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Philippa GREGORY - L'héritage Boleyn : 9-/10

Par Eden2010
Philippa GREGORY - L'héritage Boleyn : 9-/10

Philippa GREGORY – L’héritage Boleyn : 9-/10

Une belle « suite » du roman « Deux sœurs pour un roi » (voir mon commentaire enthousiaste :http://edenlalu.centerblog.net/250-philippa-gregory-deux-soeurs-pour-un-roi).

Ce deuxième roman retraçant la vie à la cour d’Henri VIII n’atteint pas le niveau du premier roman - qui est presque parfait grâce notamment à cette rivalité entre les sœurs Boleyn et les liens de famille souvent ambigus - mais « L’héritage Boleyn » se lit d’une traite et reste passionnant jusqu’à la dernière page !

On frissonne avec les reines, on baisse la tête en présence du roi, en fronce le nez en humant les odeurs nauséabondes montant de sa jambe et nous tremblons en pensant que ce roi-là avait une puissance telle qu’il pouvait imposer aux hommes et femmes la façon de se brosser les dents.

L’intrigue :

Nous retrouvons donc la cour d’Henri VIII, quatre ans après l’avoir quitté lors de la décapitation d’Anne Boleyn.

Henri VIII n’a plus rien du jeune prince séduisant, il est devenu gros, gras, sa jambe purulente empeste et derrière sa folie des grandeurs la démence le guette. Or, ce roi qui se croit désormais à l’égal de Dieu se perçoit toujours comme ce un jeune homme séduisant et nul n’ose le détromper comme nul n’ose le contredire sur la moindre petite chose, de peur de monter le lendemain les marches de l’échafaud.

En 1539, afin de s’assurer d’un allié puissant, Henri VIII épouse Anne de Clèves, une jeune femme de vingt-quatre ans qui ne parle pas Anglais, une jeune femme éduquée mais sans grâce, élevée de façon très stricte et sobre par son frère Guillaume. Anne est ravie de quitter sa patrie et sa famille et d’échapper à une prison, même si cela signifie entrer dans une autre cellule, elle sera toujours plus vaste.

Elle part donc fermement décidée d’être une bonne épouse, une bonne mère et une bonne reine, peu importe ce qui arrivera.

Or, un faux-pas involontaire la mettra en péril dès sa première rencontre avec le roi  : Henri VIII, qui adore se déguiser et se masquer, s’approche de la jeune femme qui ne le connaît pas encore lors de festivités et l’embrasse goulument sur la bouche. Anne, choquée qu’un ivrogne gras et puant ose la toucher de la sorte, le repousse … et Henri ne le lui pardonnera pas.

Pourtant, Anne fera tout pour lui plaire, oubliant son odeur, son caractère, son âge, s’efforçant de lui plaire dans toutes les situations avec un sourire à peine feint.

Mais Henri VIII n’a déjà plus d’yeux que pour une jeune fille de quatorze ans qui fait son entrée à la cour, Catherine Howard…

Catherine Howard, une des femmes d’atour de la reine, est écervelée, naïve et ne pense pas plus loin qu’au prochain bal et la belle robe qu’elle espère porter. C’est une fille un peu bête et totalement inconsciente des jeux politiques qui l’entourent. Son oncle, le terrible Duc de Norfolk, la poussera alors dans les bras du roi …

Dans les coulisses de ce jeu politique, Jane Boleyn, la veuve de George Boleyn qui a péri aux côtés d’Anne, observe et manœuvre en accord avec le Duc de Norfolk.

Nous retrouvons donc le même décor, les mêmes intrigues, mais d’autres protagonistes

La particularité de ce « deuxième volume », c’est le point de vue du lecteur : nous suivons le récit tour à tour à travers les yeux de trois femmes : Anne de Clèves, Catherine Howard et Jane Boleyn.

Cela permet d’avoir un œil sur tout et l’auteur parvient à se glisser dans la peau de chacune d’entre elles pour nous donner un regard d’ensemble ce qui nous permet de nous faire notre propre idée, sans jugement.

