L’augmentation constante des dépenses sociales n’a pas fait disparaitre la pauvreté ; il est temps d’essayer autre chose.
Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume Uni.
"Hard cases make bad law."
Comment en sommes-nous arrivés au point où il est devenu polémique de suggérer que le travail doit rapporter plus que les allocations ? Comment se fait-il que des aides supposées être limitées dans le temps et avoir un effet ponctuel soient devenues structurelles, plongeant des millions de personnes dans la dépendance ? Pourquoi les dépenses sociales ont-elles augmenté de manière soutenue durant plus d’un demi siècle tandis que des millions de personnes de tous les continents venaient travailler en Grande Bretagne ?
En bref, la réponse est que les classes ouvrières furent laissées à la gauche durant la plus grande partie de cette période. Les rares conservateurs pour qui la lutte contre la pauvreté était la principale préoccupation, ceux suivant les pas de Wilberforce, Shaftesbury, Disraeli et Montgomerie [1], se sont rendus compte qu’ils œuvraient d’un contexte étatiste, dans lequel l’interventionnisme de l’État et la redistribution des richesses sont perçus comme les seuls moyens de tirer les gens de la pauvreté.
Iain Duncan Smith est le premier secrétaire d’État au travail à avoir reconnu l’échec d’une augmentation constante du budget social. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le coût des allocations et des retraites a atteint des montants vertigineux sans qu’il n’y ait eu d’impact notable ni sur la pauvreté ni sur la réduction des inégalités. La raison de cet échec, bien qu’évidente une fois reconnue, contredit la vieille doxa de gauche : la pauvreté ne se réduit pas à un manque d’argent. Elle est en effet plutôt due à d’autres facteurs, par exemple un faible niveau d’instruction, le chômage, la drogue, un contexte familial difficile, un manque d’ambition. Il s’ensuit qu’on ne réduit pas la pauvreté en distribuant de l’argent aux pauvres. Pour prendre un exemple extrême, donner 1 000 £ à un accro à l’héroïne ne va pas améliorer sa situation. Iain Duncan Smith semble comprendre que, pour réduire efficacement la pauvreté, il est nécessaire de traiter ses causes profondes ; une partie de la solution est d’inciter les gens à trouver du travail. Comme John F. Kennedy l’avait remarqué il y a plus de cinquante ans, le chemin le plus sûr pour sortir de la misère est d’avoir un emploi stable.
David Cameron a signé une superbe défense de ses réformes dans le Huffington Post, dans lequel il tire son chapeau au propos moral de Iain D. Smith. Il n’est pas fréquent de voir en politique de telles déclarations, mais Iain D. Smith est un ancien chef de parti qui ne cherche pas de futurs postes au gouvernement. Il souhaite simplement réparer un système en décomposition.
Il y a maintenant quelque chose de difficile à dire. Quel que soit le régime de protection sociale en place, il y aura des conséquences imprévues. Il y aura des gens méritants qui y perdront, et des gens sans mérite qui y gagneront. De plus, comme l’a observé Paul Goodman, nul n’aime réellement dépendre d’un système informatique de la rue Whitehall [2]. Mais, comme le dit le dicton, « hard cases make bad law » [3], et citer des exceptions, aussi douloureuses soient-elles, ne discrédite pas une réforme. Cette semaine, c’était la première fois qu’un gouvernement britannique tentait réellement de restaurer un peu de décence, de responsabilité et, oui, de morale dans notre système de protection sociale.
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Sur le web
Traduction : MXI pour Contrepoints.
NdT :
[2] Whitehall est une rue de Londres qui comprend plusieurs sièges de ministères ; c’est une façon de désigner le gouvernement. Un équivalent français serait « Bercy » pour désigner le ministère de l’économie.
[3] Littéralement : les cas extrêmes/difficiles font de mauvaises lois.