et là maintenant, vous pensez qu’il serait possible de croire un seul instant à sa sincérité avec une proposition qui vient après qu’il ait refusé de diminuer le nombre de députés, d’introduire une part de proportionnelle et de faire un changement quelconque …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Vous ne pensez pas que …
François HOLLANDE
… dans l’organisation de notre Parlement.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Vous ne pensez pas que c’est un signe envers François BAYROU par exemple qui réclame cette mesure à cor et à cris ?
François HOLLANDE
Bah à ce moment là, il fallait le donner avant, il aurait pu aussi faire ce signe à l’égard de Madame LE PEN parce que je pense qu’il a aussi cette intention mais moi, je ne pense pas que ce soit par rapport à un parti ou un autre qu’il faut introduire la proportionnelle. Je pense que c’est nécessaire pour le pluralisme de notre pays.
Olivier MAZEROLLE
Pardon, vous pensez que Nicolas SARKOZY cherche un accord avec Marine LE PEN ?
François HOLLANDE
Non. Je ne crois pas mais je pense que s’il envoie cette proposition aujourd’hui alors qu’il n’a rien fait depuis cinq ans, c’est qu’il veut effectivement donner des signes mais moi, je ne fais pas cette proposition pour donner des signes. Je pense qu’elle est nécessaire et même si ça doit conduire effectivement avec une part de proportionnelle, il y aura des députés du FRONT NATIONAL qui se retrouveront à l’Assemblée nationale.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Un ami de Lionel JOSPIN, aujourd’hui Claude ALLEGRE, a apporté son soutien à Nicolas SARKOZY. Est-ce que ça vous a un peu déçu d’autant qu’il vous égratigne au passage en vous traitant d’incapable de faire le « job », et disant que le problème de la gauche, c’était vous ? Alors comment vous réagissez à cette … ?
François HOLLANDE
Ecoutez, Claude ALLEGRE, il y avait bien longtemps qu’il avait quitté la gauche et que la gauche l’avait quitté. Donc bon vent avec Nicolas SARKOZY. Je ne suis pas sûr que ce soit pour le monde enseignant une très bonne indication qu’il aille avec Monsieur SARKOZY.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
En revanche, vos rapports avec Martine AUBRY semblent absolument détendus ces dernières semaines. Est-ce que vous la mettriez dans la liste des Premiers ministres possibles comme c’est écrit ici ou là, en tout cas est-ce que vous ne l’excluez pas du champ des possibles ?
François HOLLANDE
Je suis candidat à l’élection présidentielle, nous sommes à deux mois du premier tour et donc à plus de deux mois et demi du second et vous pensez que je vais composer des gouvernements, indiquer des noms de Premier ministre ou des ministres ? Mais comment les Français me jugeraient-ils ?
Olivier MAZEROLLE
Ah bah il y en a qui pensent que ce serait bien après tout de savoir quel est ce que l’on appelle communément le « ticket », c’est-à-dire …
François HOLLANDE
Il n’y a pas de ticket.
Olivier MAZEROLLE
…quel est le duo.
François HOLLANDE
Il n’y a pas de gouvernement avant l’heure. Il y a le respect que l’on doit aux Français, vous avez évoqué Martine AUBRY. C’est une personnalité pour laquelle j’ai bien sûr beaucoup d’estime, qui est première secrétaire du Parti socialiste, qui jouera forcément un rôle mais je dois d’abord permettre la victoire et tous et toutes ceux qui m’entourent ne devraient avoir qu’une seule perspective, gagner l’élection présidentielle et peu importe la place de celui-ci ou de celle-là.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
A défaut de vous engager sur une femme en particulier, est-ce que vous pouvez vous engager à faire la parité au gouvernement si vous êtes élu ?
François HOLLANDE
Oui, ça, c’est …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Autant de femmes que d’hommes vraiment ?
François HOLLANDE
…l’objectif que je dois au moins …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
C’est un engagement ?
François HOLLANDE
C’est l’objectif que je dois fixer.
Olivier MAZEROLLE
Donc il y aura un nombre pair de ministres alors ! (rires)
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Est-ce que vous avez l’intention comme le souhaite apparemment votre ami Jean-Marie AYRAULT qu’il y ait des ministres communistes au gouvernement ? Vous avez fait des déclarations qui ont été plus ou moins bien retranscrites par The Guardian …
François HOLLANDE
Oui, plutôt mal que bien !
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
…sur l’absence de communistes aujourd’hui dans le pays …
François HOLLANDE
Non, non, je …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Mais est-ce que vous souhaitez si vous êtes élu que les communistes et Monsieur MELENCHON d’ailleurs participent au gouvernement ?
François HOLLANDE
Le Parti communiste est un parti de la gauche française, a été un grand parti de la gauche française. Il n’a plus la même influence mais en a encore aujourd’hui avec Jean-Luc MELENCHON comme candidat, nous voyons bien dans les intentions de vote, il ya une culture communiste en France. Nous devons beaucoup dans l’histoire de la République à l’idée qu’a représentée le mouvement communiste. Donc à partir de là, si ce parti après l’élection présidentielle avec le Front de gauche veut prendre sa place dans le cadre du projet que j’aurais présenté, et en cas de victoire, il sera bien sûr bienvenu mais je ne veux nullement forcer. J’ai du respect et pour le candidat Jean-Luc MELENCHON et pour le Parti communiste : ils feront ce qu’ils jugeront utile pour leur mouvement et pour leur pays. Je ne veux en aucune façon leur forcer la main.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Est-ce que vous vous considérez que le candidat du système ou de l’élite comme vous le reproche Nicolas SARKOZY, lui-même s’érigeant en candidat du peuple, ou est-ce que vous ne vous ne voulez pas quand même vous ériger en candidat du peuple ?
François HOLLANDE
Mais moi, je pense que le peuple, on ne se l’arroge pas. On ne le capte pas à des fins personnelles. Aimer la France, j’espère que nous sommes tous dans cette belle idée, dans cette exigence, aimer la France. Aimer la France, c’est d’abord aimer les Français, ne pas les diviser. Aimer la France, c’est bien servir la France quand on a la responsabilité d’être au sommet de l’Etat. Aimer la France, c’est éviter la stigmatisation, c’est éviter de désigner un Français parmi d’autres ou un groupe de Français comme l’adversaire ; c’est refuser la violence dans le débat public. Aimer la France, c’est essayer de la relever, de la redresser, de l’élever et de ne pas lui parler à un peuple comme on parle à une foule parce que le peuple, c’est plus qu’une foule ; le peuple, c’est un corps qui veut se déterminer librement, respectueusement, positivement. Alors, j’y reviens, le système, vous vous rendez compte ! J’ai entendu ça mais quel serait mon système ? Je serais issu de quoi, moi ? Chacun me connaît. Personne n’est en ignorance de ce qu’est …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Mais tout de même, on dit « le candidat des sondages …
François HOLLANDE
…ma famille, ma vie …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
…et des médias », alors ?
François HOLLANDE
Bah alors, si – je fais juste cette observation – si être le premier dans les sondages est être le candidat du système, c’est ne rien comprendre à ce qu’est une intention de vote.
Olivier MAZEROLLE
Alors moi, j’ai …
François HOLLANDE
Pardon mais est-ce que gagner l’élection présidentielle serait être le candidat du système ? Non. Etre le candidat du système, c’est être le candidat hélas du système financier, du système économique, du système libéral et je connais un candidat …
Olivier MAZEROLLE
Alors, candidat du système …
François HOLLANDE
…qui répond à cette définition !
