Voilà longtemps que je ne m'étais pas trouvé face à un disque aussi bien pensé. Conçu comme une pièce intégralement
tournée vers nos émotions les plus profondes, "Baboon Moon" est à voir autant qu'à écouter et tient une place à part dans l'oeuvre de Nils Petter Molvaer. Il est une
invitation au voyage, un puits sombre et infini que la noirceur de son antre inspire autant qu'elle rebute. Le paradoxe de mon constat tient sans doute dans cette construction "sur le fil" que le
groupe est parvenu à atteindre, mais aussi dans le rendu sonore très linéaire qui nous immerge dans un état d'apesanteur long et dérangeant, qui s'étire à l'extrême, à la limite de l'angoisse
(lunaire est en cela très bien choisi). 45 jours de studio, de nouveaux musiciens venus prêter leurs voix (Stian Westerhus pour les pianos préparés et les nappes de synthés, la
guitare acoustique, électrique, et baritone, Erland Dahlen à la batterie, aux percus, et à l'harmonium), et à l'entendre en parler lors d'interviews, il semble qu'il ait trouvé
en eux les même fervents défenseurs que lui de la lutte contre l'immobilisme artistique. Quoi que l'on en pense, la prise de risque est importante et mériterait à elle seule quelques honneurs
mérités. Et puis aussi parce que des trios comme celui-là, aussi singulier et inventif (je ne vous parle pas de musique abstraite ni de ligne "free"), à la recherche d'un son et d'une identité
forte, et ben à l'heure actuelle y'en a pas des masses.C'est que "Baboon Moon" a fait couler pas mal d'encre depuis sa sortie fin 2011 (enfin tout est relatif). Entre
jazz-ethnique, rock-progressif, électro-ambiant, beaucoup ne s'y sont pas retrouvés et se sont perdus en cours de route. Chez certains critiques, le principal souci de posture, au-delà de la
simple critique subjective, serait justement de savoir sur quel pied danser, parce que sinon, forcément on tombe. Avant même de s'intéresser à l'oeuvre dans sa globalité, ils se questionnent sur
son intérêt en y recherchant son rapport au jazz, comme si guitares électriques, multi-effets, synthétiseurs et programmations n'étaient pas compatibles, comme si la génétique refusait cette
construction. Parce que savoir si cette musique est du jazz, ça c'est une question qu'elle a son importance dans le débat.AmazoniTunesOfficiel