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LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?Tourismecul...

Par Memoiredeurope @echternach
LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?
Tourismeculturel et culture touristique
Au moment de commencerun blog plus technique et en tout cas moins personnel que ceux dans lesquelsj’ai écrit jusqu’à maintenant, je pense bien entendu d’abord à l’exercicepratique auquel je me suis livré pendant pratiquement vingt-cinq ans. Avoir lachance de travailler comme expert de certains domaines et de certains secteursdu tourisme culturel, puis la chance d’avoir à regarder de près de multiplespropositions thématiques dans une cinquantaine de pays et enfin, de jouer unrôle d’intermédiaire entre ceux qui conçoivent et mettent en œuvre des projetset ceux qui décideront ou non de décerner un label, est extrêmement formateur.Cela permet principalement, sur un quart de siècle, de mesurer les continuités,les points de rupture et les moments clefs et donc d’échapper en grande partieaux effets de mode.
J’ai connu l’époque, àla fin des années 80 où pratiquement toutes les réunions portaient sur lagrande question : « Qu’est-ce exactement que le tourisme culturel ? ».Et ce n’est pas vraiment fini ! J’ai pris l’habitude, pour éviter derégler ce débat en quinze minutes, là où il faudrait le temps de l’écritured’une thèse, de reprendre une citation : "La culture est un phénomènetellement large et complexe qu'une définition claire du "tourismeculturel" en devient impossible et peut même s'avérer inutile."(Tomasz Studzieniecki).
Je peux reprendre sansles changer grandement les termes que j’employai en 2003 : « Le tourismeculturel est donc en passe de devenir, de ce fait, un des lieux privilégiés descontradictions de la société qui le met en œuvre et un des signes les plustangibles de sa "santé culturelle". Il reste certainement à écrireune "Allégorie du tourisme culturel", après "L'allégorie dupatrimoine" de Françoise Choay. »
L’Europe dans sonensemble, ou pour mieux dire, la « Destination Europe » dont parle denouveaula Commission européenne depuis2010 étant considérée comme une destination prisée pour l’importance destémoignages de son histoire et pour la diversité à la fois commune etdiversement identitaire de sonpatrimoine, une grande partie des futurs « posts » de ce blog porteront d’abordsur les cadres politiques et administratifs où se prennent les décisions surles programmes et les aides pour une des cibles identifiées dans l’ensemble destouristes, ceux dont le parcours et les visites sont reliés aux pratiquesculturelles, et je dirais aussi aux pratiques de protection environnementale etde durabilité. Je n’oublie pas dans cet ensemble le tourisme social.
Une autre sectionportera sur les propositions qui veulent faire découvrir l’Europe à partir de suggestionsprécises et réalisables. Le choix de ces exemples sera essentiellement fondésur l’originalité, sur les « lesser-knowndestinations » au sens anglophone de l’expression, sur les démarches quiproposent des rencontres inédites et leur donnent du sens, en faisant appel àl’imagination, mais aussi sur les outils qui aident la découverte.
Il sera donc moinsquestion de récits – la médiation et la narration seront présentées ailleurs –que de l’évolution des politiques touristiques en Europe, de la mutation desacteurs qui portent ces politiques, des publications qui permettent de seguider, voire de conseils pratiques qui pointent les bonnes pratiques, sansoublier l’examen des résultats des entreprises les plus concernées, ainsi queles commentaires sur les rendez-vous touristiques incontournables et sur lesnouveautés de la filière.
Si j’entreprendsseulement aujourd’hui cette démarche d’analyse théorique et pratique, en l’ouvrantaux plus grands nombre, c’est que je me sens libre d’exprimer maintenant despoints de vue personnels et de faire aussi la part des souvenirs. Mais cetravail de recherche d’actualité et de bilan rentre également dans lapréparation de cours ou d’interventions qui me sont demandées.
Travailler ainsi aujour le jour en suivant l’actualité, y compris en suivant mes amis sur dessites communautaires de mieux en mieux documentés, consiste dans une grandemesure à actualiser le plan d’un cours dont les grands chapitres s’intitulent :
-   QuelleEurope ? Quelles compétences ? Quel travail ? Quels programmes ? Car lesorganisations concernées sont nombreuses et ne partagent pas les mêmesconceptions territoriales et politiques.
-   Le Tourisme en Europe : des chiffres,des faits, des secteurs.
-   L’Europe et les autres : le tourismecomme outil géopolitique.
-   Le rôle spécifique de la Commission européenne.
-   Le rôle spécifique du Parlement européen.
