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Quai d'Orsay

Publié le 02 mars 2012 par Egea

L'autre jour, ma tantine préférée m'offre la BD "Quai d'Orsay". Je l'avais lue en feuilleton cet été dans Le Monde, mais là on a l'histoire complète et en couleur. C'est hilarant. Et égéa en parle, non parce que ça évoque les affaires internationales, (même si ce n'est pas inintéressant, mais là-dessus, vous trouverez des tartines partout), mais pour un autre aspect.

Quai d'Orsay
source: une autre critique de la BD

1/ En un mot, la BD conte l'histoire d'Alexandre Taillard de Worms, sémillant ministre des affaires étrangères, qui rompt des lances contre les États-Unis pour empêcher ceux-ci d'obtenir un blanc-seing des Nations-Unies avant d'attaquer le Lousdèm, pays moyen-oriental soupçonné d'avoir des armes pas bien du tout. Vous avez donc reconnu Villepin et la bataille homérique de 2003 sur l'Irak. C'est d'ailleurs parce que l'histoire est connue qu'au fond, elle n'est pas ce qui suscite l'intérêt. Le plus important ne réside pas dans ce qu'on nous raconte, mais dans l'élaboration des positions.

2/ D'ailleurs, quand j'écris cela, je me trompe : l'intérêt n'est pas diplomatique. Il est dans la mise au point d'une décision, et donc dans le rapport entre un dirigeant et son entourage. Au fond, c'est une histoire de commandement.

3/ Là, le dessin est hilarant quand il montre les attitudes des conseillers autour d'une table, les attitudes des uns et des autres, les conciliabules, les mimiques impayables et en fait le phénomène de cour qui se fait jour dès qu'un personnage a du pouvoir. Quiconque a, de près ou de loin, "entouré" un homme important, que ce soit un directeur d'une PME, un préfet ou n'importe quoi de ressemblant, sans même parler des "grands ce ce monde, dans l'administration ou dans les "grands groupes", retrouvera ces manigances des entourages.

4/ Soyons honnêtes et indulgents : oui, il y a de la courtisanerie et de l'arrivisme, mais on ne peut réduire le rôle de ces entourages à cette seule attitude. Chez beaucoup, il y a aussi l'intérêt, et surtout le sentiment un peu ébouriffant d'être près du pouvoir et donc co-auteur de la décision. Les conflits ne sont pas que carriérisme, car la BD montre également le phénomène de club, cet entre-soi forcément déplaisant pour les autres, mais si agréable pour les élus. Il reste que c'est hilarant de voir les petites vacheries et les solidarités un peu vaines, les naïvetés et les coups-tordus, et surtout l'incompréhension devant "le grand homme".

5/ Car ne nous y trompons pas, le plus intéressant est évidement le Minotaure, la flamboyant, cultivé et fantasque, insupportable et si français. Inspiré, terrorisant son entourage, ne doutant de rien, survolté et ayant l'instinct de la ligne politique qu'il faut tenir, "pour la grandeur de la France", avec ses ridicules (le "taylorisme du terrorisme", formule vaseuse s'il en est) et ses sommets ("Et c'est un vieux pays, la France, d'un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs. Et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur" voir ici le verbatim).

6/ Ce qui m'intéresse, ce sont les relations entre le dirigeant et ses conseillers, cette manière de les surprendre, car un chef, souvent, surprend. Est-ce parce que vous surprenez vos subordonnés que vous êtes un chef ? probablement pas. Mais il est vrai qu'un chef a cette capacité de dépasser le résultat de "l'appareil", de la technostructure, pour réintroduire (est-ce de l'instinct? est-ce son expérience ? sont-ce des informations qu'il a que les autres n'ont pas ? est-ce son sens tactique?) de la diversité là où la convention prévaut. Un chef dynamise une organisation. Non que celle-ci soit inutile, ce serait ne rien comprendre à ce qui se passe. Mais une organisation doit être dépassée par son dirigeant qui ne doit pas s'y arrêter s'il veut que tous progressent ensemble. Au fond, une qualité du chef constitue ce mélange paradoxal entre la confiance qu'il accorde à l'organisation qu'il a sous ses ordres et la liberté qu'il prend avec elle pour aller au but : ce qui sous-entend, toutefois, que le chef a une idée du but qu'il veut atteindre. Là est au fond le problème le plus fréquent.

Mais je suis là trop sérieux au sujet d'un volume qui n'est, d'abord, qu'un très bon moment de détente.

O. Kempf


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