Olivier MAZEROLLE
…candidat du système, ça peut vouloir dire conservateur, je vais vous dire pourquoi. Tout à l’heure, vous avez fait l’éloge des corps intermédiaires, élus de la République, partenaires sociaux, etc. Or, dans votre livre,Droit d’inventaire, vous parlez des socio-démocrates en Europe et vous dites : « nous, Français – enfin socialistes français – on a fait un Etat boursouflé, on a la manie d’inventer des usines à gaz sociales coûteuses financièrement et de faible rendement en termes de justice avec ce paradoxe français – c’était dans Devoir de vérité pardon en 2006 – avec ce paradoxe français, un haut niveau de prélèvements obligatoires et des inégalités qui s’élargissent. » Et dans le fond, ce que vous suggère Nicolas SARKOZY, c’est que vous êtes pour le maintien de ce système des usines à gaz, d’Etat boursouflé, etc.
François HOLLANDE
Mais je suis pour le maintien de rien qui soit inutile. Ce qui est inutile ne doit pas durer mais ce qui est précieux, ce qui est essentiel, le droit à la santé, la question des retraites, la possibilité de pouvoir avoir un soutien au moment où on est chômeur, mais j’y tiens, j’y tiens pas pour moi-même, j’y tiens parce que c’est ce qui permet çà notre pays de tenir dans une période de difficulté, ce qui donne de la dignité. Alors ce serait trop simple, on dirait ; vous êtes conservateur parce que vous voulez garder les droits des Français pour se soigner …
Olivier MAZEROLLE
Non, il dit : il faut changer les habitudes pour conserver les droits.
François HOLLANDE
Mais aujourd’hui hélas, nos concitoyens, ils ont perdu des droits, ils ont perdu des droits pour se soigner, c’est plus cher ; il y a des dépassements d’horaires, il y a des taxes qui les frappent, les mutuelles sont aujourd’hui fragilisées. C’est plus dur pour partir à la retraite ; c’est plus dur pour trouver un logement ; c’est plus dur pour avoir une prestation quand on est chômeur parce qu’il y a là, tout est fait pour détourner par rapport à ce qui doit être un droit essentiel. Donc voilà ; ce que je défends, ce n’est pas un système. Ce que je défends, ce sont des droits et des droits fondamentaux. Alors après qu’il faille faire des économies, qu’il faille demander des contreparties, je suis tout à fait favorable mais j’invente aussi des propositions et notamment …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Justement, en quoi êtes-vous moderne ? On vous …
François HOLLANDE
Je vais vous donner un exemple.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
…on vous reproche de ne pas faire d’innovation, de refaire un programme avec des anciennes recettes, enfin des recettes classiques et on dit « mais où sont les éléments neufs de son projet pur la France ? »
François HOLLANDE
Mais donnons quelques exemples. Contrat de génération : je suis le seul à faire cette proposition. Et je trouve que c’est la plus belle cause qu’il puisse être possible pour un candidat de donner. Pourquoi ? C’est quoi le contrat de génération ? L’employeur qui gardera un senior puisque nous avons un problème de chômage aujourd’hui précoce de salariés qi ne sont pas assez âgés pour partir à la retraite mais déjà trop âgés pour rester dans l’entreprise. L’employeur qui garde le senior jusqu’à ce qu’il puisse partir à la retraite et qui embauche un jeune avec un contrat à durée indéterminée, eh bien cet employeur-là ne paiera pas de cotisations sociales sur les deux emplois. Donc ça permet de transmettre un savoir-faire, ça permet de garder …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
C’est toujours des baisses de charges, enfin c’est un système assez classique …
François HOLLANDE
Mais ça, c’est …Je préfère qu’une baisse de charges soit utile pour l’emploi d’un senior et qui permette aussi d’embaucher un jeune avec un contrat à durée indéterminée que de continuer à verser 25 milliards d’exonérations de cotisations sociales sans aucune contrepartie.
Olivier MAZEROLLE
Et vous en ferez combien de contrats de génération parce que dans Le changement, c’est maintenant ce n’est pas indiqué ?
François HOLLANDE
Nous pouvons avoir la perspective d’en faire sur le quinquennat 500 000 mais de toute façon, ça sera pris sur les exonérations actuelles de cotisations sociales. Donc ça ne créera pas de coût supplémentaire ; ça permettra de donner une incitation forte aux entreprises qui se comportent bien.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Vous parlez de maintien, est-ce que vous allez maintenir les très hauts fonctionnaires qui ont été nommés par l’actuel pouvoir notamment dans le domaine de la police et de la justice, est-ce que vous pourrez gouverner avec ceux mis en place avec Nicolas SARKOZY ?
François HOLLANDE
C’est vrai qu’il y a eu un Etat UMP qui s’est installé. C’est vrai que Nicolas SARKOZY, il a lui-même pris la responsabilité puisqu’il a été ministre de l’Intérieur puis président de la République, donc dix ans, a mis un système – alors là un vrai système – en place au niveau du ministère de l’Intérieur avec un certain nombre d’excès dont les tribunaux sont aujourd’hui saisis puisqu’il y a même un responsable de la police qui est mis en examen et un procureur qui l’est aussi. Dans la justice aussi, il y a eu des nominations de procureurs qui ont été des amis du pouvoir, eh bien, nous aurons à faire sans qu’il y ait là encore de brutalité, sans qu’il y ait d’excès à remettre l’Etat républicain à sa place et aucun de ceux qui aujourd’hui exercent des responsabilités et qui sont loyaux n’ont à s’inquiéter mais en revanche, ceux qui sont liés à ce système auront forcément à laisser la place à d’autres.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Vous ne parlez pas beaucoup d’immigration, est-ce que vous partagez …
François HOLLANDE
Vous ne m’avez pas encore interrogé là-dessus, donc !
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Est-ce que vous partagez le point de vue qu’avait émis François MITTERRAND en 1989 comme quoi il y a un seuil de tolérance en France sur le nombre des immigrés acceptables sur notre sol ?
François HOLLANDE
Vous savez, aujourd’hui, il y a 200 000 nouveaux immigrés qui arrivent sur notre territoire de manière légale. Donc il y a eu finalement une maîtrise mais autour d’un chiffre qui reste de 200 000. Donc c’est sous le gouvernement de Monsieur SARKOZY, 200 000. Il y a 30 000 étrangers qui sont régularisés chaque année. Donc moi, qu’est-ce que je propose ? Je propose que sur l’immigration légale, nous en restions à des chiffres comparables, c’est-à-dire par rapport à ce qui est la règle internationale quand il s’agit d’asile, il n’y a pas de ce point de vue là à intervenir, c’est une règle internationale. Quand il s’agit de regroupement familial, ce sont des règles européennes. Nous avons deux variables possibles ; ce sont les étudiants étrangers et nous avons vu que nous avons besoin d’avoir des étudiants étrangers, c’est une chance pour notre pays et pour l’immigration économique, aujourd’hui, c’est 30 000 seulement. Et donc nous voyons bien qu’il y aura là nécessité d’un débat qui se fera chaque année sur l’immigration économique nécessaire mais je reviens sur parce que j’entendais le candidat sortant faire des démonstrations fausses sur …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Sur la régularisation des clandestins.
François HOLLANDE
…la régularisation, jamais, vous entendez bien, jamais je n’ai pris une déclaration laissant penser qu’il y aurait une régularisation massive des sans-papiers, jamais. Vous ne trouverez jamais un propos de ma part. Dans le texte que j’ai écrit, le projet, il est parlé d’une régularisation …
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Au cas par cas.
François HOLLANDE
…au cas par cas. Donc vous avez là la preuve que le candidat sortant qui veut tellement utiliser la peur, l’effroi même de l’arrivée de la gauche au pouvoir utilise là ce chiffon alors que j’ai toujours précisé que ce serait sur la base de critères et au cas par cas. 30 000 aujourd’hui sont régularisés par Nicolas SARKOZY.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Alors un dernier point …
Olivier MAZEROLLE
En trente secondes !
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Le 21 avril à l’envers ou à l’endroit, est-ce que c’est un risque qui est en train de s’estomper ?