Ce que j’ai trouvé particulièrement réussi, c’est que Philippa Gregory adopte non seulement le point de vue de chacune de ces femmes mais s’efforce d’entrer dans leurs pensées et de s’adapter à leur façon d’être, l’une étrangère qui imagine apporter la moralité à la maisonnée, l’autre naïve et enfantine et la dernière qui se cache toute une partie de la vérité, peut-être pour ne pas sombrer dans la folie elle-même. Cela est d’autant plus intéressant que nous ne savons pas ce qui s’est véritablement passé ; l’auteur nous propose ici une image crédible sans nous imposer un parti pris pour l’une des reines.

Bien que les traits de chacune soient poussés, parfois à l’extrème, cela permet de se faire une idée globale crédible.

Ainsi nous voyons les efforts que fournit Anne de Clèves pour agréer le roi, pour être une bonne reine, ses difficultés de langue, ses problèmes d’adaptation à une culture bien plus légère que celle qu’elle a connue, son intelligence que personne ne perçoit en raison de la barrière de la langue, ses incompréhensions devant un mari aussi distant, ses surprises face aux intrigues, et sa terreur grandissante lorsqu’elle comprend enfin le danger dans lequel elle se trouve – car l’histoire nous a montré à quel point les épouses d’Henri VIII étaient menacées …

Ensuite nous découvrons la cour à travers les yeux de la jeune et désinvolte Catherine Howard. C’est une fillette sans grand esprit dont l’éducation n’est pas bien poussée, mais que se trouve grâce à ses liens de famille dans le petit groupe des femmes d’atour d’Anne de Clèves. Lorsqu’elle attire le regard du roi elle ne pense qu’aux belles robes qu’elle pourrait porter, aux danses au cours desquelles elle pourrait briller, aux distractions qui la feront rire. Sa jeunesse et sa naïveté la placeront rapidement auprès du monarque, mais son esprit et son imagination limités la mettront à son tour en danger, sans qu’elle s’en aperçoive, et jusqu’au bout elle reste une petite fille gâtée qui ne voit rien de mal autour d’elle.

Enfin, nous nous glissons dans la peau de Jane Boleyn, que nous ne connaissons que trop bien après avoir lu « Deux sœurs pour un roi ». Cette femme intrigante et sournoise, qui espionne et trahit, comment a-t-elle pu vivre avec elle-même ? L’auteur a trouvé une bonne manière de la présenter : Jane Boleyn semble ne pas consciente de sa propre perfidie, elle justifie ses actes devant elle-même de façon crédible, au point que si on ne savait pas qui elle est, en la suivant, on pourrait presque lui faire confiance.

J’ai trouvé cela très adroit.

Par ailleurs, le point de vue de Jane Boleyn permettait également de faire le lien entre le passé et les épouses précédentes du roi avant de reprendre le fil de l’histoire de façon logique et cohérente.

Comme dans le précédent roman, les intrigues et amourettes se chevauchent et tout tournoie autour du roi, centre du monde ou presque.

Sauf que cette-fois ci le roi n’a plus rien d’agréable, il s’est transformé en monstre, physiquement et moralement.

Il est tout simplement repoussant et fou, il fait ce qu’il veut, change les lois au gré de ses humeurs, récompense un serviteur la veille de son exécution.

Un homme effrayant auquel personne n’ose s’opposer.

Ce roman, comme le précédent, est certainement plutôt « féminin ».

Mais je dois dire qu’en le lisant, j’ai senti les murs se refermer sur les reines, j’ai craint les pièges, les espions, j’ai eu peur d’entendre les soldats frapper à la porte, j’ai craint les humeurs du roi.

Bref, j’ai encore une fois adoré. A lire !!

Je précise qu’il n’est pas absolument nécessaire d’avoir lu précédemment « deux sœurs pour un roi », mais c’est certainement mieux.

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