La première d'entre elles est
l'engagement de 103 paysans de ne pas vendre leur ferme quelque soit le prix
proposé. Puis, durant les dix années, il y aura diverses initiatives : la montée
des tracteurs à Rodez (80 km) où les attendaient 20 000 personnes venues les
soutenir, l'envoi de 60 brebis sous la Tour Eiffel, la monté de 70 tracteurs sur
Paris, la construction d'une bergerie dans l'illégalité, la constitution d'un
groupe foncier agricole pour acheter les terres convoitées par l'armée et,
l'apogée, les deux manifestations de 60 000 et 100 000 personnes sur le plateau
de Larzac au cirque du Rajal del Guorp en 1973 et 1974. Durant le second
rassemblement, Miterrand recevra des jets de pierre provenant de policiers en
civils.
Le mouvement s'est densifié rapidement et de nombreux militants
maoïstes, anarchistes et plus généralement d'extrême gauche sont venus
participer aux Assemblées. Mais les intervenants du film qui ont participé aux
évènements précisent que, malgré les diverses propositions et les débats,
c'était toujours les paysans qui avaient le dernier mot.
D'autres
initiatives vont être mises en place par la suite comme l'occupation de fermes
achetées par l'armée, la création du journal Gardarem lo Larzac, la création de
comités Larzac un peu partout en France ou la création d'un centre de recherche
sur les méthodes d'actions non violente.
En 1976, des paysans volontaires
vont s'introduire dans un bureau du camp militaire pour connaitre les projets
d'expansion. Certains d'entre eux feront de la prison ferme. Suivra ensuite un
nouveau rassemblement sur le plateau avec 60 000 personnes.
En décembre
1978, une marche sur Paris est organisée avec une consigne originale, celle de
ne scander aucun slogan, juste le bruit des pas et des bâtons sur le bitume.
Enfin, le dernier coup médiatique a été le campement de familles de paysans sous
la Tour Eiffel.
L'histoire se conclut en mai 1981 lorsque Miterrand est
élu président. Après un dernier coup de pression, il respectera sa parole de
candidat de ne pas étendre le camp militaire.
Avec ce film, Christian
Rouaud continue d'évoquer les luttes des années 70, lesquelles ont, selon lui,
apporté les germes de notre société en faillite. En effet, en 2007, il a réalisé
"Les Lip, l'imagination au pouvoir", qui évoque l'une des premières
délocalisations d'usine en France, en 1973. Une autre lutte qui a convergé avec
celle des paysans du Larzac puisqu'ils ont fait "manif-commune".
"Tous
aux Larzac" permet de remettre les pendules à l'heure sur ce mouvement. Il
existe beaucoup de préjugés sur le Larzac, comme quoi ce sont des hippies qui
ont voulu faire perdurer mai 68, alors qu'à l'origine il s'agit de paysans
plutôt conservateurs. Le réalisateur prévient cependant qu'il a raconté
l'histoire à sa manière et que quelqu'un d'autre aurait pu l'écrire autrement.
Ce documentaire nous montre une lutte dans son entièreté avec ses moyens
d'action, ses joies et ses peines. Bien sûr, comme le dit Rouaud, elle ne peut
pas être retranscrite à d'autres mouvements, puisqu'ils ont chacun un contexte
propre à eux. Cependant, certaines de ces initiatives peuvent donner lieu à de
nouvelles.
Aujourd'hui, l'héritage de ce mouvement est grand puisque la
Confédération paysanne (second syndicat agricole) en est le fruit. Il y a eu
aussi la manifestation du Larzac en 2003 qui a réuni au moins 200 000 personnes
après le saccage du McDo de Millau, le mouvement des faucheurs volontaires créé
en 2007 pour lutter contre la prolifération des cultures OGM, ou plus récemment
le combat mené en 2011 contre le gaz de schiste.
Il est très important de
connaitre l'histoire des mouvements sociaux pour ne pas oublier qu'ils ont été
acquis de dure lutte. "Tous au Larzac" apportent sa pierre à l'édifice, avec en
prime une petite touche d'humour.