De nouvelles têtes à couper en cas de victoire de François Hollande à
l’élection présidentielle ? Malgré l’anachronisme, c’est pourtant bien ce vers quoi on s’acheminerait… Un nouvel État PS après l’État UMP !
Considéré par certains comme trop "social-démocrate", le
candidat socialiste François Hollande est obligé, jour après jour, de donner quelques gages de gauchisation de sa campagne.
75% de taxation !
Le 27 février 2012, le scoop, c’était cette mesure très électoraliste sur la tranche de l’impôt sur les
revenus à 75% pour les très hauts revenus. Mesure inefficace, sans aucune préparation (aucun test ni
projection n’a été fait, ni en nombre de foyers fiscaux concernés, ni en recettes prévues), sans même de concertation avec son plus proche conseiller fiscalité, Jérôme Cahuzac (« Je sens que je vais passer une bonne soirée ! » dit-il très gêné sur France 2 le même jour), et surtout, d’une démagogie extraordinaire pour
vêtir les habits d’un candidat anti-riches sans imaginer que parmi ceux qui gagnent des revenus très élevés (certainement excessifs), il y a certes des patrons salariés de grands groupes, mais
également des sportifs de haut niveau, des chanteurs, des acteurs… qui auront tous les moyens pour s’expatrier et donc appauvrir un peu plus la France.
D’ailleurs, beaucoup d’observateurs n’ont pas hésité à parler de "politique confiscatoire" et ceux qui
soutiennent ce genre de mesure, alimentant en général un antiaméricanisme primaire (contre l’origine du "mal capitaliste"), se pavanent paradoxalement avec le rappel que le Président Franklin
Delano Roosevelt avait taxé jusqu’à 91% les revenus supérieurs à 200 000 $ (l’équivalent de 1 M$ aujourd’hui), en oubliant de préciser que c’était en 1941, en pleine période de guerre et
qu’il aurait été bien délicat de s’évader fiscalement dans ces conditions.
François Bayrou n’a
pas hésité, le 28 février 2012 sur BFM-TV, à faire parler à ce sujet Michel Audiard : « Le déconomètre fonctionne à plein
tube ! » et Nicolas Sarkozy a appelé à la rescousse, le 1er mars 2012 sur France
Inter, le talent de l’acteur surrécompensé Jean Dujardin. Il serait intéressant de demander à Jacques Delors ou à Michel Rocard ce qu’ils en penseraient.
Congrès de Valence de 1981
En fait, il y a aujourd’hui un petit vent de congrès de Valence qui traverse le Parti socialiste.
Rappelez-vous ce congrès de Valence, premier congrès du PS après la victoire historique du 10 mai 1981, où
le futur ministre Paul Quilès, polytechnicien de 39 ans, député de Paris et secrétaire national du PS, n’avait pas hésité à réclamer des têtes en affirmant : « La naïveté serait de laisser en place des gens déterminés à saboter la politique voulue par les Français, recteurs, préfets, dirigeants, d’entreprises
nationales, hauts fonctionnaires. ».
Après coup, celui qui fut le directeur de campagne de François
Mitterrand en 1981, surnommé depuis lors Robespaul, n’a cessé d’expliquer dans les médias qu’au contraire, ses
propos visaient à modérer l’ardeur révolutionnaire de ses camarades, à éviter la chasse aux sorcières, en faisant référence à la cause historique de la chute de Robespierre (il n’avait pas
indiqué aux conventionnels le nom des prochains guillotinés), raison qu’aimait citer régulièrement François Mitterrand auprès de ses proches.
Si Paul Quilès, soutien de Martine Aubry pendant la primaire socialiste, a raison sur le plan historique, ses mots étaient cependant politiquement marqués (il le reconnaît lui-même) par une sémantique typique
des coupeurs de têtes qui n’avait rien pour rassurer : « Ce faisant, je commettais l’erreur de prononcer un nom, Robespierre, ayant une forte
charge négative et de surestimer les connaissances historiques des commentateurs. ».
Je persiste à penser que, si la bonne foi de Paul Quilès n’est bien sûr pas en doute, sa maladresse est
évidente car il a voulu en fait raconter cette histoire comme le faisait François Mitterrand, mais à contretemps. La journaliste Michèle Cotta a d’ailleurs noté dans son cahier secret, alors que Michel Rocard venait de lui dire que Paul Quilès et Lionel Jospin étaient des « psychopathes » :
« Ce sera, prévoit-il, celui de la victoire d’un clan. Le congrès de Valence me démontre en effet que les socialistes ont joué l’esprit de clan
contre l’unanimité ! ».
