Jeune diplômée, vous avez enfin décroché le poste tant convoité et vous ne comptez pas vous arrêter là. Mais, malgré votre ambition, vous pourriez bien vous retrouver confrontée au “plafond de verre”, les freins à la progression des femmes dans les entreprises étant encore nombreux. Comment, à votre échelle, faire lever les verrous ? Programme en 4 étapes.
“Les filles ont plus tendance que les garçons à s’autocensurer et à subir les situations, ce qui les empêche souvent de progresser dans l’entreprise.” Pour Sandra Minault, fondatrice de L-management (conseil et coaching en développement professionnel) et conférencière sur la mixité à l’ESCEM, les femmes qui réussissent à décrocher des postes de très haut niveau sont encore trop rares. Pourquoi ? “La faute à l’éducation, à l’école, à la société, à l’entreprise qui continuent de véhiculer des clichés très forts sur les différences entre les filles et les garçons. Aux garçons on dit souvent : ‘Sois fort’, aux filles : ‘Sois gentille’…”
Première étape : maîtriser rapidement les codes de la progression
Quelle que soit la filière d’études, les étudiantes ne semblent pas toutes conscientes des freins, liés à leur genre, qu’elles risquent de rencontrer dans l’entreprise. “À l’école, les filles sont le plus souvent traitées à égalité avec les garçons”, relève Isabelle Germain, journaliste et fondatrice du site LesNouvellesNews, qui traite l’information en veillant à respecter la parité homme/femme. “La plupart estiment donc que l’égalité hommes/femmes est acquise, et que le féminisme est ringard. Du coup, beaucoup perdent du temps : c’est vers la trentaine qu’elles vont se rendre compte qu’il y a peut-être un problème, et pendant ce temps, les garçons auront progressé dans l’entreprise.”
Autre problème soulevé par Sandra Minault : les jeunes diplômées ne maîtriseraient pas bien les codes de la progression dans l’entreprise : “L’entreprise a été conçue par des hommes, pour les hommes. Les filles pensent trop souvent que cela fonctionne comme à l’école : si on travaille bien, on aura une bonne note (ou une augmentation). Or c’est faux : un manager donne rarement une promotion à quelqu’un qui ne lui demande pas ! Et les jeunes diplômées doivent comprendre que les compétences ne font que 30 % de la réussite professionnelle. Le reste est affaire de réseaux et de capacité à faire savoir ce qu’on sait faire.”
Deuxième étape : se rendre visible et prendre la parole en interne
Pour Isabelle Germain, “les femmes sont trop souvent en retrait dans l’entreprise”. Par peur du ridicule, ou par manque d’audace, elles n’osent pas toujours prendre la parole, par exemple. Or pour gravir les échelons, il faut se faire connaître, et donc se faire entendre !
Comment ? “Il faut choisir des dossiers ou des missions qui vont vous rendre visibles – une habitude qui peut s’acquérir dès les études. Il faut aussi vous forcer à prendre la parole dans toutes les réunions, donner votre avis… Même si on n’a pas grand-chose à dire, on peut reformuler ce qui a été dit : les hommes n’hésitent pas à le faire, eux ! Il ne faut pas hésiter à parler fort, en prenant son temps, en ménageant des silences. Et ne pas avoir peur de dire je, plutôt que nous”. Bref, il faut “prendre” la parole, littéralement.
Pour aider les femmes qu’elle suit en formation, Isabelle Germain n’hésite pas à les filmer pendant leur prise de parole. “C’est une technique qui relève de la thérapie comportementale : quand elles se voient parler à l’écran avec assurance, elles se rendent compte qu’elles ne sont pas ridicules et se sentent plus sûres d’elles.”
Pour se rendre visible dans l’entreprise, il faut aussi, de temps en temps, lever le nez de son travail… “Prendre le temps de dire ‘bonjour’ à tout le monde en arrivant le matin plutôt que de foncer directement à son bureau, faire des pauses à la machine à café pour discuter avec les collègues… Tout cela permet aussi d’être au courant de ce qui se dit dans l’entreprise, de savoir que tel ou tel poste va se libérer, etc.”
Sandra Minault conseille enfin de prendre cette habitude : “Il faut se dire qu’un dossier, une mission, ne sont jamais bouclés tant qu’on n’a pas fait savoir qu’ils l’étaient. Comment ? Par exemple en le signalant en réunion ou en envoyant un petit mail à son chef.” Facile et efficace.
