Scène 5
Phrases isolées (Fin)
(Les actrices s’avancent l’une après l’autre pour dire une phrase… il peut s’agir de phrases qu’elles ont inventées elles-mêmes)
Mes seins, j’en prends soin.
(prendre cette phrase comme un refrain toutes les cinq phrases)
Fendant le flot des passants, cette proue du navire féminin vogue sur les boulevards.
L’envie de vivre est suspendue au décolleté des belles.
Les seins, double volcan dont les éruptions dorment sous les corsages.
Qu’as-tu fait de tes seins, toi qui gémis d’un cancer très probable ?
Et nous avancerons cousant sur le fil des saisons des tissus dentelés qui rehaussent leur galbe.
Ce que je donne en fait d’amour, ce sont les fruits précieux de ma jeune saison.
La galanterie, messieurs, a été inventée pour laisser passer les seins dans l’embrasure des portes.
La première tétée et les amours précoces y rôdent pour la vie ; toute la vie.
Vous voudrez bien découvrir dans nos seins transparents une image de la terre, ce globe qui nous porte.
Du balcon de mes seins tu as vu, enfant, tous les pays du monde.
Tes seins sont-ils si sûrs qu’ils ne relèvent d’aucune radiographie ?
Il faudrait dire aux bébés ainsi qu’aux amoureux : régalez-vous mes enfants voici venir le règne des seins souverains.
Méfiez-vous, fiers gaillards, vous dormirez bientôt tout petits à l’ombre de mes seins.
Tartuffe : Ne cachez pas ce sein que j’aimerais tant voir !
Mes seins, le soir : écoutez ce que le couchant soupire dans sa poitrine rouge horizon!
N’oubliez pas que vous avez un corps : vos seins le murmurent au miroir.
Les jambes font des pas, arpentent les rues, seuls les seins dansent vraiment.
Il sont le sourire avancé à la fenêtre du corps, un souffle de passage, du bout des aréoles.
Dans l’arrondi de lait blanc dont tu remplis chaque matin le creux du bol, tu te revois bébé, accroché à mon sein.
Deux diamants doux qui étincellent devant moi.
Ils nous précèdent mais leur souvenir nous suit.
Au soleil de nos seins vous égayez votre journée de pluie.
Le souffle du vent sur la moisson à venir, au bord de l’été, n’approche pas la splendeur d’une caresse sur le sein.
Je tremble de pitié à l’idée que des hommes – pour peu qu’ils aient été nourris au biberon – ne sauront jamais ce qu’est un sein. Il leur manque la moitié du monde.
Depuis toujours, des architectes couvrent le monde de coupoles : ils ont raison ; le sein est l’unique ferveur.
Si belle à Paris, avec ses courbes souples, la Seine est sœur du sein.