J’aurais voulu, j’aurais dû écrire sur ces films. Peut-être ne me suis-je pas senti obligé de le faire car finalement, je m’attendais à aimer ces films. Ils font partie de ces longs-métrages dont l’on se doute fortement en s’asseyant dans la salle qu’ils vont nous parler, nous toucher. J’avais trop aimé les films précédents des cinéastes responsables des films cités dans ce premier paragraphe. C’était presque une évidence. Et puis il y a d’autres films. Les inattendus. Ceux qui non seulement sont signés par d’illustres inconnus, mais qui en plus, comme ça, à vue de nez, ne semblent pas en mesure de nous remuer plus que de raison. Alors que pourtant si, contre toute attente, lorsque la lumière se rallume, on se relève doucement de son fauteuil, le regard encore un peu dans le vide, on se traîne vers la sortie, sans se presser, en laissant les sensations se calmer, et les idées se mettre en place. Les films dont on n’attend pas grand-chose et qui marquent immédiatement.
A l’heure où j’écris ces lignes, il est 1 heure du matin, plus vraiment un samedi soir, pas encore un dimanche matin, et il y a quelques heures, j’ai vu un tel film. Pas besoin d’entretenir le suspense pendant des paragraphes, ce film inattendu, c’est Chronicle. Non que je n’attendais rien du premier film de Josh Trank, mais j’étais loin d’en attendre autant. J’étais loin d’attendre de telles sensations, et une telle ambition dans un film que je voyais plutôt comme un divertissement du samedi après-midi. C’est amusant car la veille au soir, j’avais vu un autre film prenant le parti d’être filmé en caméra subjective, The Devil Inside, et celui-ci était sans nul doute, dans le jargon technique très pointu des amateurs de salles obscures (excusez-moi pour le langage scientifique que je vais employer), une bouse. Une bouse molle et n’allant littéralement nulle part. Mais Chronicle n’est pas The Devil Inside.
Il y a un problème dans Chronicle. Ces trois visages sont globalement les trois actes du film, et il est évident que Josh Trank a eu du mal à lier le second et le troisième acte. Il y a un moment de flottement en début de troisième acte, un moment où le réalisateur va trop vite, ne contrôle pas assez le rythme de son intrigue. Mais c’est presque superficiel. Je n’écris pas ce billet pour pinailler sur quinze minutes d’un film qui m’a autrement tant parlé. J’écris ce billet parce qu’il y a dans Chronicle quelque chose que je ne m’attendais pas à trouver. Une volonté incroyable de propulser le spectateur au cœur du récit. Une capacité à s’emparer de cette caméra subjective et de l’utiliser pour bouleverser complètement les sensations que l’on peut éprouver face à un film de super héros. Car c’est bien cela qu’est Chronicle. Plus qu’un gimmick, c’est une peinture du mythe du super héros qui se trouve propulsé par l’habileté de son réalisateur à le renouveler par la forme.
Si jusqu’ici c’était essentiellement le genre horrifique qui s’était emparé du récit en caméra subjective, c’est parce que celle-ci accentue le réalisme, et donc les sensations. Ce que parvient à faire Josh Trank, c’est d’appliquer cet art de la sensation au film de super-héros. A ce titre la séquence qui voit s’envoler les lycéens partant tester leurs supers pouvoirs dans les cieux est un bijou, décuplant tout type de sensation ayant déjà été ressenti face à un film de super héros. Oubliés les vols d’Iron Man, Spiderman et consorts. Josh Trank sculpte le super-héros du quotidien, l’observant à l’œil documentaire dans sa famille, dans les couloirs de son lycée, à la fête de ses potes, puis dans ses exploits surhumains.
Je suis sorti de Chronicle en me disant qu’un film comme The Avengers, dans quelques semaines, présenté comme le film de super-héros ultime, me semblera bien fade face à ce petit film qui a su réinventer le genre en parvenant à faire coïncider une forme et un regard moderne. Je n’ai pas eu besoin d’attendre The Avengers pour voir le film de super-héros ultime. Chronicle l’est.