-   Pourquoiet comment le tourisme culturel en Europe ? Ou encore l’Europe commelaboratoire du tourisme culturel.
-   Le rôle spécifique du Conseil de l’Europe.
DuLivre Vert de 1995 à la Communication sur le tourisme de 2010
J’ai eu la chance devivre de très près plusieurs moments clefs de l’histoire du tourisme européende ces vingt-cinq dernières années. Le premier dans lequel j’ai été impliqué aabouti à un rendez-vous manqué. Le dernier a permis enfin la mise en œuvre,voire même la mise en synergie, d’une série de programmes où se retrouvent, àl’initiative de la Commission européenne mise en place en 2009, les grandesinstitutions européennes.
TroisInstitutions travaillent ensemble
Je ne crois pas qu’ilsoit utile de s’appesantir sur le premier de ces épisodes, mais on peut sansdoute en tirer des leçons. Le Commissaire en charge du tourisme au milieu desannées 90, Christos Papoutsis, avait pris l’initiative très lucide de réfléchirsur la « Destination Europe », c’est-à-dire sur une politique communautaire dutourisme d’ordre supranational, au moins en ce qui concerne la communicationcommune, mais aussi dans la perspective des mesures d’impact, et dans celle d’incluredans cette réflexion le tourisme culturel. Lors de la conclusion du Traité deMaastricht, un alinéa supplémentaire avait finalement été introduit dansl’article 3 en ce qui concerne les mesures dansles domaines de l’énergie, de la protection civile et du tourisme.
Il s’agit précisémentde la rédaction du « Livre Vert sur le rôle de l’Union européenne dans lesecteur du Tourisme » (COM(95) 97 final, 14 avril 1995) et de la Proposition de la Commission pour unpremier programme multinational pour assister le tourisme européen nommé « Philoxenia» (1997/2000 COM (95), 168 final du 30 avril 1996).
Si le programme «Philoxenia » a bien commencé à se mettre en place, en bénéficiant par exempledes efforts de la parlementaireeuropéenne Helena Vaz da Silva et a même, de ce fait, concerné certainsitinéraires culturels du Conseil de l’Europe qu’elle défendait comme «L’Itinéraire des Villes des Grandes Découvertes», c’est que des fonctionnaires de trois institutionsont décidé de travailler la main dans la main : d’un côté ceux de l’Agence pourla Culture créée par l’ancien Directeur Général du Conseil de l’Europe, JoséVidal-Beneyto et présidée par Edgar Morin, travaillant dans le cadre del’UNESCO, de l’autre ceux de l’Unité Tourisme de la Commission européenne, sousl’égide du Commissaire en charge du tourisme et enfin la Direction de laCulture, de l’Enseignement et du Sport du Conseil de l’Europe, sous l’impulsionde Raymond Weber.
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Christos PapoutsisC’est là où la notionde tourisme culturel, malgré ses contours incertains, prend toute sa place. L’importancede visiter le patrimoine de l’autre est mise en avant par la Commissioneuropéenne comme un moteur du voyage en Europe, ce que le Conseil de l’Europeappelait par ailleurs de ses vœux depuis 1984. Je crois qu’il s’est agi d’unegrande réussite, puisque par une sorte de complot interinstitutionnel desadministrateurs, trois groupes avaient réussi à faire en sorte qu’en mars 1996,le Directeur Général de l’UNESCO, Federico Mayor Zaragoza, le Directeur Généraldu Conseil de l’Europe, Raymond Weber et le Commissaire européen ChristosPapoutsis tiennent des discours complémentaires sur une philosophie commune desrapports entre tourisme et culture, dans le cadre même d’un Salon du tourisme,la BIT de Milan.
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Quelques mois plustard, une «Déclaration de Majorque» sur le tourisme culturel était proposéeconjointement par l’UNESCO et le Conseil de l’Europe, grâce à des réunionsaidées financièrement par la Commission Européenne. On y lit : «Depuis le Siècle des Lumières, la vieculturelle en Europe a trouvé un moyen d'expression, en même temps qu'uneressource inépuisable : les voyages. C'est l'Europe en effet qui, dans toutesles phases pacifiques de son histoire, a développé les échanges culturels liésà des déplacements : récits des écrivains-voyageurs, séjours d'artistes,inspiration cherchée sous d'autres cieux, modes des visites culturelleslointaines, comme ces fameux "tours en Europe" desenfants de 1'aristocratie anglaise qui ontdonné son nom au tourisme... À l'appui de ces pratiques, c'est toute une logistiquede l'accueil initialement gracieux puis de l'hospitalité marchande qui s'estmise en place. L'Europe a inventé et mis au point le service touristique aubénéfice d'un tourisme initialement consacré à la culture et à la découverte del'autre.»
