Les subventions aux entreprises sont souvent une mauvaise utilisation des fonds publics. Nos politiciens donnent des subventions, et en retour les multinationales promettent des emplois. Seul problème : ces promesses sont intenables.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.
Don Drummond, l’économiste mandaté pour analyser les services gouvernementaux et proposer des économies, est catégorique : les subventions aux entreprises sont souvent une mauvaise utilisation des fonds publics. Elles contribuent peu à améliorer le niveau de vie des citoyens.
Hier, Le Devoir dévoilait une entente secrète entre Alcan (maintenant Rio Tinto Alcan), le gouvernement Charest et Hydro-Québec. Selon l’entente, pendant un arrêt de travail Hydro-Québec doit acheter l’électricité que la multinationale continue de produire. Et ce, à un tarif qui permet à Rio Tinto Alcan de faire un bon profit. L’entreprise profite aussi d’un prêt sans intérêt de 400 millions $ de dollars sur 30 ans, en plus d’une « aide fiscale » de 112 millions $. En échange, Rio Tinto Alcan s’engage à maintenir son siège social à Montréal et à créer des emplois. Mais attention : selon l’entente, en cas de lock-out (comme c’est le cas en ce moment), l’entreprise peut se soustraire à ses obligations…
Les promesses
C’est toujours la même chose. Nos politiciens donnent des subventions, et en retour les multinationales promettent des emplois. Seul problème : ces promesses sont intenables. Les emplois dépendent de la croissance économique, et des réalités propres à chaque industrie. Pas des subventions.
Prenez le secteur pharmaceutique. Les gouvernements offrent des centaines de millions en crédits d’impôt à la recherche et au développement. Ainsi que la fameuse « règle de 15 ans », où Québec rembourse à l’entreprise un médicament d’origine pendant 15 ans, même si son brevet expire avant. Qu’en est-il des emplois ? Le nombre de Québécois travaillant dans le secteur pharmaceutique ou la fabrication de médicaments est passé de 10 422 en 2006, à 7 549 il y a quelques mois, selon le Globe and Mail, qui cite les chiffres de Statistique Canada.
Même chose dans l’aéronautique. Depuis des années, nous prêtons ou donnons des centaines de millions $ au secteur aéronautique (Pratt & Whitney, Bombardier et CAE, entre autres). Et nous les aidons, plus subtilement, avec les garanties de prêts d’Exportation et développement Canada (EDC). À chaque fois, c’est pour créer des emplois, nous dit-on. Pourtant, ce secteur emploie aujourd’hui des milliers de travailleurs de moins au Québec qu’il y a 10 ans. Et ces entreprises, notamment Bombardier, sous-traitent une part grandissante de leur production au Mexique.
La nouvelle mode
Ces derniers temps, nos politiciens se sont trouvés une nouvelle passion du jour : le jeu vidéo. On attire ici les THQ, Warner Bros ou Ubisoft avec des cadeaux démesurés. Des subventions directes, mais aussi des crédits d’impôt d’environ 30% sur les salaires, et d’autres sur les activités de recherche et développement. Au point que le salaire de certains employés est presque payé entièrement par les contribuables ! Et on parle ici de multinationales, qui font des centaines de millions en profit. Pour l’instant, les emplois sont au rendez-vous. Mais ces entreprises n’hésiteront pas à faire leurs valises sitôt que la rentabilité ne sera plus au goût des actionnaires.
Les subventions entraînent du gaspillage, et leurs résultats sont difficilement mesurables, note Drummond dans son rapport. J’ajouterais que trop souvent, le gouvernement redistribue la richesse. De votre portefeuille, à celui de ses groupes d’intérêt favoris.
Au lieu d’inventer de nouvelles taxes chaque année, qu’attendent nos élus pour faire le ménage là-dedans ?
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Sur le web.