A propos de Cass. Com. 29 novembre 2011, Pourvoi n°10-26.969, 192
La première a assigné la seconde en contrefaçon de marques concurrence déloyale et parasitisme, publicité trompeuse et mensongère, après avoir fait constater par huissier de justice puis par un agent assermenté de l’APP que la requête des termes « heden », « max-in-power » et « PCA France » dans le moteur de recherche Google générait l’affichage de liens commerciaux proposant à l’internaute la connexion à des sites Internet de revente de produits informatiques commercialisés par le concurrent sous sa propre marque (ADVANCE).
Grief était ainsi fait au concurrent d’utiliser sa dénomination sociale (PCA France) et ses marques (HEDEN et MAX-IN-POWER) à titre de mots clés dans le système de référencement Google Adwords.
La Cour d’appel de Paris, par son arrêt du 15 septembre 2010, condamna ce concurrent pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale.
Ce dernier forma un pourvoi fondé en grande partie sur les arrêts de la CJUE du 23 mars 2010 (CJUE, 23 mars 2010, Affaires C- 236/08, 238/08) par lesquels la CJUE a dit pour droit que : « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une Entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ».
Selon le concurrent, tel n’était pas le cas en l’espèce dès lors que les annonces litigieuses répertoriées sous la rubrique « Liens commerciaux » étaient dépourvues de toute référence aux marques prétendument contrefaites et permettaient à un internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir que lesdites annonces étaient sans rapport avec le titulaire desdites marques. Sur le terrain de la concurrence déloyale, le concurrent indélicat faisait pareillement valoir qu’un internaute moyen, normalement informé et raisonnablement attentif qui entre une requête par mot-clé dans un moteur de recherche, est susceptible a priori de faire la différence entre les résultats naturels de sa recherche et les liens commerciaux générés qui s’affichent, sous une bannière dédiée, dans une partie nettement distincte de l’écran.
L’argumentation est rejetée par la Cour de cassation qui considère que les annonces litigieuses ne permettaient pas ou ne permettaient que difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits visés par l’annonce provenaient du titulaire des marques utilisées à titre de mot clé dans le système de référencement Adwords ou d’une entreprise économiquement liée à celle-ci. En effet, la Cour constate que certains liens commerciaux renvoyaient les internautes vers des sites proposant des produits identiques portant les marques contrefaites et que d’autres liens renvoyaient les internautes vers des sites portant la marque du concurrent.
C’est en raison de cette confusion possible dans l’origine de ces différents liens commerciaux que la Cour de cassation semble fonder sa décision.
Ce même risque de confusion est retenu pour caractériser l’acte de concurrence déloyal commis par l’utilisation de la dénomination sociale de la société PCA France à titre de mot clé dans Google Adwords ; au motif que les adresses des sites associées aux annonces incriminées ne permettaient pas d’identifier clairement l’annonceur.
Cet arrêt offre une nouvelle pierre à l’édifice de la construction jurisprudentielle entreprise depuis 2010 en matière d’usage de signes distinctifs à titre de mots clés dans le système de référencement Google Adwords.
S’il est difficile d’en apprécier la portée concrète en l’absence d’analyse des annonces litigieuses, il semble qu’il puisse être de l’intérêt des titulaires de marques de permettre l’usage de leur marque par des sites partenaires pour accentuer la confusion dans l’origine des annonces ; un internaute normalement avisé ne pouvant alors plus distinguer de facto les annonces émanant du titulaire de la marques ou de sites économiquement liés de celles émanant de tiers non autorisés.
La guerre du référencement se poursuit donc et les stratégies juridico-marketing devront s’affiner en tenant compte de cette évolution jurisprudentielle qui se poursuivra en cette année 2012.