Une photo, quelques mots # 20

Par Mathylde

Après deux mois passés à courir dans tous les sens, nous sommes enfin prêts à partir … Cette fois ci, adieu la triste banlieue et ses RER,  adieu la grisaille et le stress, pour un bon moment au moins ! Lucas a l’air de prendre ce déménagement express plutôt bien. Nous avions peur qu’il ne pleure à l’idée de se séparer de ses copains et de quitter son école, lui qui a tellement horreur de tout changement. On lui a bien présenté la chose forcément : les aurores boréales, les volcans, les fjords, les dimanches que l’on passerait à observer les oiseaux… Il était si enthousiaste en collant des photos de macareux moine et de fous de Bassan sur son petit cahier réservé aux oiseaux ! Ca a été tout autre chose lorsqu’il a fallu dire au revoir à ceux que nous côtoyons depuis cinq ans. Alors, quand il m’a dit que ses yeux n’étaient pas assez grands pour qu’il puisse embrasser  tout le quartier d’un seul regard , je lui ai donné mon appareil photo. Vous auriez vu son expression lorsqu’il a déchiré le papier cadeau ! Depuis ce jour là, il ne cesse de prendre des photos, en tout sens, de chaque endroit où nous avons l’habitude d’aller. Il a peur d’oublier. Il me fait rire à force d’écarquiller les yeux pour dévorer le monde. Il me donne la force de croire que cette fois nous ne regretterons pas notre nouvel exil. Sa capuche sur la tête, déjà prêt à affronter le changement climatique bien que le voyage durera une vingtaine d’heures, mon fils regarde la foule. Une bouille d’enfant partagé entre le présent et l’avenir. Plus les stations s’égrainent, plus son sourire semble se figer et basculer de la confiance à l’angoisse. Mais, toujours, ses yeux, ses yeux immenses, restent ouverts pour capter toute la beauté du monde.

Texte écrit dans le cadre de l’atelier Une photo, quelques mots, proposé par Leiloona. Photo de Kot.