François HOLLANDE
Non, c’est toujours un risque. Et moi, je ne crois pas qu’il y ait là un duel à installer. Je ne suis pas dans une espèce de confrontation personnelle ou politique avec le candidat sortant. Il y a tous les candidats qui sont là. Nous sommes à deux mois. Il y a des sondages sans doute mais à un moment, chacun sera à égalité devant les médias et donc d’accès aux ondes et à l’audiovisuel et donc il y a toutes les possibilités d’un ordre que je ne connais pas et je me bats pour être au plus haut au premier tour parce que je pense qu’il y a toujours un risque parce que moi, j’ai vécu le 21 avril 2002. Alors, je fais en sorte d’échapper à cette malédiction qui a conduit effectivement la gauche à être écartée parce qu’elle s’était dispersée, qu’elle n’avait pas perçu le danger. Donc je me battrai pour que les électeurs fassent le choix de me mettre s’ils en décident au plus haut pour gagner l’élection présidentielle au second tour.
Olivier MAZEROLLE
Merci Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE.
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE
Merci !
Olivier MAZEROLLE
On va marquer une pause pour le journal de 19 heures et puis, on vous posera des questions sur des questions de société et puis, on cernera un peu plus, enfin on essaiera de cerner un peu plus votre personnalité sur le plan politique, savoir quelle gauche exactement vous voulez incarner.
Journal
(…)
Olivier MAZEROLLE
François HOLLANDE, Emmanuel BERRETTA nous a rejoints pour parler des questions de société. Emmanuel, à vous.
Emmanuel BERRETTA, LE POINT
Bonsoir Monsieur HOLLANDE. Alors Nicolas SARKOZY a obtenu le soutien d’Angela MERKEL et de David CAMERON ; allez-vous solliciter le soutien de la puissance montante de ce pays, le Qatar ?
François HOLLANDE
J’ai l’impression que même la puissance dont vous parlez, a des liens avec le candidat sortant. Mais en même temps, ce pays investit en France, il a toute sa place et je ne vais pas mettre quelque barrage que ce soit à ce qui peut être un investissement dès lors qu’il est utile.
Emmanuel BERRETTA
Alors effectivement, il investit mais ça pose un certain nombre de problèmes quand même ; il investit notamment dans le sport et dans les droits TV au point de bousculer CANAL+. Alors je ne vous demande pas de prendre la défense de CANAL+, société privée mais simplement en bousculant CANAL+, on bouscule en même temps le cinéma français. Est-ce que si vous êtes au pouvoir, vous ferez en sorte que l’offensive d’AL JAZEERA soit stoppée d’une manière ou d’une autre ?
François HOLLANDE
Oui, là vous venez sur une opération que maintenant nous connaissons mieux, qui est l’intervention d’AL JAZEERA sur le marché des droits télé en matière de sport et avec le risque d’assécher CANAL+ qui est une entreprise privée sur laquelle moi-même je n’ai pas d’intérêt ni d’amitié en particulier mais avec la spécificité de CANAL+ dans le financement du cinéma, c’est-à-dire en affaiblissant CANAL+, le risque peut-être qu’il y ait à ce moment-là une difficulté pour le cinéma français de ne plus être soutenu comme il l’est par CANAL+.
Emmanuel BERRETTA
Alors j’ai vu que c’était votre préoccupation…
François HOLLANDE
Comment on fait… c’est justement de faire un lien, de poser des règles qui fassent qu’il y ait pour cette nouvelle chaîne qui arrive, AL JAZEERA, les mêmes obligations qui soient posées, c’est-à-dire…
(BROUHAHA…)
Emmanuel BERRETTA
Financer…
François HOLLANDE
Eh bien oui, il n’y a pas de raison de penser…
Emmanuel BERRETTA
… oui, ils peuvent le faire.
François HOLLANDE
Ils peuvent le faire aussi.
Emmanuel BERRETTA
Alors il n’y a pas que cet investissement qui pose problème, on voit aussi que les Qataris s’intéressent à EADS qui est un actif stratégique entre nous et les Allemands ; ils ont essayé de voir si DAIMLER était vendeur, ils montent dans LAGARDERE qui a des participations dans EADS. Est-ce que là aussi en tant que chef de l’Etat si vous l’êtes, vous laissez faire, après tout c’est de l’argent, c’est bien, ou vous faites attentions parce que nous avons également des intérêts un peu difficiles à gérer dans le Golfe persique avec des Saoudiens qui sont leurs adversaires avérés ?
François HOLLANDE
C’est vrai qu’il peut y avoir des conflits d’intérêt, des tensions ; donc pour ce qui me concerne je serai très attentif à ce qu’EADS reste dans l’équilibre actuel.
Emmanuel BERRETTA
D’accord, donc vous fermez la porte au Qatar.
François HOLLANDE
Enfin s’il doit y avoir une porte ouverte, il ne faut pas que ce soit l’occasion d’en fermer une autre sur un autre pays.
Emmanuel BERRETTA
Alors il y a un autre investissement qui suscite quelques réticences, c’est le fait que les Qataris ont annoncé qu’ils allaient déverser 50 millions d’euros pour aider les entrepreneurs français d’origine maghrébine dans les banlieues. Est-ce que là aussi on n’est pas un peu à la limite de la laïcité ? Après tout voilà bien un critère religieux qui est retenu par une puissance étrangère pour aider des Français, est-ce que ça vous pose problème ? Je sais que Marine LE PEN, elle, elle est très très réticente.
François HOLLANDE
D’abord j’ai posé des règles qui sont les règles de la République. Une entreprise, même de capitaux qataris, a parfaitement le droit de venir s’installer ici, de pouvoir créer des emplois, créer de l’activité et je ne vais pas m’y opposer. Et heureusement qu’il y a des capitaux qataris qui s’engagent pour le soutien d’un certain nombre de nos activités productives. Alors ensuite c’est autre chose quand il peut y avoir par le biais de fondations, par le biais d’associations ou d’invitations une espèce d’influence sur un certain nombre de nos quartiers ; donc ça doit se faire dans un cadre qui doit être parfaitement réglementé et avec les collectivités locales concernées.
Emmanuel BERRETTA
Est-ce que vous avez été invité par le Qatar ?
François HOLLANDE
J’ai été invité comme je pense beaucoup de responsables politiques ; je n’y suis pas allé. Mais si je suis demain le prochain chef de l’Etat, si je suis invité par le Qatar, j’aurai les relations qu’il convient d’avoir avec ce pays qui est très important parce que c’est un petit pays certes puissant financièrement mais qui joue aussi un rôle sur le plan diplomatique tout à fait précieux puisqu’il est en lien avec de nombreuses puissances de la région et donc c’est aussi un rapport qui doit être un rapport de reconnaissance du rôle de ce pays. Mais reconnaître le rôle d’un pays n’est pas non plus l’autoriser à faire tout ici au prétexte que nous avons de bonnes relations avec lui.
Emmanuel BERRETTA
Il est dans son rôle quand il cherche à gagner de l’influence, après tout nous faisons la même chose en Afrique à travers nos chaînes et justement est-ce qu’il n’y a pas le risque d’un vote communautaire, c’est Nicolas SARKOZY qui vous attaque là-dessus, en disant François HOLLANDE ouvre la porte à un réflexe communautaire dans les urnes si on donne le droit de vote aux étrangers au niveau local.
François HOLLANDE
Les deux questions sont très différentes, il y a la relation avec des pays, qui doit être posée ; et puis il y a ce que nous avons à faire ici en France par rapport à un enjeu qui est celui du droit des résidents étrangers. Aujourd’hui, des résidents communautaires européens peuvent voter aux élections locales ; je crois que c’est bien accepté d’ailleurs. Est-ce qu’il ne serait pas logique que des personnes qui vivent sur notre pays depuis des années, parfois très longtemps…
Emmanuel BERRETTA
Dix ans…
François HOLLANDE
Au moins cinq ans mais quelquefois elles sont là, ces personnes, depuis vingt ans ou trente ans, paient leurs impôts locaux et ne pourraient pas voter également aux élections locales alors même qu’elles ne pourraient même pas être éligibles à des fonctions de maire et d’adjoint, c’est-à-dire les mêmes règles que pour les résidents européens. Il ne s’agit pas du tout d’une citoyenneté. Et il y aurait à craindre ! Mais pourquoi y aurait-il à craindre ? Il n’y a rien à craindre dès lors que ça se fait sur une base qui est celle du droit de vote à une élection locale. Pourquoi ce serait communautaire ? Pourquoi laisser penser qu’un étranger serait forcément le reflet d’une communauté ?
