(Sources : lemonde.fr) Jean-Pierre Bel, président (PS) du Sénat, expose au Monde les projets de François Hollande, candidat socialiste à l'élection présidentielle, pour les collectivités territoriales.
Où en est la décentralisation et comment doit-elle évoluer, selon vous ?
Depuis cinq ans, Nicolas Sarkozy a mis en œuvre une forme de recentralisation. Il a reconcentré le pouvoir dans les préfectures, notamment les préfectures de région, qui se substituent en certains domaines aux préfectures de département. Cela a encouragé tous les effets pervers sans même maintenir la présence de l'Etat dans les départements. Un double mouvement de crispation autoritaire et de concentration s'est opéré. Il nous faut aujourd'hui réenclencher une nouvelle démocratie territoriale et redonner de l'autonomie financière aux collectivités.
Que proposez-vous ?
Pour donner un nouveau souffle à la démocratie territoriale, il faut recréer un pacte de confiance entre l'Etat et les collectivités locales. Pour nous, les collectivités ne sont pas une charge, c'est une richesse. Il faut être clair, nous l'avons toujours dit : la réforme qui a instauré les conseillers territoriaux sera abrogée. Nous allons reprendre la dynamique des contrats de plan Etat-région.
Si le PS arrive au pouvoir, comment associerez-vous les exécutifs nationaux et régionaux ?
Nous proposons la création d'une structure nationale permanente, une forme de "haut conseil", qui réunira les associations représentant les différents niveaux de collectivités territoriales, en lien direct avec le gouvernement. Elle sera obligatoirement consultée sur tout projet de réforme pouvant avoir des incidences dans l'exercice des compétences des collectivités locales. Le Sénat aurait évidemment un rôle, dans cette structure, pour faciliter les échanges et les relations entre les différents acteurs concernés.
N'est-il pas nécessaire de simplifier le "mille-feuilles" territorial ?
Plutôt que de simplifier, terme qui s'est souvent confondu avec dépouiller, je préfère parler de clarifier. Il faut promouvoir un pacte de gouvernance territoriale, dans le cadre d'une conférence des exécutifs locaux. Cette conférence sera réunie dans l'année suivant les élections.
Il faut renforcer le pouvoir des régions, en leur donnant des compétences étendues en matière de développement économique, d'innovation et de formation. Celle-ci est encore trop morcelée ; il faut vraiment considérer que le chef de file en ce qui concerne la formation, c'est la région. Les régions doivent pouvoir accéder directement aux fonds structurels européens, sans que cela transite par le préfet.
Il faut mieux prendre en compte la diversité des territoires, notamment en favorisant les possibilités d'adaptation réglementaire d'une loi en fonction des spécificités, sur des champs déterminés par le législateur, et les capacités d'expérimentation. Jean-Pierre Raffarin avait commencé à ouvrir cette possibilité ; nous allons la reprendre. Donnons un peu de souplesse à notre système !
La suppression du conseiller territorial va-t-elle entraîner une révision des modes de scrutin aux régionales et aux cantonales ?
Pour les régionales, c'est simple : on reviendrait à ce qui a bien fonctionné et qui a fait ses preuves, c'est-à-dire la prime majoritaire au scrutin proportionnel. Pour les conseillers généraux, je pense que les esprits sont ouverts aujourd'hui à une forme de proportionnelle. C'est nécessaire si on veut assurer une meilleure représentation et aller vers la parité.
Que proposez-vous pour la fiscalité locale ?
D'abord, toutes les politiques qui relèvent de la solidarité nationale doivent être financées par le budget national. Puisque ce sont les départements qui sont concernés par ce volet, on pourrait attribuer aux départements une fraction de la CSG.
Ensuite, il faut revenir sur les conséquences négatives de la suppression de la taxe professionnelle. Nous voulons redonner un véritable pouvoir fiscal aux régions. Le barème d'imposition mis en place sur la valeur ajoutée doit être revu, afin que ce ne soit pas au détriment de l'Etat.
Il faudra une nouvelle répartition des impôts entre les régions, les départements et les communes. Chaque collectivité disposera d'un panier d'impôts, assis sur les ressources des ménages et des entreprises, avec la possibilité, pour les assemblées locales, d'en moduler les taux.
La révision des valeurs locatives est absolument nécessaire pour renforcer l'équité et la justice. Enfin, il faudra intégrer les revenus dans l'assiette de la taxe d'habitation.
Comment comptez-vous revivifier la démocratie locale ?
Nous allons d'abord donner un véritable statut aux élus locaux. Je ne reviens pas sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales. Nous irons vers une limitation du cumul des mandats : on ne pourra pas être parlementaire et présider en même temps un exécutif local. On pourrait même s'interroger sur une limitation de la durée des mandats successifs, mais cette question n'est pas tranchée.
Avec le droit de pétition, une assemblée locale sera obligée de se prononcer sur un sujet qu'un certain nombre de citoyens souhaitent voir mis en discussion. Nous voulons également renforcer la participation des citoyens en mettant en place des conseils de développement, qui ont le mérite d'associer plus largement des chefs d'entreprise, responsables d'association ou simples citoyens. La démocratie participative est un principe qui n'est pas oublié.