A la lecture d'un article sur Bakchich et suite aux résultats du 1er tour des élections municipales 2008, je suis surpris d'apprendre que JC Decaux n'ait pas mieux anticipé le contexte politique actuel et ses répercussions sur son activité. Décryptage de l'entreprise et ses enjeux…
L'entreprise, créée en 1964 par Jean-Claude Decaux, est désormais dirigée par ses 2 fils [Jean-Charles et Jean-François] et génère un chiffres d'affaires d'environ 2 milliards d'€ pour un résultat net de 201 millions d'€ en 2006. A son actif, on compte 3 innovations majeurs: l'abribus [1969], les panneaux roulants [1976], le Cyclocity [2007] qui ont transformé le paysage urbain. Une politique de R&D volontariste donc, une philosophie qui en dit long sur les objectifs stratégiques [”Cash is king”], alliée à un travail de lobbying permanent pour la préservation de ces sources de profit [Paris et les Vélib'] et la conquête de nouveaux marchés [exemple du Japon].
Résultat: le groupe est aujourd'hui le n°1 mondial du Mobilier Urbain avec 334 000 faces publicitaires exploitées dans 41 pays.
L'activité est ventilée entre la vente d'espace pub sur le mobilier urbain [50% CA], sur les transports [26%] et sur les panneaux d'affichage grand format lumineux [24%] à travers 5 zones géographiques: la France en tête (30%) suivie du Royaume Uni (14%), de l'Europe (35%), de l'Asie-Pacifique (13%) et de l'Amérique du Nord (7%).
Le business model de l'entreprise fonctionne selon le principe de déléguation de service public et sous forme de contrats renouvellables [généralement pour 10 ans]. En clair, JC Decaux fournit et gère le mobilier urbain pour le compte des municipalités en échange de son exploitation publicitaire. Le Velib' est en fait un service additionnel, qui a servi d'argument commercial à JC Decaux à un moment où de nombreuses délégations arrivaient à échéance.
Les risques liés à l'activité de JC Decaux sont nombreux et on retrouve en bonne place les problématiques politique et citoyenne françaises, d'autant plus importantes que la France représente 30% du CA global.
- Au niveau politique, le groupe redoute le renouvellement des élus car les nouvelles équipes municipales n'hésitent pas à renégocier leurs contrats de délégations dès leur arrivée au pouvoir, alors que le mobilier urbain représente 77% du résultat d'exploitation en 2006. Dans ce contexte, la confiance des marchés s'effrite [UBS baisse ses objectifs] et le cours de l'action chute de 25% depuis janvier 2008.
- Je ne doute pas que le groupe soit très expérimenté en matière de lobbying et d'approche internationale de marché dans la mesure où il est systématiquement en concurrence avec Clear Channel et CBS Outdoor sur tous ses appels d'offres publics. En revanche, un travail de veille politique pourrait lui permettre d'établir une cartographie prévisionnelles des tendances politiques par ville afin de dresser un budget anticipatif des renégociations. Ceci en s'appuyant sur des sources internet (blogs, sites, forums politiques locaux) et sur le maillage local de JC Decaux [réseau de commerciaux et contacts] en systématisant la remontée d'information.
- Au niveau marché, l’ouverture de la pub tv à la grande distribution l'a privé d'une partie de la manne des grands groupes d’hyper et supermarchés. La politique d'innovation et la force commerciale du groupe sont là pour minimiser l'impact de ce manque à gagner.
- Un travail de veille normative pourrait également permettre à ses dirigeants de mieux anticiper la normalisation de certains secteurs et leur impact sur différents aspects sensibles de l'entreprise [urbanisation, marchés publics et conditions publicitaires entre autres]
- Au niveau citoyen et militant, JC Decaux est victime d'attaques permanentes de la part de collectifs anti-pub et a systématiquement recours à des procédures judiciaires. Il est vrai qu'Internet est le terrain de prédilection de beaucoup de mouvements plus ou moins clandestins. On y trouve des communauté militantes organisées, visibles et actives qui revendique le droit à la liberté visuelle et qui deviennent de plus en plus réfractaires à toute forme de publicité. JC Decaux fait d'ailleurs partie des entreprises qui déclenchent des réactions virulentes et qui possèdent une très mauvaise e-réputation auprès de ces populations d'internautes.
- Dans ce contexte, la mise en place d'une veille d'opinion pourrait permettre au groupe de mieux anticiper les actions anti-pub locales et leur potentiel de nuisance, de détecter et de qualifier les nouveaux mouvements [exemple des déboulonneurs], de repérer les supports viraux et hoax mis en ligne dans une optique de buzz négatif. Bref, l'objectif serait de mettre en place une sorte d'indice de tolérance à la pub et d'activés des alertes en cas de crise de réputation potentielle.
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