Emmanuel BERRETTA
Est-ce que vous proposerez cette réforme par référendum ?
François HOLLANDE
Non, moi j’ai dit que ce serait par la voie parlementaire ; il faudra d’ailleurs une modification de la Constitution puisque c’est ce qui est prévu dans les textes pour arriver à ce droit de vote, je le dis bien, aux seules élections locales et pour être simplement électeur ou conseiller municipal.
Olivier MAZEROLLE
Est-ce qu’il n’y a pas une vision un peu angélique… pardon…
François HOLLANDE
Vous savez que ce droit est reconnu dans la plupart des pays européens.
Olivier MAZEROLLE
Oui, oui, mais dans un de vos livres que je vais citer encore parce que je me suis plongé vraiment dans vos déclarations…
François HOLLANDE
Mais vous avez bien fait… vous savez que j’ai un autre livre qui va bientôt sortir…
Olivier MAZEROLLE
Eh bien je le lirai avec la même attention bien entendu… Les classes populaires, écriviez-vous, se considèrent à tort ou à raison, victimes de l’ouverture vers les immigrés. C’est en effet l’électorat le plus modeste qui est obligé de faire place à ces immigrés – je vous cite – dans le parc HLM, de partager les aides sociales, de subir la compétition au travail. Quelle conclusion tirez-vous de cette situation et que faites-vous ou que souhaitez-vous faire pour y remédier ?
François HOLLANDE
Mais parce que c’est dans les quartiers populaires qu’il y a eu le choix de mettre les populations étrangères depuis des années…
Olivier MAZEROLLE
Oui, d’accord, mais qu’est-ce qu’on fait pour y remédier ?
François HOLLANDE
Qu’est-ce qu’on fait ? On fait une politique du logement, une politique de mixité sociale différente. Ce qui est quand même insupportable et après on s’étonne qu’il puisse y avoir un certain nombre de conséquences sur le plan politique, c’est qu’on a fait en sorte que les étrangers soient mis dans les situations de cohabitation, de confrontation parfois…
Olivier MAZEROLLE
Mais ce que vous proposez là est suffisant pour calmer les inquiétudes, parfois l’angoisse de l’électorat populaire ?
François HOLLANDE
Le droit de vote aux élections locales pour les étrangers, c’est une vieille revendication qui est posée depuis des années, sur laquelle d’ailleurs on a fait reproche à la gauche française de ne pas avoir été jusqu’au bout et maintenant les esprits ont évolué, les Français sont conscients que pour les élections locales ce sera un avantage pour tout le monde de participer aux choix qui finalement sont ceux de notre vie de proximité. En revanche, sur la question majeure des quartiers, la question de la mixité sociale, la circulation, de l’intégration, de la promotion, de la fierté d’être Français, alors là je peux vous dire qu’il y a une action considérable à mener et ce que je regrette, c’est que ça a été pendant cinq ans, peut-être dix ans, l’abandon. Vous vous souvenez quand même qu’il y a six ans, il y a eu des émeutes dans les quartiers ; qu’est-ce qui a été tiré comme conclusion ? Nous avons aujourd’hui des suppressions de postes dans l’Education nationale ! Où frappent-elles ces suppressions de postes ? Dans les quartiers populaires et dans les zones rurales ! Comment l’admettre ? Et il y a là des élèves qui sont en déscolarisation, qui doutent même de la République. Je laisserais faire ? Jamais ! Parce que moi, ma volonté, mon engagement, c’est que chaque Français, d’où qu’il vienne, quelles que soient ses origines, soit fier d’être un citoyen français et ne se considère pas comme en rupture. Alors ça, ça supposera des politiques éducatives, des politiques de logements, des politiques aussi de prévention d’un certain nombre de difficultés sociales et même de sanctions quand c’est nécessaire.
Emmanuel BERRETTA
Alors Monsieur HOLLANDE, je change de sujet : je dois dire que je n’ai pas compris votre position sur l’euthanasie. Je n’ai pas compris…
François HOLLANDE
Vous savez que dans le texte que vous avez sous les yeux, le mot « euthanasie » n’est pas utilisé ; donc ma proposition, c’est le droit de mourir dans la dignité… qu’est-ce que ça veut dire ?
Emmanuel BERRETTA
Quelle est l’évolution par rapport à la loi actuelle ?
François HOLLANDE
La loi actuelle, parlons-en, la loi LEONETTI… C’était un progrès puisqu’elle a permis de faire en sorte que des personnes qui sont en fin d’existence puissent avoir un soulagement de leurs souffrances…
Emmanuel BERRETTA
On arrête les soins…
François HOLLANDE
Ce qu’on appelle les soins palliatifs… J’ai moi-même eu une expérience personnelle là-dessus, j’ai vécu une situation de ma mère en l’occurrence qui était dans cette situation de soins palliatifs. Il y a trop peu de soins palliatifs en France. Il y a 110 unités, il en faudrait davantage ; il y a trop peu de lits de soins palliatifs ; il y a trop peu de soins palliatifs au domicile. Ça, c’est déjà ce que nous devons faire, mettre davantage de soins pour soulager la souffrance et terminer la vie dans des conditions dignes. Ensuite il y a la question d’une souffrance prolongée, insupportable, souffrance psychologique qui ne peut pas être atténuée et avec là une décision d’intervention, c’est là que nous sommes dans un débat extrêmement sensible et qui supposera donc que nous ayons une réflexion qui conduira à ce que dans certaines conditions avec bien sûr l’avis de la personne, bien sûr la décision de la personne…
Emmanuel BERRETTA
Quand elle est en état de…
François HOLLANDE
Quand elle est en état… la famille, quatre médecins pour à ce moment-là décider ; ce sont des situations exceptionnelles mais vous savez qu’il y a eu des cas, des cas très douloureux qui ont été d’ailleurs l’objet d’un certain nombre d’affaires retentissantes…
Olivier MAZEROLLE
C’est vraiment de l’euthanasie ça…
François HOLLANDE
Non c’est l’intervention d’un acte… qui intervient… le médecin intervient parce qu’il y a eu la décision qui a été prise… commune. Mais vous savez qu’aujourd’hui, nous sommes dans l’hypocrisie. On cite un chiffre, je ne sais pas s’il est vrai parce que personne ne peut le connaître : il y a 7 à 8.000 cas où il y a l’intervention, aujourd’hui, hors tout cadre légal…
Emmanuel BERRETTA
C’est le chiffre gris…
François HOLLANDE
C’est le chiffre gris… je pense que nous méritons, sur ces questions-là… et je pense que là, nous ne sommes pas sur la gauche, sur la droite, nous sommes sur des sujets qui peuvent d’ailleurs concerner chacun d’entre nous dans sa famille, nous sommes sur des sujets d’honneur et de dignité de la personne humaine et donc nous devons faire un grand débat, améliorer les soins palliatifs et trouver les réponses les plus appropriées.
Olivier MAZEROLLE
Je vous propose d’écouter une question qu’on a enregistrée il y a quelques jours.
Intervenant
Bonjour Monsieur HOLLANDE, Yoann, interne en médecine générale ; je souhaiterais vous interroger sur les déserts médicaux. Donc déjà la première question, c’est souhaitez-vous contraindre les jeunes médecins à s’installer dans les zones déficitaires ? Et ensuite la crise des déserts médicaux, c’est avant tout une crise de l’installation ; quelles mesures souhaitez-vous prendre pour inciter les jeunes médecins à s’installer ?
