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Fin du secret bancaire : bientôt ce sera le tour des Suisses

Publié le 05 mars 2012 par Francisrichard @francisrichard

Parlement-suisse.jpgAujourd'hui le Parlement s'est incliné devant le plus fort, les Etats-Unis, dont on sait, depuis Jean de La Fontaine au moins, que sa loi est toujours la meilleure, sinon la plus morale.

En effet le Conseil national, après le Conseil des Etats, a accepté les termes de l'accord de double-imposition imposé par l'adversaire américain sous prétexte de mieux négocier avec lui.

Il sera plus facile dorénavant aux autorités américaines, qui sont aux abois, faute de cash, de se procurer des informations sur les clients américains des banques suisses, sans qu'il soit besoin pour elles de les identifier par leur nom ou adresse, dans le cas où les dites banques, ou leurs collaborateurs, se seraient livrés à des activités illégales. Ce sera un bon moyen surtout de ternir la réputation des banques suisses...

Cet accord a été voté ce jour au Conseil national [dont la photo provient d'ici] par 110 voix contre 56, essentiellement des UDC, hélas, et 14 abstentions. Il ne sera appliqué, assurent les parlementaires et le Conseil fédéral, que si les autorités américaines acceptent de conclure un accord sur les onze banques suisses qui sont dans leur collimateur ici. Il serait pourtant naïf de croire que Washington abandonnera ces proies pour des ombres. 

L'autre jour, dans le 19:30 de RTS1, Myret Zaki, rédactrice en chef adjointe du magazine Bilan, a dit tout haut ce que beaucoup en Suisse pensent trop bas : la fin du secret bancaire pour les clients américains est la défaite helvétique par excellence dans la guerre commerciale que mènent les Etats-Unis contre la Suisse pour lui ravir la première place dans la gestion de fortunes.

Il n'y a rien de moral dans ce bras de fer entre la petite Suisse et le géant américain, qui privilégie ses intérêts au détriment de ses idéaux de libertés individuelles. Sa main gauche ignore ce que fait sa main droite. Ne lui parlez pas du Delaware ou du Wyoming, ce n'est évidemment pas le sujet. Sa devise hypocrite est plus que jamais : "Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais".

Ce qui, en effet, s'est joué aujourd'hui au Parlement est le commencement de la fin du secret bancaire. Il faut être juste. Le secret bancaire a signé son arrêt de mort lente il y a trois ans déjà quand le Conseil fédéral, pour sauver les intérêts économiques de la plus grande banque du pays, l'UBS, a choisi de s'asseoir sur le droit de tout homme à la défense de sa sphère privée, dont le secret bancaire fait partie.

Par glissements successifs les autorités suisses ont accepté de ne plus faire de distinction entre fraude et soustraction fiscales, d'autoriser la livraison par milliers de clients de banques suisses en trahissant la confiance qu'ils avaient placé en elles, d'adopter le modèle liberticide d'accord de double-imposition concocté par l'OCDE, dont la Suisse est certainement membre pour mieux se faire poignarder par elle. Car, c'est bien connu, on n'est jamais trahi que par les siens.

L'UE attendait en embuscade l'opportunité de revenir à la charge. Elle vient de lui être donnée par la reculade face aux Etats-Unis. Le commissaire européen à la Fiscalité et à l'Union douanière, à l'Audit et à l'Anti-fraude [sic], le lithuanien Algirdas Semeta, a déconseillé aujourd'hui aux Etats membres de l'UE de conclure des accords séparés avec la Suisse et déclaré que l'Angleterre et l'Allemagne étaient prêtes à revenir sur leurs accords, prévoyant des impôts à la source libératoires, signés avec la Suisse mais non encore ratifiés.

Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas supprimer le secret bancaire en Suisse même ? On évoquera l'égalité de traitement avec les Américains et les Européens pour justifier sa supression, ce qui ravira les Chefs cantonaux des finances. En application de l'article 47 de la Loi sur les banques, punir la violation du secret bancaire d'une peine privative de liberté, pouvant aller jusqu'à trois ans de prison, ou d'une peine pécuniaire, apparaîtra bientôt comme exorbitant quand trahir ce secret deviendra une obligation pour ce qui concerne des clients étrangers non résidents.

Voilà comment pourrait bien être porté une lourde atteinte à la sphère privée dans un pays comme la Suisse qui se prétend toujours son plus ardent défenseur. Encore faudra-t-il au préalable convaincre le peuple suisse d'y renoncer de lui-même. A moins que le Parlement ne l'empêche de s'exprimer sur un objet qui contreviendrait aux conventions internationales adoptées entre-temps...

Francis Richard  


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