Coupd’arrêt
Je suis content derelire aujourd’hui les textes issus des réunions préparatoires à cetteDéclaration, car je me rends compte que la création de l’Institut Européen desItinéraires culturels en 1997 a non seulement maintenu au Luxembourg un programmeeuropéen qui ne trouvait plus ses financements eu sein du Conseil de l’Europe,mais qu’il y a maintenu aussi un fil fragile tendu entre tris Institutions etqui pouvait être utilisé pour «Recoudrel’Europe» comme le disait José Maria Ballester.
En effet peine un anplus tard, au moment où l’Institut Européen des Itinéraires culturelss’installait au Grand-Duché de Luxembourg pour jouer mettre en œuvre de manièreconcrète des initiatives qui se situent dans la prolongation logique de cetteréflexion, le Conseil des Ministres du Tourisme, réuni dans le cadre de laPrésidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union Européenne, et à la demandeentre autresde l’Allemagne et duRoyaume-Uni, retoquait le Livre Vert et ses préconisations pour revenir à uneconception décentralisée et plus nationale des politiques touristiques, endemandant le retour au strict respect des règles de subsidiarité.
Malgré cette mauvaisenouvelle, une politique innovante en matière de médiation touristique acontinué à développer. L’Institut a réussi également à mettre en œuvre ladémarche de visibilité d’un programme de recherche intitulé PICTURE dont une partievisait une meilleure définition du tourisme culturel, mais dont l’effortessentiel était dirigé vers une analyse d’impact du tourisme culturel sur lesressources et l’économie des petites et moyennes villes. Nous sommes là entre2003 et 2006.LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?Tourismecul...
Réunion finale du programme PICTURE. Abbaye de NeumünsterSalon du tourisme culturel des petites et moyennes villes
Autre étape et enquelque sorte une belle revanche, l’organisation en avril 2005 par l’Institut àLuxembourg de la conférence sur le tourisme culturel de la Présidenceluxembourgeoise du Conseil de l’Union Européenne, réunissant les délégués desMinistères du la Culture et des Ministères du Tourisme des pays de l’UnionEuropéenne et du Conseil de l’Europe. Du jamais vu sans doute sur autant depays pour une véritable confrontation paneuropéenne entre culture et tourisme.
Toutrepart
Une année plus tard, le21 mars 2006, j’ai assisté à Vienne à la présentation des résultats de laConférence des Ministres européens du Tourisme sous le titre : “Tourism - Key to Growth and Employment inEurope" (Le tourisme – clé de lacroissance et de l’emploi en Europe). Le vice-président de la Commission,Günter Verheugen, déclarait à l’époque : “L’Europeest la première destination des touristes dans le monde. Nous devons cependantfaire davantage pour conserver notre avantage concurrentiel. Nos propositionsajoutent une valeur européenne aux efforts des États membres. Ellescontribueront à promouvoir l’Union en tant que destination unique du tourisme,de façon plus efficace et coordonnée.”
LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?Tourismecul...Un Agenda 21 pour letourisme y était prévu qui a abouti à la mise en place d’un Groupe de réflexionsur le tourisme durable et compétitif et, en 2007, à la création du réseau NECSTouR. La recherchesystématique de données, qui est également annoncée, a certainement abouti auprojet actuel d’Observatoire européen du tourisme. Il y est bien entenduquestion de meilleure visibilité, de convergence des instruments de financementeuropéens vers le tourisme, toutes politiques qui sont aujourd’hui en train deprendre forme. Le site visiteurope.com,géré par la Commission Européenne du Tourisme (European Travel Commission) était aussi lancé engrande pompe à cette occasion, dans l’harmonie des grands opérateurstouristiques et des offices nationaux des futurs vingt-sept et l’implication degrands opérateurs informatiques.
Mais avec beaucoup deprudence et de respect, la Commission affirmait : «En mettant en œuvrecettepolitique, la Commission développera un partenariat étroit avec les autoritésdes États membres et les intervenants dans le secteur du tourisme. Lespartenariats doivent constituer un élément central de l’action à tous lesniveaux (européen, national, régional et local; public et privé). En règlegénérale la Commission affirme que la politique européenne du tourisme devraitêtre complémentaire des politiques menées dans les États membres».
