Cet ouvrage est une mine non négligeable pour toutes celles et tous ceux qui désirent en savoir un peu plus sur les quatre Incontournables du roman rose (ou roman "chaste") français, à savoir Delly, Max du Veuzit, Magali et Berthe Bernage. Mais, s'il renseigne largement sur la vie de ces dames, il ne dit malheureusement pas grand chose de leurs livres, tant sur la forme que sur le fond. A peine deux ou trois pages, à la toute fin. Ce qui laisse au lecteur une encombrante impression de frustration.
A tout seigneur tout honneur, Delly ouvre le bal avec une photo qui la montre, avec son frère et partenaire d'écriture, Frédéric Petitjean de la Rosière, debout tous deux derrière leurs parents, dans le jardin de leur petite maison versaillaise. En fixant ce regard intense et sérieux, la seule vraie beauté de cette femme, l'aficionado réalise enfin pourquoi, dans pratiquement tous ses romans, elle a mis l'accent sur les yeux de ses héros. Largement millionnaire à la fin de son existence, en dépit des deux guerres traversées, Melle Marie Petitjean de la Rosière s'éteint à Versailles, le 1er avril 1947, après une existence qu'elle avait voulu strictement anonyme et pour ainsi dire cloîtrée. Son éditeur ne la rencontra qu'une seule fois : elle vivait véritablement retirée d'un monde trop matérialiste, perdue dans un univers de fantasmes et de beauté qu'elle eut le mérite de faire partager à des millions de femmes de par le monde. Sur la tombe où elle repose aux côtés de son frère, rien ne rappelle le pseudonyme devenu référence majeure d'un genre littéraire auquel Delly donna ses lettres de noblesse.
S'avance ensuite Alphonsine Vavasseur, épouse Simonet, mieux connue sous le nom de Max du Veuzit. Avec elle, les héroïnes fragiles, si typiques de Delly, se font plus volontaires mais surtout plus modernes et la religion catholique, si elle est toujours célébrée, n'est plus mise en avant de façon aussi ostentatoire. Le style également diffère : si celui de Delly possède d'indéniables qualités héritées du classicisme, celui de du Veuzit se veut plus familier, avec des mots d'argot qui, à la première publication, ancraient histoire et personnage dans la réalité contemporaine mais qui, aujourd'hui, ont beaucoup vieilli. Détail amusant - et même hilarant - qu'il faut connaître : la toute puissante "Maison de la Bonne-Presse", tenue par l'Eglise de France, fit un procès à Max du Veuzit, dont elle jugeait les romans "peu convenables", voire carrément "osés." Indignée, l'auteur répliqua et, à la fin du compte, la Maison de la Bonne-Presse dut battre en retraite. Max du Veuzit devait mourir le 15 avril 1952.