Les algeriens et le Dégoutage

Publié le 04 mars 2012 par Amroune Layachi
Les algeriens et le Dégoutage

par El-Guellil


« Mdigouti» et «rani-mdigouti» sont en passe de devenir parmi les expressions les plus courantes de notre vocabulaire.
-Ouach, ça va, p'tit ?
«Dégoutage», répondra le gamin-adulte, sans trop réfléchir. Programmé qu'il est selon les habitudes parentales qui font fi de son enfance. Le gosse mdigouti de ne pouvoir jouer sans se soucier d'autre chose. Mdigouti de ne pouvoir flâner dans le quartier sans avoir une commission à faire. Si ce n'est le pain, c'est le lait ou « l'eau douce ». Très jeunes déjà, on les habitue à être pressés. Ne pas être en retard.  Le gamin est mdigouti car devenu impatient d'une impatience sans objet.
Le rani mdigouti des adolescents est un cri du cœur devant des parents qui se refusent à jouer adéquatement leur rôle d'aînés, « trop obsédés de ne pas vieillir et d'être toujours les définisseurs des rêves collectifs et des désirs du moment. Les adolescents s'épuisent aussi à s'inventer de nouveaux repères, orphelins qu'ils sont d'un passé collectif que leurs parents ont liquidé après en avoir bénéficié. »
À la question «comment ça va ?», la plupart des gens répondent maintenant : «mdigouti». Mdigouti de la monotonie du travail. Mdigouti de ne pas travailler. Mdigouti de courir après le temps, de voir ces gens coller à leur portable à s'espionner : «Tu es où ?» Et se mentir: «Je suis en voyage». Mdigouti de voir des gens s'enrichir parce qu'ils sont près du pouvoir. Mdigouti de voir son pouvoir d'achat sans pouvoir.
Les chibanis qui passent au journal télévisé de la télé du spectateur mdigouti sont mdigoutis, moins à cause de leur âge que du fait qu'ils doivent jouer à rester jeunes, au risque de passer pour des dinosaures (qu'ils sont) dont l'utilité n'a de sens que dans les musées.