On comprendra que je nepasse pas sous silence le fait que11avril 2006, Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois, présentaitdevant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe un rapport sur lesrelations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne qui lui avait étécommandé un an plus tôt par les chefs d'État ou de gouvernement des 46 Étatsmembres, réunis au sommet à Varsovie les 16 et 17 mai 2005. Le rapport Junckerformulait des recommandations pour améliorer la coopération et la coordinationentre les deux organisations : Conseil de l’Europe et Union Européenne. Lepremier Ministre remarquait tout particulièrement qu’en ce qui concerne lacoopération culturelle, l’Union Européenne poursuit les mêmes buts que leConseil de l’Europe à travers son Programme Culture 2000 (promotion del’identité, respect de la diversité, soutien à la créativité, etc.) et qu’ellese dit d’être ouverte à la collaboration avec les autres organisationsinternationales compétentes. Le Premier Ministre Juncker suggérait parconséquent qu’une telle collaboration entre les deux Institutions s’élargisseaux itinéraires culturels européens, comme c’est le cas affirmait-il «…pour d’autres initiatives, telles quel’année européenne des langues ; les journées européennes du patrimoine.»
La même année avaitlieu à Delphes un Forum organisé autour de la remise de la mention Itinéraireculturel du Conseil de l’Europe à la Route de l’Olivier. Les participantsdemandaient en fin de réunion au Conseil de l’Europe de lancer une initiativeou plate-forme de Delphes susceptible de réunir tous les acteurs responsables,ainsi que les financeurs des itinéraires culturels. Il confiait à l’Institut deLuxembourg le soin de préparer une analyse et un rapport introductif à cetteplate-forme en s’appuyant sur les réunions du XXe anniversaire du programme.LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?Tourismecul...
 Exposition Route de l'Olivier. Delphes 2006.
Versune nouvelle politique européenne
Le 17 octobre 2007 laCommission des Transports et du Tourisme du Parlement Européen, aprèsconsultation de la Commission Culture, propose un Rapport et desRecommandations «Sur une nouvelle politique européenne du tourisme visant àrenforcer le partenariat pour le tourisme en Europe » (2006/2129(INI)) et Rapport. Le Parlement, sur la base de laRésolution du 8 septembre 2005 sur les nouvelles perspectives et les nouveauxdéfis pour un tourisme européen durable, invite à cette occasion de choisir despriorités, afin de les concrétiser plus rapidement. Il entend en particulierencourager les initiatives telles que les itinéraires culturels européens,comme expériencespositives pour leursactions de promotion de destinations touristiques européennes qui nécessitentune visibilité accrue.
Tandis que l’UnionEuropéenne dédie une année au dialogue culturel et que se poursuit uneréflexion sur un «Label du Patrimoine européen», idée lancée en 2005 par laFrance à la veille du Référendum sur le Traité constitutionnel, une séried’initiatives européennes prennent forme pour sélectionner les bonnes pratiqueset établir des critères de gestion et d’évaluation de destinations et siteseuropéens durables.
NECSTouR, le réseau des Régions européennesqui s’insère dans le cadre de l’Agenda pour un Tourisme Européen Compétitif etDurable est créé à Florence en septembre 2007 à l’initiative de la RégionToscane, suivie par Provence Alpes Côte d’Azur et Catalogne. Depuis 2007,de nombreuses rencontres ont eu lieu(Marseille, Riccione, Plymouth, Florence, Bruxelles…) pour arriver à laconstitution d’une association qui accueille le plus grand nombre possible de régionseuropéennes, des Universités et des Institutions qui travaillent avec lesRégions en matière de tourisme durable et compétitif. Le réseau a commencé àindividualiser les indicateurs de la durabilité qui seront testés sur depetites destinations avant d’être validés. L’Institut Européen des Itinérairesculturels est membre du réseau depuis son origine. Ila apporté sa contribution régulière dans legroupe de travail sur la « Conservation Active du patrimoine culturel et desidentités des destinations» et depuisl’été 2011 dans le cadre d’une task-force « Gouvernance des itinérairesculturels » en élaborant un questionnaire sur les rapports entre politiquesrégionales et itinéraires culturels.
Le Programme EDEN (European Destination ofExcellence) a été lancé avec un grand succès par la Commissioneuropéenne avec le but de sélectionner des destinations en dehors de circuitstouristiques de masse, destinations qui respectent et valorisent les contextesenvironnementaux, économiques et sociaux à l’échelle locale.
On trouve bien sûr surle site de la Commission européenne, la description des programmes en question,ainsi que celle d’autres initiatives complémentaires et celles qui ont étéretenues plus récemment.
Je n’évoquerais pas cequi concerne plus directement le travail considérable qui a été engagé ou mis àjour dans les mêmes années sur le droit du tourisme : droit des passagers,législation du transport low-cost, règlements concernant les locations derésidences ou de voitures… Le document du 15 mai 2007 préparé parl’organisation Toursimlaw déjà cité est extrêmement complet à cet égard.
