Cependant, il avait fini par se sentir vieux. Cette conscience du temps le dérangeait, l’empêchait de s’en tenir aux pures sensations, le contraignait à admettre les années, les jours. L’âge lui avait toujours semblé une idée abstraite. Les adultes se remémoraient les meilleurs moments de leur vie, et c’est ainsi qu’ils se rassuraient quand il était trop tard. Pour les adultes, il était toujours trop tard, pour tout. L’enfance, au contraire, était un printemps toujours neuf qui repoussait la vieillesse dans un au-delà. Le vertige des pentes et l’éternel assemblage des mécanismes, eux aussi, nécessitaient de faire abstraction des années. Les adultes, se disait-il, n’avaient pas ce genre de préoccupations. Les adultes pensaient.
Il ne faisait part de ses obsessions qu’avec réticence. Entrer dans le giron des innombrables associations pour handicapés, c’eût été renoncer à sa condition. Il avait ces cercles en horreur. Ils étaient aussi traîtres que l’écoulement de son sablier ou que les mécanismes de mesure qui faisaient croire à la plupart des gens que le temps…