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La controverse de Valladolid de Jean-Claude CARRIERE

Par Lecturissime

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♥ ♥ ♥

« Il est dans la nature humaine, frère Bartolomé, de raconter beaucoup et de réfléchir peu. » (p. 59)

L’auteur :

Né dans une famille de viticulteurs, Jean-Claude Carrière est un ancien élève du Lycée Lakanal et de l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud. Après une licence de Lettres et une maîtrise d'Histoire, il abandonne rapidement sa vocation d'historien pour le dessin et l'écriture. Il publie en 1957 son premier roman, 'Lézard', et rencontre Pierre Etaix chez Jacques Tati avec qui il cosigne des courts et des longs métrages. Sa collaboration avec Bunuel durera dix-neuf ans jusqu'à la mort du grand réalisateur. Parallèlement, il poursuit sa carrière de dramaturge et adaptateur en particulier avec Jean-Louis Barrault et Peter Brook. Parmi les scénarios écrits par Jean-Claude Carrière, notons 'Le Tambour', 'Un papillon sur l'épaule' ou encore 'Le Retour de Martin Guerre' qui lui vaut le césar du meilleur scénario en 1983. Il s'attaque également à l'adaptation d'oeuvres littéraires comme 'Cyrano de Bergerac', 'Le Roi des Aulnes' ou encore 'L' insoutenable légèreté de l'être'. En 2007, il co-signe avec le réalisateur le scénario du film de Volker Schlondorff, 'Urzhan' qui est présenté au Festival de Cannes. Ecrivain, scénariste et à ses heures acteur et réalisateur, Jean-Claude Carrière est un artiste complet qui vogue entre cinéma et littérature.

Source: Evene.fr

L’histoire :

En 1550, une question agite la chrétienté : qui sont les Indiens ? Une catégorie d'êtres inférieurs qu'il faut soumettre et convertir ? Ou des hommes, libres et égaux ?
Un légat envoyé par le pape doit en décider. Pour l'aider, deux religieux espagnols. Tout oppose Ginès de Sépulvéda, fin lettré, rompu à l'art de la polémique, et Bartholomé de Las Casas, prêtre et homme de terrain ayant vécu de nombreuses années dans le Nouveau Monde. Le premier défend la guerre et son cortège d'atrocités au nom de Dieu. Le second lutte contre l'esclavage des Indiens. Un face-à-face dramatique dont l'écho retentit encore.

Ce que j’ai aimé :

« La controverse de Valladolid est un évènement historique, mais elle ne s’est pas déroulée

comme je la raconte ici. Si elle opposa, avec beaucoup d’âpreté, le dominicain Las Casas et son adversaire Sepúlveda, il n’est pas sûr qu’ils se rencontrèrent et débattirent en public. On sait qu’ils échangèrent des textes, lesquels furent discutés, que Las Casas parla longuement (au point de fatiguer son auditoire), et que la controverse fut reprise l’année suivante, en 1551. Les conclusions n’en furent jamais officiellement proclamées. L’intervention d’un légat du pape, l’apparition des colons, des Indiens, la concordance chronologique entre les décisions finales, tout cela je l’ai inventé, en essayant de rester près du vraisemblable, en tout cas du possible. (…) Je n’ai rien inventé dans les considérations théologiques, raciales et culturelles. J’ai même serré de près le vocabulaire. » (Note d’introduction de l’auteur)

Jean-Claude Carrière adapte ici un pan de l'histoire : il s'inspire de faits réels dont il retrace les grandes lignes (la conquête des territoires amérindiens, sa violence, la réunion des deux hommes sous l'égide de Charles Quint...) mais en bon écrivain il s'attache à des problématiques plus universelles avec comme thème central l'ethnocentrisme. 

« Dans les premiers temps de son installation, comme les autres, il estimait que le castillan devait naturellement s’imposer, il ne prêtait qu’une attention restreinte aux langages qu’il entendait et qui tous lui semblaient barbares. (…)

A mesure que les années passaient, il découvrait petit à petit que ce langage, tenu pour primitif et limité, parvenait à exprimer, à sa manière, non seulement les objets matériels les plus rares, les plus singuliers, mais aussi la subtilité des émotions, le chemin variable des sentiments. » (p 155)

La religion est un sujet central de la controverse, mais l’humanité en général est questionnée à travers ces actes barbares et sanguinaires, offrant une vision désabusée des hommes capables de tant de sauvagerie. En cela, ce roman reste atemporel et constitue une référence dans le domaine de la colonisation et de la confrontation des peuples.

« Inhumaine logique, qui emprisonne dans des mots tout le brouillard des sentiments. » ( p. 169)

« Pourquoi avons-nous fait ce que nous avons fait ? Pourquoi toutes ces marches, et ces tempêtes, et ces batailles continuelles ?

-   Dieu l’a voulu.

-   Mais justement : pourquoi l’a-t-il voulu ? Pourquoi a-t-il collé les yeux de la plupart des hommes avec de la glu ? Pourquoi les a-t-il envenimés du goût de l’or et de la possession ? pourquoi a-t-il donné à certains l’intelligence la plus fine pour défendre l’horreur totale ? Lui qui est l’éternel amour et la puissance sans limites, pourquoi nous a-t-il tirés vers le contraire de l’amour ? Pourquoi la haine et la violence sont-elles si fortes, si durables, si constamment établies dans nos cœurs ? Ladrada, mon vieux Ladrada, pourquoi ne sommes-nous pas comme les anges ? » (p. 193)

La grande force de ce récit est de placer face à face deux stratégies argumentatives élaborées, sous forme d'un dialogue vivant et totalement accessible. Le fait d'avoir introduit une statue du dieu aztèque, puis deux indiens, puis des bouffons au sein de "l'arène" permet d'éviter de trop longs discours purement théoriques qui s'avèreraient rapidement soporifiques pour un lecteur lambda.

 

Le rebondissement final est tout à fait surprenant !

Ce que j’ai moins aimé :

-   Rien

Premières phrases :

« Des peuples nouveaux. Qui sont-ils ?

Les habitants du Japon, de la Chine, que Marco Polo visita ? Les descendants d’une des tribus perdues d’Israël ? Les hommes fabuleux de Thulé, dont on parlait depuis l’Antiquité, depuis qu’un navigateur marseillais, nommé Pithéas, au retour d’un périple dans le grand océan de l’Ouest, avait raconté monts et merveilles ? Mais les Marseillais exagèrent, chacun sait ça. »

D’autres avis :

Brize 

Vous aimerez aussi :

Le film

La controverse de Valladolid, Jean-Claude Carrière, Pocket, 1993, 5.20 euros


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