LeTraité de Lisbonne, dimension économique et pouvoir de l’itinérance
Le Traité de Lisbonne,adopté après beaucoup de nuits blanches fin 2009, a sauvé in extremis leconcept même de Traité constitutionnel commun. Il est venu clore cette séquenceoù le dynamisme des Institutions a dû faire face à une inertie réelle decertains états et fort heureusement, a pu bénéficier du dynamisme des autres,en ce qui concerne l’idée de politiques touristiques communes.
On n’a peut-être parcontre pas suffisamment mesuré sur le moment l’importance de l’article 195 duTFUE. L’Union européenne peut en effet ainsi : «Promouvoir la compétitivité des entreprises de ce secteur et créer unenvironnement favorable à leur développement, favoriser la coopération entreles États membres, notamment par l'échange de bonnes pratiques et enfindévelopper une approche intégrée du tourisme en assurant la prise enconsidération de ce secteur dans ses autres politiques.»
La porte étant ainsientrouverte, le Commissaire européen Antonio Tajani, avec l’aide de son équiperapprochée et des fonctionnaires de l’Unité Tourisme, a mis seulement six moisà préparer une «Communication de la Commission» intitulée : «L'Europe, première destinationtouristique au monde - un nouveau cadre politique pour le tourisme européen.»Il l’a de surcroît présentée à la fin de la Présidence espagnole du Conseil del’Union Européenne, d’abord lors d’une conférence de presse à Bruxelles, puisensuite à la mairie de la capitale de Galice, à la fin d’une marche de cinqkilomètres vers Saint-Jacques de Compostelle. Cette marche redoublait, de touteévidence par le symbole, l’importance de l’itinérance vers l’Europe et enEurope, un mouvement qui avait été lancé en septembre 1987 par le Conseil del’Europe, puis renouvelé par une exposition en octobre 2007 sous le thème : «L’Europe est le chemin » sur la place de l’Obraidoro.
LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?Tourismecul...Exposition "L'Europe est le chemin"Si cette situationinédite a favorisé le développement d’un volet d’expression touristiquecomplètement original et très exigeant des Itinéraires culturels, par rapport auxmarchés classiques, offre touristique massivement ignorée par les plusimportants « stakeholders » pendant quasiment vint ans, c’est que de bons angesse sont penchés début 2010 sur la question du rapprochement opérationnel entreles deux Institutions. La rencontre la plus symbolique et de ce faitcertainement la plus émouvante, s’est déroulée en mars 2010 lors de l’AssembléeGénérale de l’Association européenne des Vie Francigene à Montefiascone, enprésence du Commissaire Antonio Tajani et de la députée européenne SilviaCosta. Il s’agit de toute évidence du moment clef où le processus s’estaccéléré et où l’idée de présenter une exposition sur les Itinéraires culturelsà Bruxelles lors de la Journée Européenne du Tourisme a pris réellement forme. Aprèscette date, les bons anges se sont multipliés pour aboutir à un travail encommun, pour ne pas parler de la finalisation en moins d’unan del’Accord Partiel élargi sur les Itinéraires culturels du Conseil del’Europe. Le second Forum de Delphes en avril de la même année, et une réunionorganisée au sein du Campus Lucca en mai ont apporté leur concours pour réunirdes engagements politiques, comme pour animer des discussions exigeantes,favorisant une démarche de convergence devenue ainsi incontournable.
LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?Tourismecul...Massimo Tedeschi, Antonio Tajani et Silvia Costa. MontefiasconeL’intention de la «Communication » est bien évidemment d’abord clairement économique : «Le tourisme est une activité économiquestratégique pour l'économie européenne et le secteur va probablement continuerà gagner en importance dans les années à venir….Le secteur génère plus dequatre pour cent du PIB de l'UE, avec environ deux millions d'entreprises, quiemploient près de quatre pour cent de la main d'œuvre totale (soit environ huitmillions d'emplois). Toutefois, compte tenu des secteurs dépendant indirectementdu tourisme, on peut estimer que la contribution de celui-ci au PIB est bienplus importante : indirectement, le tourisme génère environ onze pour cent duPIB de l'Union européenne et emploie quelque douze pour cent de la maind'œuvre.»