François HOLLANDE
Question très claire. Il y a des déserts médicaux en France, pas simplement dans les zones rurales mais aussi dans les quartiers. Ma réponse, c’est : pas de contrainte, parce que je ne pense pas qu’on puisse dire à un médecin contre son gré qu’il va s’installer là où il ne veut pas aller, c’est impossible et nous n’y parviendrions pas. Donc en revanche il faut une politique puissante d’incitation. Comment faire ? Sûrement en faisant en sorte que nous ayons des maisons de santé, des réseaux de santé, un lien avec l’hôpital de façon à ce que les installations puissent être facilitées, pas simplement financièrement mais aussi j’allais dire matériellement, professionnellement parce que les contraintes sur les médecins sont devenues trop lourdes et qu’il faut les partager.
Emmanuel BERRETTA
En fait c’est plutôt délocaliser une antenne de l’hôpital. Ça serait peut-être plus simple.
François HOLLANDE
Ça peut être une antenne de l’hôpital, ça peut être une maison de santé en lien avec effectivement l’hôpital, ça peut être un réseau de santé entre des médecins qui eux-mêmes sont installés, qui font finalement continuité… Voilà, toutes les solutions… mais nous devons agir parce que ça voudrait dire si nous laissons ces déserts médicaux, que des personnes ne pourraient plus trouver autour d’elles le soutien et le soin nécessaire sauf à aller toujours vers l’hôpital. Or c’est bien là le problème, c’est que l’hôpital est surchargé au niveau des urgences parce qu’il n’y a pas suffisamment aussi de médecine de ville. J’ai confiance dans la médecine de ville et là aussi je vais faire une proposition pour la médecine générale : une partie de la rémunération aujourd’hui, c’est l’acte qui est bien sûr ce qui permet au médecin de toucher un revenu mais une partie de la rémunération, c’est-à-dire au-delà de l’acte, pourrait être un forfait et dans ce forfait il y aurait un paramètre qui serait lié au territoire, c’est-à-dire que les médecins qui acceptent de s’installer dans des zones difficiles, eh bien ils auraient, les médecins généralistes, une rémunération supplémentaire.
Olivier MAZEROLLE
Alors une question courte et réponse courte s’il vous plaît. On l’écoute.
Intervenant
Monsieur HOLLANDE, il y au le centre Pompidou, la BNF, la bibliothèque François-Mitterrand et Jacques CHIRAC a initié son musée au quai Branly. Vous, quel grand monument allez-vous initié sous votre quinquennat ?
François HOLLANDE
Oui c’est vrai que chaque président a à chaque fois eu l’initiative d’un grand équipement ; François MITTERRAND qui a fait deux mandats, en a eu deux, à la fois la pyramide du Louvre et bien sûr la très grande bibliothèque… Ecoutez, avant de vous donner la réponse, je vais faire en sorte d’être élu par les Français car je pense que c’est aussi après un grand débat, une grande concertation. Moi je veux en terminer aussi avec le fait du président… j’allais dire le fait du prince… mais le fait du président. S’il y a effectivement un choix à faire, je le ferai après un grand débat avec les principaux acteurs culturels de notre pays.
Olivier MAZEROLLE
Merci Emmanuel. On va marquer une pause et puis ensuite on va s’intéresser à ce qu’est votre doctrine politique exactement.
Pause
(…)
Olivier MAZEROLLE
Qui êtes-vous François HOLLANDE, ça on le sait, mais on va essayer de cerner un peu votre personnalité politique. Alors on est allé voir quelqu’un, un grand sage dans tous les sens du terme, Robert BADINTER.
Robert BADINTER, ancien garde des Sceaux
On lui impute surtout le fait de ne pas avoir eu d’expérience ministérielle. J’ai un demi-sourire. Je rappelle que dans l’histoire de la République, le plus grand de ses prédécesseurs socialistes indépendamment de MITTERRAND, c’est Léon BLUM et que Léon BLUM est devenu président du Conseil, c’est-à-dire assumant toutes les responsabilités du gouvernement, à une époque très difficile, sans jamais avoir été ministre.
Olivier MAZEROLLE
Heureusement que Robert BADINTER n’attend rien de vous parce que sinon j’aurais des soupçons ! Vous mettre en troisième position derrière François MITTERRAND et Léon BLUM !!
François HOLLANDE
Oui, je remercie Robert BADINTER, je suis d’autant plus honoré que ça vient de Robert BADINTER qui lui-même n’avait jamais été ministre avant d’être garde des Sceaux, et quel garde des Sceaux !
Olivier MAZEROLLE
Alors je me souviens d’ailleurs d’une autre émission où je vous avais présenté comme ça un petit tableau « Qui incarne le socialisme ? » Alors il y avait MARX, ENGELS et puis j’avais mis aujourd’hui, point d’interrogation, vous m’aviez dit « moi ! »…
François HOLLANDE
Oui…
Olivier MAZEROLLE
Dans la lignée comme ça ?
François HOLLANDE
Eh bien vous voyez, je ne m’étais pas tellement trompé, pour l’instant ! Nous verrons bien ensuite ! Vous savez, il y a un moment où il faut avoir des références mais il faut avoir aussi sa propre démarche, son authenticité. Moi je n’ai pas besoin de copier, d’imiter, de répliquer. Bien sûr que je m’inspire des personnalités qui ont peu à un moment compter dans notre histoire et pas forcément simplement à gauche. Mais ce que j’ai à faire, c’est de redresser mon pays dans un moment exceptionnel. C’est-à-dire qu’il n’a plus rien de comparable avec ce que j’ai pu connaître, y compris comme responsable politique, en 81, 88 ou 97.
Olivier MAZEROLLE
Mais on a envie de savoir ce qui vous anime, par exemple quelqu’un qui est très proche de vous aujourd’hui, Manuel VALLS, qui est dans votre équipe de campagne, a écrit : quand on est gamin, qu’on a vingt ans, on se dit « la gauche, c’est le bien et la droite, c’est le mal et puis après, on en revient parce que c’est plus compliqué que ça ». Comment vous, vous qualifieriez la gauche et la droite ?
François HOLLANDE
Je pense que la gauche, c’est l’idée d’égalité, c’est l’idée de justice. Elle ne peut pas non plus être que cela ; elle doit être une idée de progrès. Ce que je veux pour la France, c’est qu’elle avance, c’est qu’elle poursuive sa marche qui a été une marche continument de progrès, d’avancées, de conquêtes, d’élévation. Donc voilà. Et en même temps rien de ce que je déciderai, sera injuste ou marquera une inégalité parce que je considère que c’est ce qui doit être finalement ma contribution à mon pays.
Olivier MAZEROLLE
Et la droite, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
François HOLLANDE
La droite, ça peut être dans le meilleur des cas une volonté, une fierté aussi de servir le pays ; je ne mets pas en cause la droite pour ce qu’elle veut faire pour la France ; je pense qu’il y a heureusement à droite des hommes et des femmes qui considèrent qu’ils servent leur pays et c’est vrai ; le Général de GAULLE était reconnu comme de droite même si lui-même s’écartait etc… il a rendu de tels services au pays, éminents ! Donc je ne veux pas dénier à la droite…
Olivier MAZEROLLE
Mais c’est quelque chose qui est mal, la droite, idéologiquement ?
François HOLLANDE
Non, ce que je pense, c’est que la droite pense toujours qu’en définitive, il y a une élite éclairée qui peut décider à la place. Eh bien je ne le crois pas.
Olivier MAZEROLLE
C’est ça qui vous a incité à aller à gauche ?
François HOLLANDE
Ce qui m’a incité à aller à gauche, c’est le constat de l’inégalité, de l’injustice… du fait qu’il y en avait qui ne s’en sortaient jamais.
Olivier MAZEROLLE
Parce que vous avez reçu une éducation chrétienne, vous étiez d’ailleurs dans une école privée catholique au départ ; il vous en reste quelque chose ?
François HOLLANDE
On reste toujours marqué par son éducation. Mais après on s’en libère, on s’en affranchit.
Olivier MAZEROLLE
Mais au plan des idées ?
