Les catholiques de Rikitea avaient abandonné leur cathédrale devenue trop dangereuse. Leurs offices étaient célébrés dans la salle polyvalente de la commune. Il fallait trouver l’argent pour entreprendre des travaux indispensables. L’État étant laïque, il ne pouvait supporter les frais de rénovation.
Une association a été créée pour un chantier estimé à 486 millions. Tout le monde a mis la main à la poche pour sauver le plus bel édifice religieux du Pacifique. Ainsi l’État pour 178 millions, le Peï pour 125 millions, la Mission catholique pour 60 millions, les mécènes pour 79 millions, l’association Sauvons la cathédrale pour 23 millions, et la commune de Rikitea pour 15 millions ont permis de restaurer le chef-d’œuvre. La cathédrale peut accueillir 1000 paroissiens, elle mesure 53,2 m de long sur 18,9 m de large.
172 ans après la pose de la première pierre par les pères missionnaires du Sacré-Cœur de Picpus, la cathédrale est à nouveau inaugurée. Les travaux de restauration ont débuté en Juin 2009, ils ont impliqués les experts des monuments historiques de France, des compagnons, des entreprises métropolitaines et locales, et la population. Il a fallu se réapproprier les techniques des ancêtres afin de restaurer la charpente, fabriquer la chaux corallienne. Pour la charpente, l’arbre à pain ou uru est utilisé. Les restaurateurs ont découvert que la technique des pères était très aboutie. Les assemblages chevillés sont complétés par des ligatures de corde en nape ou fibre de coco qui les renforcent. Il n’y a donc pas de clouage.
Les artisans mangaréviens et les élèves, assistés par les compagnons, ont découvert ensemble les savoir-faire exceptionnels vernaculaires des Polynésiens. Pour la chaux corallienne, c’est grâce à la mémoire de quelques anciens, la forte implication des habitants que la technique du four à chaux a pu être ravivée et modernisée. Même l’extérieur de la cathédrale a abandonné sa couleur bleue pour l’ocre, sa couleur d’origine, redécouverte sur les premières couches ayant recouvert l’édifice. Les minéraux qui servaient à teinter la chaux ont été découverts sur l’île, en hauteur.
Pour certains vieux Mangaréviens, ce n’est plus leur cathédrale ! Les décors intérieurs ont subi eux aussi une rénovation complète. Le maître-autel resplendit de toutes ses nacres. Avant leur installation dans l’église, nous avions pu les voir dans l’école de gravure sur nacre restaurées, c’est toute la population de l’archipel qui a participé. On évoque déjà d’autres rénovations dans l’archipel. Les jeunes qui ont participé à ce chantier iront en métropole à Thouars ou Nice, parfaire leurs connaissances.
Seule étrangère aux Gambier, la pierre d’autel en basalte vient de Hitia sur la côte est de Tahiti. Elle a été sculptée par des tailleurs de pierre marquisiens avant d’être acheminée par bateau à Rikitea. C’est le nonce apostolique qui a dédicacé et oint l’autel sur ses cinq croix devant la population mangarévienne et les huiles laïques, cléricales et gouvernementales. Après six ans d’attente, les habitants ont enfin pu fêter Noël dans leur cathédrale retrouvée.
Hiata de Tahiti