Prenant acte cependantque, depuis 2008, la crise économique menace tous les secteurs et que certainsaléas climatiques ou géologiques n’ont pas favorisé le tourisme européen dansson retour vers la profitabilité, la Communication ajoute : «Ce contexte difficile pour l’industrie dutourisme a mis en évidence un certain nombre de défis auxquels doit faire facele secteur du tourisme européen. Pour y répondre, il est primordial que tousles acteurs du secteur puissent joindre leurs efforts et travailler dans uncadre politique consolidé qui prenne en considération les nouvelles prioritésde l’UE exprimées dans sa stratégie « Europe 2020 » : l’Europe doit demeurer lapremière destination au monde, apte à valoriser la richesse et la diversité desterritoires qui la composent.»
Cette primautéeuropéenne est réaffirmée à plusieurs reprises : «Par ailleurs, l’Union européenne demeure la première destinationtouristique au monde, avec 370 millions d’arrivées de touristes internationauxpour l’année 2008, soit 40 % des arrivées à travers le monde, parmi lesquels7,6 millions en provenance des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), ennette croissance par rapport à 4,2 millions en 2004. Ces arrivées ont générédes revenus de l'ordre de 266 milliards d'euros, dont 75 milliards d'euros pardes touristes venant d'en dehors de l'Union. Quant aux voyages effectués parles ressortissants européens eux-mêmes, ils sont estimés à environ 1,4milliard, dont environ 90 % ont lieu au sein de l’UE.»
Un tel constatliminaire, qui est longuement développé dans le texte, a pour intérêt deconstituer le socle d’une série de quatre axes majeurs de travail que nousaurons l’occasion dans les mois qui viennent de développer en fonction desdates de leur mise en application. Mais la véritable révolution ne concerne passeulement l’importance qui est accordée au secteur culturel et patrimonial - nousavons vu qu’il était déjà présent dans les publications antérieures - mais lefait que cette priorité transversale culturelle soit affirmée avec autant deforce dans une Communication qui engage tous les pays membres : «L'Union européenne peut contribuer à ladiversification de l’offre en encourageant les flux intra-européens grâce à lavalorisation de produits touristiques thématiques à l’échelle européenne. En effet,les synergies transnationales peuvent favoriser une meilleure promotion et unevisibilité touristique accrue. Elles peuvent ainsi inclure l'ensemble dupatrimoine dans toute sa diversité: patrimoine culturel (y compris lesitinéraires culturels), création culturelle contemporaine, sites naturelsprotégés, tourisme de bien-être et de santé (y compris tourisme thermal),tourisme d’éducation, tourisme oenogastronomique, historique, sportif oureligieux, agritourisme, tourisme rural, ou encore le tourisme valorisant lepatrimoine maritime et culturel subaquatique ainsi que le patrimoine industrielou le tissu économique d’une région.»
Et encore : «À cet effet, la Commission a déjà entamé unecoopération avec le Conseil de l’Europe en matière de tourisme culturel afin demieux en évaluer l’impact et d’en assurer une meilleure visibilité. D'autresinitiatives transfrontalières ont vu le jour ces dernières années, comme desparcours cyclistes européens ou des itinéraires de pèlerinage, tels que la « ViaFrancigena » ou le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. La Commissionconsidère que plusieurs de ces initiatives gagneraient à être reconnues et àbénéficier d'une légitimité européenne qui garantirait leur caractèretransnational. Cette reconnaissance de leur vocation européenne est susceptiblede créer les mêmes dynamiques que l'expérience réussie des « Capitaleseuropéennes de la Culture » qui agissent comme un catalyseur pour ledéveloppement local et le tourisme en mettant en œuvre tous les ans un programmeculturel ambitieux et attractif à l’échelle européenne.»
LeTourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?Tourismecul...Exposition des Itinéraires culturels du Conseil de l'Europe. Berleymont septembre 2010
Il ne s’agit pas làd’un simple exposé d’intention puisque, après la Journée Européenne du Tourisme consacrée aux Itinéraires culturels en septembre 2010, et grâce à un budget adopté par leParlement européen fin 2010, deux appels à proposition concernant le tourismethématique transfrontalier ont été mis en place en 2011 et qu’un programmejoint se poursuit entre le Conseil de l’Europe et la Commission Européennedepuis novembre dernier.
Label(s)de qualité
Qui dit destinationcommune et intégrée, dit forcément - au moins - construction d’une image etd’une communication communes : «L'imagede l'Europe et sa perception comme un ensemble de destinations touristiquesdurables et de qualité doit être améliorée. Le renforcement de l’attractivitédes destinations européennes et leur meilleure visibilité devraient entraînerd’importantes retombées économiques par la stimulation des arrivées detouristes non-européens, mais aussi à travers un intérêt accru de la part desEuropéens pour voyager sur leur propre continent.» Et encore : «Développer une marque européenne « QualitéTourisme », sur base des expériences nationales existantes, pour accroître lasécurité et la confiance du consommateur dans le produit touristique etrécompenser les démarches rigoureuses engagées par les professionnels dutourisme dont l'objectif est la qualité des services touristiques pour lasatisfaction du client.»
