Paul et Claire vivaient humblement
De leurs petits appointements.
Un jour, pour économiser davantage,
Ils renvoyèrent la femme de ménage.
Pour se changer les idées,
Pour se promener,
Paul qui pourtant montait très mal
Loua un cheval.
Il s’enleva sur un des étriers,
Retomba lourdement sur son destrier.
Le cheval se mit à ruer
Paul tenta de le calmer.
-Tout beau, tout beau, allons !
Paul reprit son aplomb
Et partit au trot,
Exagérant les ressauts.
Puis, effrayé par des clameurs,
Le cheval se mit à galoper.
Paul s’efforçait de l’arrêter.
Saisi encore d’une plus grande ardeur,
Le cheval fonçait de plus belle.
Le cavalier s’accrochait à la selle.
À cet instant,
Une vieille femme traversa.
Le poitrail du cheval la renversa.
Culbutant,
La femme roula à six pas.
Aussitôt un attroupement se forma
Autour de Paul
Qui vint relever la vieille du sol :
-Accompagnez cette femme à la pharmacie.
Moi, je vais déposer à la gendarmerie.
À l’officine, la vieille reprit connaissance
Mais dit souffrir de la panse.
C’était une femme de ménage
Dénommée Simone Lepage.
Paul lui promit de subvenir aux frais des soins.
La femme, affaissée dans un coin,
Geignait.
Un médecin l’examinait.
Si une hospitalisation
Ne s’imposait pas,
Il l’envoya néanmoins dans un sana
Par précaution.
La femme de Paul, Claire
Lui rendit visite.
Elle avait le teint clair
Et l’œil limpide.
Pourtant elle se plaignait.
Un jour, Claire lui apporta
Un bouillon gras.
Elle le mangea de bon appétit
Mais elle dit :
-Je n’peux pu r’muer.
Claire demanda l’infirmier :
-Qu’est-ce que vous voulez,
Elle hurle quand je veux la soulever.
Je ne suis pas dedans ;
Je n’ai pas le droit
De supposer qu’elle ment.
Simone écoutait, l’œil sournois.
Après une cinquantaine de jours,
Portant encore des vêtements de deuil,
Elle ne quittait toujours pas son fauteuil
Comme si c’eut été le repos bien gagné
Par ses quarante ans d’escaliers montés,
De matelas retournés,
De charbon porté,
De coups de balai.
Elle semblait accoutumée à l’immobilité
Cependant elle mangeait quatre fois par jour,
Engraissait,
Sans cesse causait.
Pau venait la voir chaque semaine.
Il la trouvait tranquille et sereine.
Mais elle continuait de déclarer :
-Je n’peux pu r’muer.
Le médecin
L’examinait,
Tâtait,
Palpait.
Elle, le guettait
D’un œil malin.
-Il faut la faire marcher
-Je n’peux pu,
Je n’peux pu !
Alors il la souleva
Mais elle lui échappa
Et s’écroula sur le plancher
En poussant un épouvantable aïe !
Le docteur lui fit un arrêt de travail.
Quand Paul rapporta cette nouvelle à Claire,
Prise de pitié, elle lança en l’air :
-Ce serait gentil de la prendre ici.
Il bondit :
-Ici, chez nous, y penses-tu ?
Elle répondit :
-Ce n’est pas ma faute, que veux-tu… !
Simon des STAINS-ANMEL
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Il vaut mieux se fier à un cheval sans bride qu’à un discours sans ordre.
Théophraste
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------