Je décide de tenter ma chance: je monte dans un minibus pour Dafni, et de là je marche en suivant le rivage, car je n’ai pas de plan. Dans mon sac j’ai un demi-pain, que j’ai acheté en prévision à Salonique et qui tient étonnamment bien la route. A raison de deux heures de marche je compte arriver largement avant le coucher du soleil, où les monastères ferment leurs portes.
Le chemin, qui suit la côte, est une splendeur. Je vois à des milles sur la mer calme, le ciel est d’un azur intense, je serpente en suivant les caps et les criques, au flanc d’une côté toujours abrupte. Je grignote un morceau de pain pour me donner du courage et je marche dans le silence radieux.
Le monastère s’élève au sommet d'un éperon rocheux qui se sépare du corps de la montagne et s’avance, à pic, vers la mer. La paroi est presque verticale, si bien qu’il y a à peine une rupture entre les sept étages du monastère et la falaise à pic. Quand on marche sur les encorbellement de bois qui permettent de communiquer par l’extérieur, on est au-dessus du vide.
Je m'installe; dîner; office; discussion avec un moine suisse; enfin, avant la fermeture des portes, je pousse une porte et je m'aventure sur les encorbellements de bois qui font le tour de la forteresse.
Les planches craquent sous mes pieds. Quelque part à l'intérieur, le cliquetis des marmites qu'on fourbit. La lumière blafarde d'une ampoule m'éblouit; j'interpose un pilier de bois entre elle et moi, et j'habitue mes yeux à l'obscurité.
Sous mes pieds, loin, le fracas d'un torrent; face à moi, la mer obscure; et vers le ciel, immense et calme, et découpé par le bois des échafaudages, la pureté des étoiles.