François HOLLANDE
Vous savez, moi je ne veux pas ici afficher ou donner mon engagement spirituel, je ne suis pas là pour dire ce qu’il faut croire ou ne pas croire…
Olivier MAZEROLLE
Non mais dans l’action politique, est-ce que cette formation initiale…
François HOLLANDE
Je suis profondément laïc et je considère qu’il y a dans le catholicisme tel que je l’ai dans mon enfance rencontré, aussi ce souci de l’autre ce respect de l’autre. Vous savez, il y a un mot qui devrait nous rassembler tous, qui est celui de dignité. C’est une grande valeur de la République, la dignité. Eh bien elle doit à chaque fois inspirer notre conduite.
Olivier MAZEROLLE
Alors dignité, justice, générosité. Alors je vais vous faire entendre l’extrait très court d’une émission, c’était sur FRANCE 2, où certains en ont conclu après coup que vous étiez peut-être un peu sectaire.
François HOLLANDE
Je connais l’extrait…
Michèle ALLIOT-MARIE (extrait de « A vous de juger »)
Vous avez une vision de la France très particulière, Monsieur HOLLANDE…
François HOLLANDE
Oui je n’aime pas les riches… je n’aime pas les riches, j’en conviens.
Olivier MAZEROLLE
Je n’aime pas les riches, j’en conviens.
François HOLLANDE
Oui, c’était une formule qui remonte à plusieurs années et qui en définitive était un peu anticipatrice par rapport à ce qu’a été l’excès des rémunérations, l’indécence des bonus et des stock-options. Mais j’ai regretté l’idée de la stigmatisation. Moi je ne veux stigmatiser personne parce qu’il y a une richesse qui est fondée aussi, heureusement, sur le talent, sur le mérite, sur l’engagement, la création d’entreprises mais ce que je n’accepte pas et je n’accepterai jamais, c’est la richesse insolente, c’est la richesse indécente, c’est la richesse qui n’est pas le fruit d’un travail, c’est la richesse finalement qui n’a été qu’un legs sans qu’il y ait le mérite personnel. Et puis c’est ces rémunérations que certains s’accordent. J’évoquais au début de notre mission, quand même, qu’en 2010, en pleine crise et dans la parfaite indifférence du président sortant, qu’il y ait eu des patrons du CAC 40 qui n’ont pas augmenté les salaires de leurs salariés et qui se soient augmentés de 36% et qui gagnent 200 fois le SMIC ! Mais on se dit : pourquoi avoir autant d’inégalités !?
Olivier MAZEROLLE
C’est plus l’attitude, le comportement que le riche en tant que tel.
François HOLLANDE
Le riche en tant que tel n’a pas à être dénoncé ; c’est la manière avec laquelle il use de sa richesse ou il l’a obtenue.
Olivier MAZEROLLE
Alors dans « Devoir de vérité », Edwy PLENEL vous interroge et vous dit : dans le fond, quel est le mot qui caractériserait le François HOLLANDE dans son comportement politique ? Et vous répondez mais alors là ça jaillit : la synthèse, l’esprit de synthèse ! Et c’est quand même ce que vos adversaires vous reprochent, c’est toujours d’aller chercher l’accommodement.
François HOLLANDE
Mais non, pas l’accommodement, pas l’arrangement, l’esprit d’unité et de rassemblement. Il va falloir faire, je l’ai dit, un effort de redressement considérable après l’élection présidentielle. Il va falloir faire preuve de justice, nous allons avoir une grande espérance à lever pour la jeunesse ; nous n’avons pas suffisamment parlé de ce que je veux faire pour l’école de la République, de ce que je veux faire pour la jeunesse de France, de cet atout considérable de ce contrat de génération que je veux passer. Eh bien si je veux y parvenir, vous croyez que je vais y arriver seul, de mon Olympe là, parce que j’aurai été élu par les Français et que je pourrai décider de la foudre qui s’abattrait sur celui-ci ou du bonheur qui toucherait celui-là ?! Mais ce n’est pas ma conception du pouvoir. C’est là que je suis en profonde différence avec le candidat sortant parce que j’estime que bien sûr le président doit décider, bien sûr qu’il doit orienter, bien sûr qu’il doit donner la vision. Mais après il doit emmener les autres, c’est-à-dire tous les pouvoirs, les élus locaux, les partenaires sociaux, les acteurs de la vie associative, les citoyens ; on ne change pas un pays simplement du haut, on le mobilise aussi, c’est le rôle du Président de la République. Il n’y a pas de grande nation qui n’avance avec cet esprit d’unité.
Olivier MAZEROLLE
Alors on va retrouver Robert BADINTER qui nous parle sous nos questions de vous et de MITTERRAND.
Robert BADINTER
Il a eu l’occasion d’observer comment François MITTERRAND concevait et exerçait la fonction de Président de la République, il a travaillé à l’Elysée, pas au sommet mais il a travaillé à l’Elysée d’une façon constante ; il avait toute l’acuité intellectuelle et cette faculté critique et pleine d’humour qui le caractérise pour voir ce qu’il y avait d’excellent et de moins bon aussi dans l’art du gouvernement selon François MITTERRAND.
Olivier MAZEROLLE
Alors qu’est-ce que vous garderiez de la méthode MITTERRAND et qu’est-ce que vous rejetteriez de la méthode MITTERRAND ?
François HOLLANDE
Moi ce que j’ai gardé de François MITTERRAND, c’est qu’il avait son cap et qu’il tenait bon. Vous savez, la vie politique est une suite d’épreuves, parfois de bonheurs ou de victoires et parfois de défaites et de déconvenues. Et j’ai observé François MITTERRAND qui a traversé un temps long de la vie politique ; il ne s’est jamais détourné de son objectif. Moi ça fait maintenant plusieurs années que je me suis donné comme perspective de gagner l’élection présidentielle.
Olivier MAZEROLLE
Plusieurs années ?!
François HOLLANDE
Oui, ça fait plusieurs années que je me prépare…
Olivier MAZEROLLE
Combien ?
François HOLLANDE
Depuis au moins 2007… la défaite de 2007 m’a conduit à me poser cette question. Avant cette question pouvait exister mais elle n’était pas présente comme je l’avais formulée après, c’est-à-dire en 2008, je me suis dit : voilà, maintenant c’est le moment. Je ne me suis pas détourné et je me suis préparé. J’ai vu François MITTERRAND faire ça. De la même façon j’ai vu François MITTERRAND préparer l’élection de 1981 qui est à bien des égards pleine d’analogies avec ce que nous vivons aujourd’hui, le besoin d’alternance ; il y avait des pressions, il y avait des divisions, il a rassemblé, rassemblé, toujours rassemblé. Et puis ensuite ce que je peux mettre plus à distance – mais je pouvais comprendre aussi ce qu’était son attitude à l’époque – c’est un rapport qui doit être plus simple au sommet du pouvoir ; mais lui, il avait cette idée que succédant à près de 23 ans de pouvoir à la droite, succédant donc à la droite, il voulait montrer qu’il ne cédait rien du protocole, du prestige de la fonction, de la majesté présidentielle. Je pense que les temps ont changé et que j’ai dit un jour et je ne regrette pas cette formule parce qu’elle a considérablement marqué nos concitoyens : voilà, je suis un candidat normal. Bien sûr que la fonction est exceptionnelle. Bien sûr qu’elle obéit à des caractères et à des critères qui exigent de se dépasser soi-même mais voilà, il faut rester proche, il faut rester simple, il faut rester honnête, sincère et il faut aussi avoir cette hauteur de vue pour avoir toujours le souci d’être prêt à prendre la décision lorsque l’histoire devient tragique.
Olivier MAZEROLLE
Une question banale : vous dormirez chez vous ou à l’Elysée ?
François HOLLANDE
Ecoutez, je ne me suis pas posé cette question ; pour l’instant, je dors chez moi et en même temps je pense qu’il y a des raisons de sécurité qui peuvent justifier mais si je peux dormir là où je suis, c’est mieux. Je ne demande rien. Je ne viens pas m’installer dans un palais. Je viens servir mon pays et je ne capterai pas le pouvoir. Je ne considère pas le pouvoir comme une propriété. Je ne m’accroche pas au pouvoir. Je n’ai jamais voulu aller dans des palais officiels simplement pour les occuper. Je veux transformer, changer la situation de mon pays.
