Poème lancé du haut de la Tour Eiffel

Publié le 05 mars 2012 par Didier Vincent

  Comme les mots. Trouvent-ils un lecteur un jour,  jetés comme ça, en pâture au vent ? Le hasard décide, souvent. Ce destinataire que tout auteur suppose, ces écrits qui ne sont destinés à personne d'autre qu'un quelconque passant et sa brève lecture, flâneur de livres au gré des rues. Ce petit bout de papier avec un poème, bercé par cette chanson de Brel au-dessus de la Seine indifférente, feuille volante. Rien ne reste d'autre que ce fragile voyage à l'incertaine trajectoire dans le vide des possibles. Nous le suivons des yeux, ce petit bout de papier, ce petit messager, indifférent au monde, tutoyant la grande tour en ses circonvolutions aveugles. Nous le suivons du cœur aussi, ce message, quoiqu'il contienne, quoiqu'il secrète doucement entre ses mots de tendresse ou de peur, d'ombre ou de lumière. Mais sans doute seul ce vol aléatoire compte-t-il, à nos yeux, et de l'avoir lancé au-dessus d'un Paris gris et banal. Comme la poésie. Elle n'est faite pour personne car elle est un voyage, celui qui, par dessus la musique des mots, esquisse un appel singulier au regard, à l'oreille ; une attention différente et curieuse, comme ici, à suivre ce vol qui nous émeut par son essentielle fragilité. La nôtre.

Do not look at the sun. revue de poésie.