Troisième étape : réseauter en externe
Se faire connaître dans son entreprise, c’est bien. Mais exister plus largement dans son milieu professionnel, c’est encore mieux ! Pour y arriver, rien de mieux que les réseaux et les associations.
“Il faut se demander régulièrement : ‘Qui je connais. Qui me connaît ?’ conseille Sandra Minault. Il faut prendre le temps de faire des déjeuners régulièrement pour renforcer les liens avec des contacts professionnels hors de l’entreprise, adhérer à des associations professionnelles, y prendre des responsabilités, participer à des colloques ou à des conférences et oser y prendre la parole.”
Faut-il privilégier les réseaux féminins, de plus en plus nombreux, comme Financielles, Dirigeantes, CercleInterElles ? “Le principal intérêt d’un réseau féminin, c’est de permettre l’échange sur les retours d’expériences des unes et des autres, explique Sandra Minault, qui a elle-même fondé le Club Women in Business, à l’ESCEM. On y trouve une entraide, une écoute, un effet miroir très revitalisant. Mais il est aussi important de participer à des réseaux et à des associations mixtes.”
Autre façon de réseauter à laquelle on ne pense pas toujours : la formation continue, parfois considérée, à tort, comme une perte de temps. C’est une bonne occasion de rencontrer d’autres professionnels hors de la sphère de son entreprise. Il ne faut donc pas hésiter à profiter de son DIF (droit individuel à la formation) pour se former, et prendre le temps de participer aux formations proposées par l’entreprise.
Quatrième étape : adapter son comportement, sans perdre sa personnalité
Il n’est pas facile pour une femme qui veut progresser dans l’entreprise de trouver le bon positionnement, reconnaît Isabelle Germain. Il tient sur une ligne de crête : il ne faut pas en faire trop, et singer les hommes, ou pas assez, et rester invisible faute de confiance en soi.”
L’assurance et la confiance en soi sont en effet des qualités indispensables pour faire carrière. Or face à l’adversité, certaines jeunes femmes vont avoir tendance à se dévaloriser. Pour aider les femmes qu’elle coache, Sandra Minault leur fait cette préconisation : “Face à une situation difficile, il faut toujours prendre appui sur ce qu’on a réussi et ne pas rester centrée sur ce qu’on a raté.”
Adapter son comportement ne veut pas dire pour autant qu’il faut laisser sa personnalité au vestiaire. Exemple avec la question très sensible de l’autorité : “Dans l’imaginaire de l’entreprise, le manager doit savoir faire preuve d’autorité et d’assurance ; mais l’autorité d’une femme est souvent mal perçue, constate Isabelle Germain. D’un homme qui pique une colère on dira qu’il fait preuve d’autorité, d’une femme on dira qu’elle ne maîtrise pas ses nerfs. Il faut donc trouver une façon d’exprimer son désaccord sans crier.” Formuler la raison de son courroux sans s’époumoner.
“Il ne faut pas mélanger affirmation et manque de rondeur, ajoute Sandra Minault. On peut s’affirmer sans être autoritaire, on peut se faire respecter sans crier. Je reçois parfois des femmes qui ont de très beaux postes dans l’entreprise, mais qui ont l’impression d’avoir dû pour cela se transformer en une personne qu’elles n’étaient pas, note la coach. Même pour les plus expérimentées, c’est souvent un soulagement de s’entendre dire qu’il est possible d’adapter son comportement aux exigences d’un poste de manager sans y laisser sa personnalité.” Un conseil qui vaut d’ailleurs aussi pour les hommes !
Savoir demander son dûÀ fonction et qualification égales, une femme gagne en moyenne 10 % de moins qu’un homme. Et plus on grimpe dans la hiérarchie de l’entreprise, plus cette inégalité est grande.
Dans l’entreprise, les femmes ont encore trop souvent du mal à parler salaire. Elles n’osent pas demander une augmentation, ont peur qu’on la leur refuse. Pour Sandra Minault, c’est une erreur : “C’est normal de demander une augmentation chaque année si on considère s’être bien investie dans son travail ! Il faut se dire qu’on le mérite, et qu’on n’aura rien si on ne demande pas. Au pire on reçoit une réponse négative.”Sandrine Chesnel
Mars 2012
Source l’Etudiant – Voir l’article sur le site de l’Etudiant