Il y a quelques jours, je lisais le très bon blog de Basile Segalen et plus particulièrement son post “qu’est ce qui est encore original ?” inspiré de l’un de ses tweets et de cette photo.
Dans une gentille et amusante raillerie, Basile notait cette tendance à écrire des phrases en majuscules pleines de généralités et de clichés.
Ces mêmes phrases qui vous font rêvasser et penser à une vie meilleure, un peu comme un épisode de Dawson (que mon plus jeune lectorat me pardonne de la référence).
Si l’exercice ne me semble pas nouveau (la popularité de la typo Ben ou même les citations de nos bons vieux skyblog nous le démontrent), il faut reconnaitre qu’Instagram mais surtout Pinterest et Tumblr font la part belle à ce type de contenu.
Un contenu simple à partager et donc à viraliser tant par son format que par le fait que tout le monde se reconnait dans ces généralités. Alors comme Basile, je lis ces phrases avec un sourire aux lèvres et une pointe de moquerie…
Et pourtant…
Pourtant je ne rigole pas mais j’applaudis bien des deux mains quand l’industrie publicitaire (en particulier aux US) nous gratifie d’un de ces spots dont elle a le secret. Ces pubs qui vous prennent aux tripes ou au cœur par une belle invitation au dépassement de soi (Whrite the future/NIKE), à une pensée différente (Think Different/APPLE), à trouver la force en vous (Win Within/GATORADE), à aller de l’avant (Go Forth/LEVIS), à construire votre monde dans le jeu (The world is in Play/PLAYSTATION) à profiter de la vie sans se poser de question (Be Stupid/DIESEL) ou encore à suivre notre chemin/mission (This is what we do/CHRYSLER).
La liste est longue et je peux en citer une flopée.
Vous allez me dire que je compare ce qui est incomparable. Pourtant, bon nombre de ces spots reposent tout de même sur de belles généralités. Des clichés facilement acceptables par tous et mis en scène par des images caricaturales dans l’idée.
En période électorale, je ne vous fais pas un dessin. Mais de la même manière que tous les candidats se disent pour le travail, nous sommes (et les marques aussi) à peu près tous enclins à nous dire qu’il faut profiter de la vie ou trouver les ressources intérieures pour progresser ! Après tout, on nous berce à ces discours depuis l’enfance.
Bon, il s’agit tout de même de distinguer certaines créations (comme de Levi’s ou Chrysler) qui reposent sur des rédac extrêmement élaborées et fortes de messages en résonnance avec des contextes particuliers que ces marques ont su habilement appréhender. Mais pour Nike, pour Gatorade et pour beaucoup d’autres… Cela fait un moment qu’on nous sert la même soupe et que l’on en redemande…
Qu’est-ce qui fait que soudain, lorsque les marques emploient de telles vérités générales, elles se chargent de sens alors que lorsque je les découvre au travers d’une recherche icono, elles me semblent ridicules ?
Il y a peu sortait une étude expliquant qu’indiquer la source à la fin des articles de blog permet de crédibiliser son auteur. Ainsi une bonne source aura des externalités positives sur le crédit apporté aux propos de celui qui a rédigé l’article. Il semble qu’il en va de même pour les marques et leur discours.
Au delà des propos tenus, au delà de leur mise en scène esthétique, ils sont eux-même garant et porteur de sens. Plus que le message, c’est la marque qui détient et porte le sens du spot. Elle donne toute sa puissance et sa valeur à son discours, le rendant ainsi crédible et intéressant.
Il s’agit alors de bien penser sa marque et de savoir sur quels territoires elle est légitime et porteuse de sens… Il m’est venue une réflexion sur les banques françaises.
Depuis 2 ans, elles ont toutes procédé à un lifting de leur communication, s’octroyant de belles valeurs universelles : le bon sens par ici, l’esprit d’équipe par là et la franchise par là bas…
Vous allez objecter que les secteurs automobiles, sportif ou “fashion” sont incomparables avec le secteur bancaire. Et vous aurez raison.
Vous objecterez également que le manque de souffle des pubs de banque face aux hypers productions de Nike ou de Apple accentue une comparaison tout à fait déloyale…
OK.
Mais pour autant, n’y a-t-il pas un enseignement à tirer ? Doit-on simplement accepter que le manque total de crédibilité et d’incentive (en anglais dans le texte) est uniquement conditionné par le contexte d’un secteur ?
Je ne crois pas. Peut-être peut-on tout simplement objecter une erreur de territoire !
Les banques françaises, dans un exercice de revalorisation, ne se sont-elles pas éloignées des valeurs avec lesquelles elles font sens ?
Elles semblent avoir oubliées que ce n’est pas leur déclaration qui font foi mais ce qu’elles représentent aux yeux des français. On ne leur reprochera pas d’avoir souhaité injecter du fond au discours mais bien de ne pas avoir choisi les valeurs en adéquation avec leur cœur de métier. Étrange qu’aucune d’entre elles n’aient intégré dans sa signature la dimension économique, base de son métier et de son savoir faire et véritable item palpable pour les gens : le secteur bancaire, acteur de l’économie réelle.
Prendre de la hauteur.
Le secteur bancaire n’en reste pas moins qu’un simple exemple. L’idée ici étant d’appuyer une interrogation réelle sur le sens du discours de marque. La banalité ou la véracité du propos ne tient pas uniquement en sa représentation esthétique ou dans son originalité (Levi’s n’invente pas mais reprend un poème de Bukowski).
Le sens provient de l’émetteur et des représentations psychologiques qui l’accompagne. Il dépend également du contexte économique et sociale qui entoure la marque qui, dans le meilleure des cas, réussira à mettre en cohérence son discours et le contexte sociétal.
Une réflexion de fond pour les publicitaires qui doivent en amont anticiper les messages que devront émettre les marques. De la banalité à la créativité, il n’y a en fait qu’un pas qu’il est parfois difficile de cerner. Un message banal peut prendre sens à condition d’appréhender correctement l’émetteur, le média, le contexte… et le récepteur.
Pour finir, laissez-moi, à mon tour, me prêter à l’exercice, non sans humour, de la citation (Mark Pollard qui me semble avoir du sens en planning stratégique).