Nicolas Sarkozy a conçu la publication de ses propositions pour l'élection présidentielle d'avril prochain comme un
spectacle. Comme elles sont rares, il les distille avec parcimonie. Il faudrait éviter de parler du bilan.
Et pourtant, l'actualité l'y contraint. Ces derniers jours, le vacarme d'une campagne qui lui échappe nous a fait oublier de
parler du sujet du jour, de la préoccupation du moment, le chômage.
Coup sur coup, trois rapports édifiants ont été publiés sur le chômage en France.
Chômage générationnel
Le premier,
relayé par les Echos, est un sondage de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sur 14.000 adultes réalisée en 2006. Les résultats, bizarrement,
n'ont été communiqués que la semaine dernière.
La Dares a ses raisons que la raison ignore. On y apprend que « près de la moitié des actifs âgés de moins de 50 ans
(45,7 % parmi ceux nés dans les années 1960 et 1970) ont déjà vécu une période de chômage ». Cela fait trente-cinq ans que la crise s'est imposée dans notre vocabulaire courant. Ce
résultat est à peine surprenant.
En 2006, date à laquelle a été effectuée l'enquête, près de la moitié des actifs âgés de moins de 50 ans (45,7 % parmi ceux nés dans les années 1960 et 1970) ont déjà vécu une période de chômage. Un contraste saisissant par rapport à leurs aînés : malgré une carrière professionnelle plus longue, seuls 13,6 % des individus nés avant 1940 en ont fait l'expérience.
Le ravage des heures supplémentaires
Le second rapport est une analyse des heures supplémentaires au dernier trimestre de l'an passé. C'est une catastrophe. Elles
ont encore progressé. Et le nombre d'embauche du secteur privé a encore baissé. La nouvelle tombe au plus mal. Toute la semaine, le candidat sortant a développé sa dernière idée, une variante
déjà connue du « travailler plus pour gagner plus » appliquée à l'Education nationale: proposer 40% d'heures supplémentaires aux enseignants du secondaire contre une augmentation de 25%
de leur traitement.
Au dernier trimestre 2011, la défiscalisation des heures supplémentaires a coûté 795 millions d'euros
au 4e trimestre 2011, « ce qui correspond à un
total de 190 millions d'heures supplémentaires en données brutes, non corrigées des variations saisonnières ». Le nombre d'heures supplémentaires a progressé de
3,5% sur un an, dont +1,9% au dernier trimestre.
Sur la même période, les déclarations d'embauches d'une durée supérieure à un mois
réalisées par les entreprises du secteur privé, hors intérim, ont chuté de 3,9% par rapport au trimestre précédent.
Au total, le nombre d'heures supplémentaires a atteint 738 millions en 2011,
contre 706 millions en 2010, et 738 millions en 2008.
Chômage de masse
Le troisième rapport,
publié vendredi 24 février, émanait de la Dares. Il fut à peine l'objet d'une brève ici ou là. La Dares communiquait le nombre d'inscrits à Pôle Emploi en janvier 2012.
Le nombre de sans-emploi (catégorie A) a encore progressé, +13 400 en janvier, pour s’établir à 2.861.700 personnes en
France métropolitaine fin janvier 2012. C'est moins qu'à l'automne ou en décembre, mais c'est bien davantage qu'en janvier 2010, une période plus comparable, où le nombre de sans-emploi avait...
baissé de 19 000.
S'ajoutent les demandeurs d'emploi à activité partielle (catégories B et C), soit 1,40 millions d'inscrits, en légère
baisse), et et les 609.300 demandeurs dispensés de recherche (en hausse). Au final, Pôle Emploi comptait donc 5,1 millions d'inscrits en janvier
dernier.
L'ancienneté moyenne d'inscription a augmenté de 3 jours, pour atteindre 461 jours ! La part des demandeurs inscrits depuis
plus d'un an a franchi le seuil des 38%.
Hors allocation de formation, la part des inscrits à Pôle emploi qui reçoivent une indemnité est de 49,5%, soit 2,4 millions
de personnes. Quelque 343.000 d'entre elles émargent au RSA.
Plus inquiétant, le chômage progresse parce que le nombre d'entrées à Pôle Emploi est plus important (585.000 en janvier 2012, soit 25.000 de plus qu'en janvier 2011). Les sorties, elles,
sont stables à 499.000. Les radiations et cessions d'inscriptions pour défaut d'actualisation représentent toujours la moitié des sorties d'inscription (soit 247.000).
Début février, Nicolas Sarkozy avait à nouveau avancé le nombre de 500.000 offres d'emploi non-satisfaites. On peine à trouver la preuve de ce qu'il avance. Relevons d'abord qu'en
janvier, Pôle emploi a collecté 271.000 offres, dont seulement 40% qualifiées de « durables » (plus de 6 mois); notons aussi que, toujours en janvier, quelque 236.000 offres ont pu être
satisfaites.
Nicolas Sarkozy voulait vendre sa proposition de référendum sur la formation des chômeurs. Son idée, encore floue et pas
explicitée dans ses documents de campagne (*), serait de contraindre les chômeurs à suivre une formation puis de les contraindre à accepter une offre correspondant à cette formation.
Autre proposition du candidat sortant, faire travailler les bénéficiaires du RSA, à raison de 7 heures hebdomadaire
obligatoire. Une mesure, non financée dans le projet mal connu du candidat Sarkozy, qui coûterait entre 800 millions et 1,5 milliards d'euros par
an.
A fin janvier 2012, Pôle Emploi enregistrait 726.000 bénéficiaires du RSA dans ses registres, dont les trois quarts (soit
540.000) ne déclaraient aucune activité même partielle (catégorie A).
Sarkozy allait-il tous les forcer à ces 7 heures hebdomadaires ?
Sarkofrance
(*) A moins de 50 du scrutin, Nicolas Sarkozy n'a toujours publié ses propositions.