Les super-riches ou le chantage affectif

Publié le 02 mars 2012 par Vogelsong @Vogelsong

“Quand on menace les riches ce sont les pauvres qui ont peur” F. Mitterand à Pau le 18 avril 1981

Quand la raison ne suffit plus, il reste les affects. Rien ne prédispose l’électeur moyen plafonnant à un SMIC et demi à prendre fait et cause pour le millionnaire. Il y a même tout lieu de penser qu’en ce bas monde, le travail ne conduit pas à l’opulence matérielle. Et que comble du malaise, le talent n’est pas valorisé à sa juste mesure. C’est ce que pourrait ressentir en son tréfonds une infirmière officiant en soins palliatifs, ou le patient technicien d’un SAV informatique qui perçoit les stridulations du nanti que l’on rançonne. Qu’entre le travail et le talent, la richesse et l’opulence, beaucoup font l’amalgame, usent de ressorts fallacieux pour se donner la bonne conscience d’entretenir le pire.

Christopher Dombres

Que lorsque l’on indispose un millionnaire en menaçant de l’amputer d’une menue partie de son magot, le laissant pour ainsi dire moins millionnaire, il y a toujours quelqu’un pour nous rappeler l’indispensable nécessité de l’abondant. De celui qui entasse au-delà de la limite et du raisonnable. Etant entendu, et on ne cesse de le répéter, que le monde est fait de rareté. Dans ce contexte, disposer de l’infini et pouvoir s’y servir à l’envi revient à profiter de la plénitude de l’existence. Comment a-t-on pu atteindre ce niveau de délire ?

Il aura fallu forger une opinion publique capable de prendre le parti des super riches. Un artefact de communication enrôlant l’immense majorité au profit d’une infime minorité. Pour que tous aient le sentiment de vivre le même rêve. Certains réellement, d’autres par procuration. C’est la magie des médias.

Pour évoquer la pauvreté on fait appel aux discours éclairés de riches politologues. Pour parler d’opulence on évoque les états d’âmes de ces ventrus que l’on va spolier. En insistant fortement sur le caractère confiscatoire du traitement. Quoi qu’il en soit le point de vue est toujours le même. Pour parler des pauvres on interroge les riches, et pour parler des riches on interroge les riches. La classe dominante fait la claque.

Comment ne pas expliquer aux 23 millions de salariés Français qu’ils ne seront jamais riches en travaillant ? Mais leur faire admettre l’absolue nécessité de soutenir une hyper classe lascive détentrice (en plus du capital) des symboles de la réussite, et de talent. Que ferait le pays sans le centile le plus fortuné ? Qui ferait travailler les gueux, les sans visages, dépourvus de “talents” ? Tout simplement en les enrôlant affectivement.

Car cela va bien au-delà du ruissèlement, thèse fourre-tout consistant à supposer que la richesse s’écoulerait du sommet vers les soubassements. Que le lucre des dominants finirait à la fin des fins par baigner du minimum les plus nécessiteux. En d’autres termes, qu’il y aurait une justice redistributive dans la chute des miettes.

Mais cela va bien au-delà. Vient alors la rhétorique du départ. Celle du détachement avec nos symboles. Car plus que la perte de leur manne financière, c’est la rupture symbolique avec le pays qui ferait mal à sa population. Footballeurs, acteurs, capitaines d’industries, objets de gloire quotidienne du système de communication de masse qui fait office de medias. Etrange spectacle que la fierté nationale d’un oscarisé à Hollywood, dont la piétaille se gargarise. Jusqu’à en oublier son propre courage, son propre talent. Et se sacrifierait même, elle et sa progéniture, pour conserver ce joyau dans le patrimoine culturel (mais surtout affectif) de l’hexagone…

…Délirant.

Vogelsong – 1er mars 2011 – Paris

Note : Citation de F. Mitterrand dénichée par Benjamin Oulahcene