Une des choses qui frappent le prince André Bolkonski lors de sa première campagne contre Napoléon, c'est l'attitude de Bagration, qui commande l'armée russe à la bataille de Schoengraben. Bagration ne maîtrise pas le cours des choses, mais il fait semblant.
Chaque opération que vient lui signaler un courrier, chaque manœuvre sur une des ailes, Bagration simule que c'est lui qui l'a résolu, que tout est conforme à ses plans, qu'il se passe exactement ce qu'il avait prévu et décidé.
C'est la première ébauche d'une idée que Tolstoï exposera plus tard, notamment pour diminuer le mérite de Napoléon. Ce ne sont pas les généraux qui gagnent les guerres, ce sont les soldats. Aucun stratège, si fin soit-il, ne peut décider de l'issue d'une bataille, quels que soient ses plans. Ce qui rend un camp vainqueur, c'est le moral des troupes.
Ainsi, Napoléon gagne parce qu'il est encore servi par le nationalisme issu de la Révolution française, qui pousse les Français vers l'avant. Il gagne aussi parce qu'on le croit invincible. La victoire changera de camp lorsque les Russes se seront forgé un nouveau moral, une nouvelle identité, lorsque le souffle de la Révolution sera tari dans le camp français et que des défaites auront montré que l'aigle est faillible.
http://www.piterge.ru/img/figures/bagration/bagration.jpg