Pour qui fréquente lesorganisations transnationales ou intergouvernementales depuis des dizainesd’années, ce langage est non seulement particulièrement nouveau, mais il veutdire que des habitudes bien ancrées doivent au plus vite être bousculées, et enparticulier toutes celles qui visent la concurrence sauvage entre destinationseuropéennes. «Vérité en deça desPyrénées, erreur au-delà !» est une devise largement appliquée par lesoffices nationaux du tourisme. Or l’Action 18 prévoit de : «Créer, en coopération avec les Étatsmembres, une véritable «marque Europe», qui puisse compléter les effortspromotionnels au niveau national et régional et mieux permettre auxdestinations européennes de se distinguer des autres destinationsinternationales.» et la N° 20, de«Favoriser des actions communes de promotionlors de grands événements internationaux ou dans les foires et salonstouristiques de grande ampleur.»
Qu’en est-il vraiment ?Je ne développerai pas de manière trop détaillée la façon dont le « Label dupatrimoine européen » - d’ailleurs cité dans la Communication- est entre temps devenu un programmecommunautaire qui vise, avec des critères de citoyenneté européenne, à indiqueraux touristes des sites, voire des espaces transfrontaliers hautementsignificatifs de l’histoire de l’Europe. Il suffit de reprendre quelquescitations de la Décision No1194/2011/UE du Parlement Européen et du Conseil portant définition dece label dans un cadre élargi : «En plusde renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union chez les citoyens européenset de stimuler le dialogue interculturel, l’action pourrait aussi contribuer àmettre en valeur le patrimoine culturel et à souligner son intérêt, à accroîtrele rôle du patrimoine dans le développement économique et durable des régions,en particulier à travers le tourisme culturel, à encourager les synergies entrele patrimoine culturel, d’une part, et la création et la créativitécontemporaines, d’autre part, et, plus généralement, à promouvoir les valeursdémocratiques et les droits de l’homme qui sous-tendent l’intégrationeuropéenne.» Tout en indiquant en quoi il assure une complémentarité parrapport à d’autres initiatives antérieures, le texte précise à propos du label: «Il y a lieu de chercher à donner aulabel une valeur ajoutée et à établir des complémentarités entre ce label etd’autres initiatives, telles que la «liste du patrimoine mondial» et la «listereprésentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité» de l’Unescoainsi que les «itinéraires culturels européens» du Conseil de l’Europe. Lavaleur ajoutée du label devrait découler de la contribution des sitessélectionnés à l’histoire et à la culture européennes, y compris laconstruction de l’Union, d’une dimension éducative claire atteignant lescitoyens, en particulier les jeunes, et de l’établissement de contacts entreles sites pour que ceux-ci partagent leurs expériences et leurs bonnespratiques. L’action devrait mettre l’accent principalement sur la promotion etl’accessibilité des sites, de même que sur la qualité des informations et desactivités proposées, plutôt que sur la sauvegarde des sites, qui devraitrelever des dispositifs de préservation existants.»
Par contre, je tiens àsignaler quelques-uns des axes du travail entrepris dans le cadre d’uneconsultation des professionnels du tourisme visant la mise en place d’un «European Tourism Quality Label ». Une réunion ouverte sur les résultats de cetteconsultation ayant eu lieu le 25 janvier dernier à Bruxelles, j’aurail’occasion d’y revenir. Mais cette consultation précisait bien entendu lesobjectifs du futur ETQ répondant un concept de « Label ombrelle ». Il seprésente de ce fait un peu comme un animal à trois têtes : « For Europe, it is a competitive instrument and a promotion tool:it aims at improving the profile of Europe as a set of high-qualitydestinations in order to remain Nr 1 tourism destination of the world. Fortourism businesses, it is a management tool: it provides tourism establishmentsand organisations with the possibility of constant monitoring and improvementof their performance to win the confidence of consumers and business partners.It also seeks to facilitate business connections and the exchange of bestpractices. For consumers it is an information tool: its aim is to empowerconsumers by raising their awareness on what they could expect fromestablishments which bear the ETQ logo in comparison with those not recognised bythe ETQ Label.”
