Ça débute par une mer d’huile, tellement improbable ou glissante qu’on finira par se casser la binette. Le regard détaché, profond, abyssal comme un déficit public, se porte vers la ligne bleue Marine des Vosges. « La France forte », pense-t-il, forte de ses illusions et d’un antisarkozysme galopant, oui. Ces présidentielles seraient-elles tentées par la castagne bête et méchante ? Sarkozy « bayonné » par les peu folkloriques indépendantistes basques et une pincée de socialistes vient d'en faire les frais. La recette d’un « bayonnement » efficace : huées, insultes, œufs et chaises à la volée. De la démocratie gastronomique à l’arrière-cuisine de boui-boui.Pour maintenir la ligne de flottaison, gardons-nous de la Bassine aux eaux troubles. Sirène aux mélodies terre-à-terre, elle nous ferait goûter à tous les récifs pour une plongée fatale. Son « Oui ! la France » a tout de la simulation orgasmique avant l’ingestion de ses proies, telle une vorace mante religieuse.Avec Hollande, l’autre politique du dommage à venir, le paysage est bien plus flou. Il nous annonce simplement que « Le changement c’est maintenant » et, par vague contrepèterie, nous pouvons déceler que les manquements se feront par chuintements, sans bruit, discrètement, avec modestie… Quoique : il semble ne plus mâchonner son socialisme avec honte, il se mélenchonnise même, avec une taxation confiscatoire pour les plus fortunés. Georges Marchais n’avait pas fait mieux lorsqu’il s’en prenait aux « cumulards », les Elkabbach, Duhamel et autres nantis du système, qu’il soupçonnait être passibles de la peine communiste pur jus : « Au-dessus de quatre millions, 100 % d’impôts, je prends tout ! » jubilait l’apparatchik en herbe qu’il restera.François Bayrou a eu le pif de reconnaître un morceau hollandais du « déconnomètre », mais son slogan a tout de la méthode Coué ou du vœu pieux. « Un pays uni » : il va falloir une puissance catalytique hors norme, quasi mythologique, pour y parvenir. La conséquence naturelle : « rien ne lui résiste », formule libératoire qui fait abstraction de l’environnement mondialisé et concurrentiel. Irrésistible Bayrou ? Il y met du cœur en tout cas, comme en 2007, mais cela suffira-t-il à le propulser au second tour ?Avec Mélenchon, pas d’union qui tienne, c’est d’abord aux brimés, aux furieux, aux révoltés de tout poil hirsute qu’il s’adresse. Le regard vers la droite, comme les deux candidats du bord opposé, il harangue et ordonne : « Prenez le pouvoir ». Clarté fracassante de l’objectif, silence révélateur sur les moyens. Un appel à la Révolution ou au coup d’État ne ferait pas mieux.Pour le clin d’œil, les filiations sont parfois étonnantes : on trouve dans l’affiche du Front de gauche pas seulement du NPA et son talentueux Besancenot, mais aussi du NDA, comprenez Nicolas Dupont-Aignan ! N’est-ce pas lui qui, en 2007, sommait : « Français, reprenez le Pouvoir ! ». Comme un air radoté : je prends, je reprends et je me fais prendre… Tragédie du citoyen ordinaire.A côté de celle de l'ex socialiste, l’affiche de Nathalie Arthaud fait bien pâle impression, malgré le rouge envahissant. Le degré zéro du slogan politique est atteint : « Une candidate communiste à l’élection présidentielle », rien que ça ! Sa stratégie électorale se limite à tenter de choper quelques électeurs à l’OVNI Mélenchon, alors elle rappelle sa chapelle idéologique pour ceux qui n’auraient pas associé sa bouille et la couleur choisie au bon parti. Comble de la précision, elle indique pour quelle élection elle se présente : il ne faudrait surtout pas que ses rares soutiens attendent les législatives, voire les municipales, pour lui apporter leur voix. Là, au moins, on ne va pas s’échauffer les neurones en exégèses de la communication.Cela inciterait presque à prendre nos vacances printanières avec Éva Joly. La mine rayonnante, la tenue mi-saison, les lunettes fraîchement ôtées pour nous fixer sans détour et sans obstacle, elle nous invite à ce choix radical, celui… du tournesol ! Une France héliotrope, voilà qui pourrait être un remède à la crise…Après les affiches, j’attends, la plume aiguisée, les programmes imprimés de chacun, pour s’amuser un peu comme en 2007, avant l’isoloir fatal et cinq ans d’épreuves. La tasse pour tout le monde. Santé !