Olivier MAZEROLLE
Dernière séquence de l’émission si vous le voulez bien, l’After RMC. Nous sommes rejoints par Christophe JAKUBYSZYN, bonsoir Christophe.
Christophe JAKUBYSZYN, directeur de la rédaction de RMC
Bonsoir Olivier, bonsoir François HOLLANDE. On va revenir sur quelques moments de l’émission. Pour commencer, on est depuis quelques jours en pleine campagne avec l’entrée en scène de Nicolas SARKOZY, le président sortant, le candidat sortant même comme vous dites ; il est très dur avec vous. Il vous a aujourd’hui accusé d’être flou, d’être sur la retraite à soixante ans et sur les régularisations d’immigrés, vous êtes revenu sur ce sujet tout à l’heure, on ne va pas y revenir, mais il vous a aussi accusé d’être lâche. On l’écoute.
Nicolas SARKOZY
Je me demande quel prix on attache au travail et ce qu’on est capable de dire en face à face en regardant dans les yeux un ouvrier dont on vole le travail parce qu’on a voulu glaner quelques voix sur le tapis vert des négociations politiciennes et partisanes…
Christophe JAKUBYSZYN
Nicolas SARKOZY parle évidemment des ouvriers de Fessenheim. Si cette centrale nucléaire fait partie des centrales que vous voudrez fermer dans les cinq ou dix ans, est-ce que vous irez voir les ouvriers de Fessenheim et vous leur expliquerez, vous leur direz quoi ?
François HOLLANDE
Je leur dirai que cette centrale est la plus ancienne de notre parc nucléaire, qu’elle se situe sur une zone sismique, ce qui n’est contesté par personne mais que ça n’arrêtera pas le travail de ses salariés si nous fermons l’exploitation de la centrale. Pourquoi ? Parce qu’il faudra la démanteler. Ça appellera des techniques et des savoir-faire que seuls ces salariés peuvent mettre en œuvre, que leur travail ne sera donc pas mis en cause mais qu’en même temps nous avons le devoir aussi de préparer la montée des énergies renouvelables, que nous avons le devoir aussi d’avoir une politique de diversification énergétique et donc je leur dirai la réalité et en même temps je les rassurerai sur leur activité professionnelle d’abord parce que ces salariés ont des compétences qui sont reconnues et ensuite parce que nous en avons besoin. Mais vous savez, je regardais cet extrait, je me disais : mais il me fait la leçon ! C’est lui, le candidat sortant, qui est allé à Gandrange devant les salariés rassemblés… Vous auriez pu montrer cette photo saisissante où il leur a dit : voilà, vous aurez forcément demain une activité à Gandrange, j’en prends ici l’engagement et j’en fais la promesse ! Et là aujourd’hui, aujourd’hui même ce sont les hauts fourneaux de Florange qui sont menacés ! Donc je ne me ferais pas donner la leçon par celui qui a dit à des salariés ce qu’ils espéraient et qui n’a pas respecté sa promesse. En revanche, je vous l’ai dit : face aux salariés de l’industrie nucléaire, j’ai pris des engagements ; j’ai dit « une seule centrale fermera », la centrale qui est en construction à Flamanville sera achevée ; toutes les autres poursuivront leur activité et ce sera en 2025 que nous aurons réduit la part du nucléaire de 65% pour la production d’électricité à 50%. Voilà ; moi je dis tout, je mets tout sur la table et je ne serai pas le président qui effectivement sera venu dans une usine pour dire à des salariés qu’elle ne fermera pas et qu’ensuite ces salariés ont été obligés de déposer une plaque pour dire qu’ils avaient été trompés et grugés.
Christophe JAKUBYSZYN
Alors la campagne est lancée œil pour œil dent pour dent j’ai envie de dire. Tout à l’heure, vous nous avez parlé de l’Etat qu’avait installé Nicolas SARKOZY, vous avez parlé d’Etat UMP ; on vous écoute.
François HOLLANDE
C’est vrai qu’il y a eu un Etat UMP qui s’est installé. C’est vrai que Nicolas SARKOZY et il en a lui-même pris la responsabilité puisqu’il a été ministre de l’Intérieur puis Président de la République, donc dix ans, a mis un système, alors là un vrai système en place.
Christophe JAKUBYSZYN
Est-ce qu’à l’Etat UMP, vous allez substituer un Etat PS ?
François HOLLANDE
Non, parce que précisément je veux sortir de ces logiques partisanes ; je pense que nous avons besoin, les Français ont besoin d’être en confiance. Moi je veux redonner confiance aux Français dans leur Etat, dans leur République, dans leur avenir et donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire que seront nommées à ces fonctions-là les personnes qui ont les qualités et qui seront là-dessus loyaux à l’égard des autorités et neutres par rapport à un engagement qui n’a pas à être au service d’un parti.
Christophe JAKUBYSZYN
Vous avez beaucoup parlé de François MITTERRAND. A l’époque de François MITTERRAND aussi, il avait installé des hommes qui lui étaient loyaux, fidèles et quelquefois c’est plus efficace pour faire tourner la machine de l’Etat, à la tête de l’administration, de la police…
François HOLLANDE
Non mais la loyauté, elle n’est pas pour le chef de l’Etat, la loyauté, elle est pour l’Etat, ce n’et pas pareil. Ce qu’on attend de la police, ce qu’on attend de la justice et la justice, c’est encore plus élevé parce qu’elle doit être indépendante, ce qu’on attend de la police, ce qu’on attend de la justice, c’est qu’elles servent la République.
Christophe JAKUBYSZYN
Mais vous savez, l’argument de Nicolas SARKOZY en 2007, c’était que l’Etat était plus efficace quand des hauts fonctionnaires étaient convaincus par la politique que leur faisait appliquer le gouvernement. Est-ce qu’il n’y a pas là plus d’efficacité quand effectivement… un peu le système américain… quand on change une grande partie de l’administration, de la haute administration quand on arrive au pouvoir ?
François HOLLANDE
Ce n’est pas ma conception. Je crois d’ailleurs que Nicolas SARKOZY avait parlé d’Etat impartial ; c’était une drôle de conception de l’impartialité que de mettre simplement des obligés. Mais il n’a pas simplement mis des proches aux directions de l’Etat, il en a mis même aux directions de l’audiovisuel, il en a mis même aux directions des banques, aux directions des entreprises ; partout il a voulu influencer et on me dit encore qu’il n’a pas renoncé y compris dans certaines entreprises privées à mettre tel ou tel familier ou tel ou tel proche ou telle ou telle personnalité politique dont on pourrait penser qu’elle pourrait trouver là un destin ! Je m’y refuse…
Christophe JAKUBYSZYN
… Il y aura peut-être une chasse aux sorcières parce que tous ces gens-là, vous voudrez vous en débarrasser, non ?…
François HOLLANDE
Quand je vois aussi, et je le dis tout net… je pense que les présidents d’entreprises publiques dans cette période, doivent aussi veiller à être neutres.
Christophe JAKUBYSZYN
Alors justement on va parler d’économie d’entreprises publiques ou semi-publiques parce que tout à l’heure, vous avez dit quelque chose su RENAULT, qui mérite peut-être des éclaircissements. On vous écoute en parler, évidemment vous parliez de l’investissement par RENAULT dans le low cost au Maroc, voilà ce que vous disiez.
François HOLLANDE
L’Etat est présent au capital de RENAULT et il laisse une entreprise publique, enfin semi-publique puisqu’en l’occurrence il y a des capitaux privés, il laisse cette entreprise investir massivement à l’étranger ! Comment le comprendre, alors qu’il y a un discours qui est celui de chercher à produire autant qu’il est possible à partir d’une base territoriale française ?!