Les discussions qui onteu lieu de manière très ouverte en janvier 2012, en présence des délégués des paysmembres et des grandes organisations représentant les professionnels et lesconsommateurs, ont été passionnantes car on pouvait y écouter de manière trèsconcrète combien les débats sur la subsidiarité en cette matière sont loind’être clos. Des labels de qualité existent bien entendu déjà, sans parler desnormes ISO et un énorme travail a été déjà réalisé en France ou en Italie. Maisla question est bien de savoir à quoi peut servir une ombrelle quand le soleilne brille pas partout avec la même intensité.
Enforme de conclusions ouvertes
Dans son ouvragepolémique « Le doux monstre de Bruxelles ou l’Europe sous tutelle » Hans MagnusEnzensberger indique qu’à son sens, nous sommes entrés dans un âge post-démocratique.Il cite en particulier Robert Menasse (voir « Populismus zerstört Europa » parudans Die Zeit du 20 mai 2010) qui a longuement commenté le « déficitdémocratique » de l’Union européenne. Il revient sur un des principesfondateurs qui explique, mais ne justifie sans doute pas, ce long parcours seméd’embûches que je viens d’évoquer : «Envertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sacompétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où,les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manièresuffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu’au niveau régionalet local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets del’action envisagée, au niveau de l’Union».
De fait, nous y sommes, pour le tourisme, en ayant tout de mêmel’impression d’avoir perdu quinze ans !
Ceci dit l’ancienprésident de la République fédérale d’Allemagne Roman Herzog, en tempérant nosardeurs ajouterait à ce texte un commentaire peut-être réaliste sur l’équilibreentre subsidiarité et centralité, réaliste mais bien décourageant : «En vérité, cela devrait aller de soi, maisdans l’esprit des hommes politiques, fonctionnaires ou lobbyistes de Bruxelles,cela ne joue à peu près aucun rôle. » (Lire « Die EU schadet der Europa-Idee »dans le Frankfurter Allegemeine Zzeitung du 15 janvier 2010).»
Je suis de toutemanière un éternel optimiste et je veux prendre positivement le fait que ladémocratie européenne a inventé, poussée par sa nécessité de réussite del’Union, un concept post-moderne de prise de décisions qui lui permet d’avanceren posant au fur et à mesure sur la table ses contradictions. Si je restefrustré d’avoir eu à vivre le développement d’un magnifique projet en ayantl’impression de parcourir en permanence des montagnes russes, je restecependant persuadé que ce qui se nomme toujours tourisme culturel, faute demieux, touche profondément une dimension anthropologique qui est celle de lanécessité de la «Route», dimension bien entendu confirmée par l’universalité dupèlerinage et par la métaphore du «Chant des pistes » de Bruce Chatwin et quenous sommes entrés sans retour dans une phase de ré-enchantement de l’idée européennepar le tourisme de découverte, dans sa version, en effet, démocratique.
J’ai inscrit depuis des années comme unedevise pour mon travail le texte de 1994 de Georges Duby dans l’ouvrage «Repousserl’Horizon» : «L’histoire surtout estentraînante. Elle n’a cessé de jouer ce rôle impulsif en Europe. Je suispersuadé que notre culture tire une grande partie de sa vigueur de ce qu’elleest plus résolument que les autres cultures du monde historisante, et que legoût qu’ont les Européens de leur passé, le respect qu’ils ont porté à leurssouvenirs, le soin qu’ils ont pris de les transmettre d’âge en âge, leursentiment d’être en marche constamment vers un but constituent l’un deséléments majeurs de cet esprit faustien qui permit à l’Europe dans tous lesdomaines ses conquêtes.»
Repèresbibliographiques (ouvrages cités) : Tomasz Studzieniecki, Tomasz Mazurek, (2007) "Howto promote a cross-border region as a tourism destination – the case study ofthe bug Euroregion", Tourism Review, Vol. 62 Iss: 1, pp.34 – 38.
Pour le tourismeculturel. Editeur : Institut culturel del Món /Agence européenne pour laculture. Année de parution : 1996. ISBN/ISSN : 84.87789.41.2
Le doux monstre deBruxelles ou l’Europe sous tutelle. Hans Magnus Enzensberger.2011. Edition enlangue allemande : Sanftes MonsterBrüssel oder der Entmündigung Europas. Suhrkamp Verlab Berlin. 2011.
Bruce Chatwin. The SongLines. Franklin Center: Franklin Library, 1986. «Le vrai domicile de l'Homme n'est pas unemaison mais la Route, et la vie elle-même est un voyage à faire à pied»
Repousser l’Horizon /Pushing back the Horizon. Editions du Conseil de l’Europe / Editions duRouergue. 1994.

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