Voici d’ailleurs le texte exactement prononcé de l’intervention de Paul Quilès le 23 octobre 1981 à
Valence : « Croyez bien, chers camarades, que personne ne nous serait gré de laisser en place tous ces hauts responsables de l’économie ou de
l’administration qui sont nos adversaires. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Souvenons-nous qu’en politique, faire un cadeau de ce genre, c’est se condamner soi-même. Mais il ne faut pas non
plus se contenter de dire, de façon évasive, comme Robespierre à la Convention le 17 thermidor 1794, des têtes vont tomber. Il faut dire lesquelles et le dire rapidement. C’est ce que nous
attendons du gouvernement car il en va de la réussite de notre politique. » (Source : INA).
La réalité, donc, c’est que Paul Quilès a bien parlé de "têtes" à faire "tomber" et ce n’est pas seulement
une "charge négative", ce sont tout simplement des mots inacceptables à entendre dans une démocratie pacifiée. Peut-être l’éloignement de leur mentor, François Mitterrand, au Sommet de Cancun,
a-t-il incité ses sbires à faire du zèle ?
L’adversaire, la finance !
Dans ce même congrès de Valence, le même jour, le Ministre de l’Intérieur Gaston Defferre n’avait pas hésité
non plus, lui ordinairement au centre gauche, à gauchiser son discours juste après la décision des nationalisations en conseil des ministres : « En ce qui concerne les banquiers, c’est simple, c’est eux ou nous ! ».
Le Président de l’Assemblée Nationale, Louis Mermaz, avait également enfoncé le clou contre la « dictature des banques » : « Il faut que le gouvernement frappe vite et fort, il faut qu’il
frappe vite et fort s’il veut lutter efficacement contre le chômage, contre les hausses de prix abusives, contre le sabotage de l’économie, contre les complicités qui vont au-delà de nos
frontières. ».
Cela ne vous fait-il pas penser à quelque chose ? Dans son meeting du Bourget, François Hollande n’hésitait pas, non plus, le 22 janvier 2012, à reprendre ce mot d’ordre
simplissime : « Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de
visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant, il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » (Source : le candidat). Heureusement qu’il va de temps en temps à Londres (29 février 2012) ou qu’il donne des interviews au "Guardian" (13 février 2012) pour rassurer… les "riches".
Nominations dans la haute fonction publique
L’esprit de Valence, il se hume dans le partage des dépouilles (méthode purement américaine) auquel voudrait
procéder François Hollande dans l’éventualité de son élection. C’est en tout cas ce que vient de lui reprocher Nicolas Sarkozy en pensant qu’il se mettrait à « remplacer (…) les préfets (…) qui, d’une manière ou d’une autre, ne partagent pas les idées de la gauche ».
Certes, la 48e proposition de François Hollande
pourrait rassurer : « J’augmenterai les pouvoir d’initiative et de contrôle du Parlement, notamment sur les nominations aux plus hauts postes de
l’État afin de les rendre irréprochables. ». Le PS l’a toujours promis dans ses campagnes électorales depuis trente ans, mais ce genre de proposition n’est qu’hypocrisie pompeuse.
Un élément qui ne trompe pas, en effet : François Hollande a été très clair dans son interview sur
BFM-TV le 19 février 2012. Répondant à une question de la journaliste Sylvie Pierre-Brossolette, il a dit explicitement, parlant des hauts fonctionnaires : « Aucun de ceux qui aujourd’hui exercent des responsabilités et qui sont loyaux n’ont à s’inquiéter, mais en revanche, ceux qui sont liés à ce système auront
forcément à laisser la place à d’autres. » (Source : le
candidat). J’imagine que la loyauté dont il serait question, ce serait la carte d’adhérent du Parti socialiste.
Du reste, il l’avait déjà exprimé dès le 10 janvier 2012, devant trois cents hauts fonctionnaires :
« Je sais que certains d’entre vous sont aussi là parce qu’ils cherchent des postes. Ils ont raison, car des postes, il y en aura. »
(Source : "Le Monde").
Le préfet d’Île-de-France, Daniel Canepa, qui est aussi le président de l’Association du corps préfectoral et
des hauts fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur, a tempéré cette inquiétude ce 1er mars 2012 avec une mise en garde : « Les
préfets en poste sont attachés aux règles républicaines qui comportent la continuité du service public. Ils se doivent, et ce quelles que soient leurs convictions personnelles, d’être impartiaux
et loyaux quel que soit le gouvernement. Ils refusent d’être instrumentalisés par qui que ce soit. (…) À l’heure actuelle, les préfets qui sont mis hors-cadre le sont en raison de problèmes
professionnels ou déontologiques, pas politique. J’espère que c’est ce qui se passera quelle que soit l’issue du scrutin. Tout candidat qui ignorerait l’action et l’attitude des préfets ferait
une erreur. » (Source : "L’Express").