Christophe JAKUBYSZYN
Alors ça veut dire quoi ? L’Etat avec 15% du capital, je crois que c’est le cas aujourd’hui dans RENAULT, vous allez faire la loi et vous allez dire aux dirigeants de l’entreprise, au management, comment on déploie une stratégie mondiale d’investissement dans l’automobile, vous savez faire tout ça ?
François HOLLANDE
Si l’actionnaire public ne dit rien et ne fait rien, pourquoi reste-t-il au capital ?
Christophe JAKUBYSZYN
Donc vous vendrez, non !
François HOLLANDE
Comme je ne veux pas me mettre dans la situation de céder, je ferai en sorte – et le gouvernement y procédera – à ce que l’actionnaire public dise son mot. Ensuite il peut y avoir d’autres discussions avec d’autres actionnaires, il faut que ce soit l’intérêt de l’entreprise mais l’intérêt aussi de l’actionnaire public de se faire entendre parce que sinon c’est un double langage ! On a un gouvernement qui dit : je veux garder le plus possible des activités sur le sol français et puis de l’autre une entreprise dans laquelle l’Etat français a une participation, qui va faire du low cost comme vous dites, au Maroc, même s’il peut y avoir mais moi je ne veux pas ici contester des choix quand il y a un marché qui mérite d’être alimenté, conquis, il est normal d’installer aussi un site de production mais là ce n’est pas le cas.
Christophe JAKUBYSZYN
Et vous feriez quoi concrètement sur cet investissement de RENAULT au Maroc ou peut-être demain en Chine, est-ce que vous demanderiez, vous actionnaire à 15%, au management d’arrêter ces investissements ?
François HOLLANDE
Sur l’installation en Chine, si c’est pour vendre sur le marché chinois, je trouve assez logique d’aller produire sur place, d’ailleurs ça aura des courants d’échanges favorables avec les sites de production en France. Mais si c’est pour aller s’installer en Chine pour fabriquer des automobiles pour les vendre ensuite en France, c’est vraiment regrettable.
Olivier MAZEROLLE
Alors ça veut dire, prenons un exemple, la LOGAN…
François HOLLANDE
LOGAN, c’est pour le marché…
Olivier MAZEROLLE
C’était la Roumanie… on nous avait dit à l’époque que ça ne se serait jamais vendu en France ! Est-cde que vous interdiriez par exemple qu’une voiture produite en Chine par le groupe RENAULT, soit vendue en France ?
François HOLLANDE
Non mais là il ne peut pas être interdit… c’est l’échange… mais quand vous êtes actionnaire, quand même, vous pouvez vérifier ce type de comportement. Ou alors je vous le dis, ne soyons plus actionnaires si c’est pour avoir finalement une incapacité et une impuissance. Moi je suis contre la logique de l’impuissance et je suis contre le double langage, vous savez, où on fait très fort en tapant sur la table et on passe sous la table après parce qu’on ne veut pas jouer ce rôle d’actionnaire.
Christophe JAKUBYSZYN
Ce matin, Ségolène ROYAL a dit qu’il fallait se débarrasser peut-être de Carlos GHOSN justement pour ces raisons-là ; est-ce que vous êtes d’accord ?
François HOLLANDE
Ecoutez, pour l’instant Carlos GHOSN est président de RENAULT. Je ne suis pas Président de la République ; on va attendre et je ne vais pas faire des annonces de remplacement de chefs d’entreprise ; je suis aussi attentif à ce que les entreprises ne soient pas déstabilisées.
Christophe JAKUBYSZYN
Alors vous avez promis d’être concret ; il y a aussi un moment de l’émission où vous vous êtes ému du salaire des patrons du CAC 40 qui a progressé de 36% cette année ; mais concrètement sur les entreprises mondiales là encore, qu’est-ce qu’un Président de la République français peut faire sur le salaire des patrons du CAC 40 ?
François HOLLANDE
Alors d’abord pour les entreprises publiques, nous avons pris un engagement : il y aura un rapport de 1 à 20…
Christophe JAKUBYSZYN
Entre le salaire le plus bas et le salaire le plus élevé…
François HOLLANDE
EDF notamment, SNCF, d’autres entreprises ; pour ce qui concerne les entreprises privées, moi j’ai une proposition qui est dire : il faut mettre les salariés, leurs représentants, donc les organisations syndicales, dans le comité de rémunération des dirigeants ; et vous verrez, quand les dirigeants seront obligés de proposer leur rémunération devant des représentants des salariés, ils seront sans doute un peu plus prudents avant de demander 36% d’augmentation parce que quand ils reviendront devant leurs salariés et qu’ils se seraient augmentés de 36%, ça serait difficile de ne pas augmenter à ce moment-là les salaires les plus bas.
Olivier MAZEROLLE
Puisque vous êtes pour la concertation au sein des entreprises, est-ce que vous seriez favorable à ce que comme en Allemagne par exemple, les salariés soient représentés dans les conseils d’administration avec droit de vote ?
François HOLLANDE
Oui. J’ai pris aussi cet engagement. Je considère que dans les entreprises de plus de mille salariés, ce serait tout à fait excellent pour le dialogue social mais aussi pour l’intérêt de l’entreprise que les représentants des salariés puissent siéger au conseil d’administration avec voix délibératives.
Christophe JAKUBYSZYN
Alors encore une question qui intéresse tous les Français, c’est le fameux nouvel impôt sur le revenu ; vous êtes revenu tout à l’heure dessus ; vous avez donné des explications, vous avez clarifié les choses. En gros, si je résume, vous dites si j’ai bien compris parce que c’est très compliqué : il y aura peut-être, au terme de votre quinquennat un prélèvement à la source de la CSG comme c’est le cas aujourd’hui sur le fiche de paie et de l’impôt sur le revenu ; le premier taux de l’impôt sur le revenu, sera la CSG et le taux complémentaire, ce sera l’impôt sur le revenu ; c’est ça ?
François HOLLANDE
Oui c’est le premier étage mais faut-il encore rapprocher les bases et, je vous l’ai dit, il y a cette difficulté qu’il nous faudra régler, c’est que la CSG est un impôt individuel, un prélèvement individuel et l’impôt sur le revenu est un impôt familial et doit rester un impôt familial.
Christophe JAKUBYSZYN
Donc vous ne pouvez pas vous engager sur votre quinquennat vis-à-vis des Français sur le fait que vous fassiez ou pas cette réforme ?
François HOLLANDE
Si, si, elle sera fera mais elle se fera tout au long du quinquennat, le terme c’est d’avoir cette fusion.
Olivier MAZEROLLE
Avec le prélèvement à la source ?
François HOLLANDE
Si nous pouvons le faire, mais ce n’est pas la question essentielle, le prélèvement à la source. C’est vrai que c’est un facteur de simplification mais aussi ça peut avoir un inconvénient et j’entends ce que disent un certain nombre de représentants des salariés parce que ça veut dire que l’employeur connaît l’ensemble de vos revenus.
Olivier MAZEROLLE
Toute dernière question qui est dans l’actualité : j’ai vu aujourd’hui que la police avait ouvert une enquête parce que vous auriez reçu des menaces de mort.
François HOLLANDE
Oui, je n’en sais pas davantage ; il semble qu’il y ait eu effectivement une menace – c’est la police qui fait son enquête – mais vous savez, ce n’est pas la première fois : je ne vais rien changer. Je suis bien sûr protégé comme je dois l’être mais je veux faire cette campagne en rencontrant les Français. Je sais qu’il y a forcément des risques, pas des risques forcément graves, vous savez j’ai reçu un certain nombre de produits…
Olivier MAZEROLLE
De la farine…
François HOLLANDE
Mais je l’accepte… enfin je n’accepte pas d’être ainsi agressé mais je veux aller vers les Français donc je ne me laisserai intimider par rien.
Olivier MAZEROLLE
Merci François HOLLANDE d’avoir été avec nous ce soir.
François HOLLANDE
Merci. 19 :56 :59 FIN