The Stories of Elizabeth Spencer Traduction : Simone Darses, Geneviève Doze & Monique Manin
Extraits Personnages
Dix-sept nouvelles en tout, qui se déroulent toutes dans le Sud - sauf "Moi Maureen" - des Etats-Unis, dans la petite ville de Richton, dans le Mississippi. On peut voir d'ailleurs dans cette ville l'alter ego littéraire de celle où naquit et grandit l'auteur tout comme la famille Wirth et ses ramifications évoquent sa propre parentèle.
Si l'on excepte la première nouvelle, "A la Brune", où se manifeste le spectre d'un vieil homme noir, et "Sharon", où la narratrice se rappelle la liaison qui existait entre son oncle Hernan et une servante, Mélissa, qui lui avait d'ailleurs donné quatre ou cinq enfants, on ne croise ici __aucun Noir. C'est l'univers des Blancs - ceux de la classe moyenne et mieux encore ceux de la vieille aristocratie sudiste, ayant ou non sauvé leur fortune du naufrage de la Sécession - que nous dépeint Elizabeth Spencer. De temps à autre, se profile la silhouette d'un "pauvre Blanc", paysan ou ouvrier agricole, et de sa misérable famille, mais sans la vigueur, la hardiesse et la hargne teigneuse que leur prête même une Margaret Mitchell.
A vrai dire, ces nouvelles parlent beaucoup du statut des femmes dans la société sudiste, un statut qui, quoi qu'on en dise, ne semble avoir guère changé depuis la Guerre civile. "Etre belle, tout supporter et se taire", la Scarlett d'"Autant en emporte le vent" jugeait déjà la chose stupide et injuste et l'avis de Spencer, s'il est un peu plus délicatement exprimé, n'en diffère guère. Ses héroïnes, jeune ou plus âgées, se retrouvent confrontées à des soupirants ou des maris qui veulent tout diriger (ou, à tout le moins, le faire croire) et qui boivent, semble-t-il, plus que de raison puisque, dans le Sud, boire est un art de vivre, en tous cas pour les hommes. Les plus modernes, celles qui ont le plus de moyens intellectuels et financiers, se rebellent et s'enfuient un peu plus au Nord pour tenter d'échapper à l'existence que leur a préparée la Tradition. (L'une d'entre elles, Maureen, ira même jusqu'au Canada pour tout oublier et se faire oublier.) Les plus "coincées" ou celles qui ont eu le malheur de naître trop tôt dans le siècle restent et se confient à la religion ou à la dépression - parfois aux deux. Comme les plus pauvres de leurs soeurs, elles subissent et se résignent.
Sortant tout juste des merveilleuses nouvelles d'Elizabeth Taylor lorsque je décidai de lire celles de Spencer, je pense n'avoir pas apprécié les siennes autant que j'aurais dû. Mais je sais avoir retrouvé en elle cette atmosphère inimitable, moite et lourde, qui vous donne l'impression de voir le Temps passer devant vous d'un pas superbement ralenti, cette atmosphère qui apparaît aussi bien chez Faulkner, Thomas C. Wolfe et Caldwell que chez Mitchell, O'Hara et Conroy et qui n'appartient qu'aux auteurs du Sud.__
Cela, déjà, suffirait pour lire un autre livre d'Elizabeth Spencer. Nous en reparlerons. ;o)