Nominations dans l’audiovisuel public
Dans sa 51e proposition, François Hollande veut
réformer de l’audiovisuel public. : « La désignation des responsables des chaînes publiques de télévision et de radio dépendra d’une autorité
indépendante et non plus du chef de l’État ou du gouvernement. Je préserverai l’indépendance de l’AFP et je renforcerai la loi sur la protection des sources. ». (Rappelons d’ailleurs
que la 95e des 110 propositions du candidat François Mitterrand évoquait aussi l’agence de
presse en 1981 : « L’indépendance de l’AFP vis-à-vis de l’État sera garantie. »).
Depuis la réforme de Nicolas Sarkozy, les responsables de l’audiovisuel public sont nommés directement en
conseil des ministres après consultation du Parlement et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, une consultation
très économe en démocratie puisqu’il faut aux parlementaires une majorité qualifiée pour refuser une nomination (et pas pour l’approuver).
La situation actuelle, si elle s’est débarrassée de l’hypocrisie toute mitterrandienne d’une supposée indépendance de l’audiovisuel public, a porté sur ces
responsables la suspicion d’être aux ordres du pouvoir politique et c’est pourquoi un changement de procédure est nécessaire.
D’ailleurs, on en vient même à se trouver dans une situation toute ubuesque. Alors que le directeur de France
Inter, Philippe Val, est désormais loué par "Télérama", son collègue directeur de France Culture semble
militer ouvertement pour la candidature de François Hollande.
Nicolas Sarkozy lui a même reproché le 1er mars 2012 d’avoir publié une tribune partisane dans
"L’Express" le 6 février 2012 : « Imaginez si un dirigeant d’une radio publique faisait campagne pour moi dans "L’Express". Est-ce que c’est ça, la République exemplaire ? J’imagine la
matinale si un dirigeant d’une télévision ou d’une radio publique avait fait un papier pour dire : mon choix, c’est Nicolas Sarkozy ! ».
C’est toujours curieux de suspecter le présupposé "sarkozysme" d’une radio publique qui, concrètement, montre
surtout des élans "hollandisants". Écrivain, Olivier Poivre d’Arvor n’a d’ailleurs jamais caché sa proximité avec la première secrétaire du PS Martine Aubry au cours de la primaire socialiste, et
il se verrait très bien le Ministre de la Culture d’un Président Hollande. Répondant au Président de la République, il a déclaré de manière laconique ce 1er mars 2012 dans
l’après-midi : « Je veille scrupuleusement à ce que France Culture soit un média pluraliste. ».
"Le Canard enchaîné" du 29 février 2012 a même révélé que son patron, Jean-Luc Hees, président de Radio France, lui avait demandé de prendre quelques temps de congé pour s’éloigner de ses
responsabilités publiques pendant la campagne électorale, demande qu’il aurait rejetée et qui serait restée sans suite. C’est dire à quel point un peu partout, on se prépare à la victoire des
socialistes.
Une brève confidentielle vient même confirmer discrètement la future chasse aux sorcières et le retour à
l’État PS. Elle est publiée dans "La Lettre de l’Expansion" du 27 février 2012
(avec une faute de conjugaison que je laisse) : « François Hollande, qui prévoit un nouveau mode de nomination des dirigeants de l’audiovisuel
public s’il était élu, compte l’utiliser dès le vote de la loi afin de redonner son pouvoir de nomination au CSA. Rémy Pflimlin et Jean-Luc Hees devraient alors faire acte de candidature pour un
nouveau mandat. ».
Cela signifie que François Hollande a l’intention d’écourter les mandats des actuels dirigeants de France
Télévisions et de Radio France, alors que Nicolas Sarkozy avait quand même eu la décence d’attendre la fin du mandat de leurs prédécesseurs, Jean-Paul Cluzel (en 2009) et Patrick de Carolis (en 2010) avant de les remplacer selon la nouvelle procédure.
État impartial, vous avez dit ?
Tous ces petits signes vont dans le même sens : vers un balayage complet des responsables de l’État
(administration, audiovisuel, entreprises publiques etc.) qui n’accepteraient pas une allégeance implicite aux socialistes et à l’éventuel nouveau pouvoir politique.
Cette future chasse aux sorcières augure évidemment très mal de ce que peut attendre le peuple français, à
savoir un État impartial, refusant toute collusion avec un parti ou un autre. En ce sens, le référendum que propose François Bayrou pour moraliser la vie publique dès le 10 juin 2012 est le meilleur moyen
pour en finir avec la succession de systèmes partisans au fil de fausses alternances entre les socialistes et l’UMP.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (2 mars
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’audiovisuel sous
Mitterrand.
L’audiovisuel sous Sarkozy.
Hollande l’arrogant.
Hollande et ses 75%.
Hollande communique à la City de Londres.
Le congrès de Valence.
Programme présidentiel de François Hollande (à télécharger).
Refonder la
démocratie.
L’État
impartial.