Roman - Editions Grasset - 334 pages - 20 €
Parution en août 2011
Rentrée littéraire sept 2011
GRAND PRIX DU ROMAN DE L'ACADEMIE FRANCAISE 2011
L'histoire : Tyrone Meehan est un vieil homme quand il revient dans la maison de son enfance, à Killybegs. Il s'y enferme, il semble qu'il soit en danger. Et il écrit. Tout. Pour ne pas laisser aux autres et aux médias la chance de raconter n'importe quoi. Tyrone écrit les violence de son père républicain et catholique dans une Irlande déjà en Guerre. Puis son engagement personnel dans l'IRA pendant 50 ans, alternant combat et années de prisons. Puis la trahison. La sienne. Pourquoi, comment... Et au final ?
Tentation ; La blogo et la réputation du livre
Fournisseur : La bib'
Mon humble avis : Quel livre ! Quel claque !
Première page... "Lorsqu'il entrait dans ma chambre, la nuit sursautait".... Déjà, je réalise que je pénètre dans un livre qui sera merveilleusement bien écrit, où chaque mot ne sera pas un hasard. Des mots caressent, d'autres griffent, d'autres encore assomment ou répugnent et révoltent. Il y en a même qui tuent. Mais chaque mot, chaque phrase dans ce livre agit sur le lecteur.
Très vite, j'ai regretté mon inculture, ma méconnaissance de l'Histoire et du conflit Irlandais. J'ai été partagée entre la raison : faire quelques recherches sur le net pour comprendre l'entièreté de ce qui se passe dans le livre. Et l'envie, celui de dévorer ce livre et de ne le prendre que pour un roman, ce qu'il est d'ailleurs, même si, au final, je trouve, malgré mon inculture, qu'il est beaucoup plus que cela. J'ai opté pour l'envie, l'émotion, l'humain, le ventre et ma conscience aussi malmenée que mon inconscience, au dépend de mon instruction qui s'est néanmoins bien développée lors de cette lecture.
Retour à Killybegs parle d'un pays en guerre contre une partie de lui même, et contre un envahisseur. Un pays coupé en deux. L'histoire commence dans les années 1920 pour s'achever en 2006. En 1920, je n'étais pas née, mais en dans les années 90, j'étais bien vivante, relativement adulte. Je suis même allée dans le pays sans rien savoir, sans prêter attention à la véritable situation. De la guerre en Irlande, globalement, je ne connais que la chanson de U2 "Sunday bloody sunday", que l'on scande avec un noeud au ventre sans comprendre tout à fait le pourquoi de cette chanson. Avec retour à Killybegs, j'ai pris conscience de ce qu'était un réel attachement à une terre, à un pays, à une liberté. Moi, j'aime la France parce que j'y suis née, parce qu'elle est belle et parce que je sais, pour avoir pas mal voyagé, que la France est tout de même très très confortable malgré tout ce qu'on lui reproche. Et puis j'aime beaucoup nos artistes. C'est aussi une raison d'aimer son pays. Maintenant, mon année de naissance fait que je n'ai pas du faire fasse à un envahisseur, ni à un réel danger. Peut-être alors réagirais-je et aimerais-je mon pays autrement. Mais tout de même, l'attachement de ces femmes et ces hommes à leur terre irlandaise m'a bouleversée. Comme l'engagement de ceux qui prennent les armes, de ceux qui les soutiennent dans la logistique, de ce combat... Bouleversant aussi le destin de ces hommes qui se retrouvent prisonniers et qui, au prix de leur vie réclament le statut de prisonniers politiques et non prisonniers de droits communs. Des conditions d'emprisonnement bien pires que celles décrites par exemple par Khadra dans "l'équation africaine". Et pourtant, tout cela se passait en Europe, il n'y a pas si longtemps. Dans une Europe qui se révolte et qui intervient au bout du monde dès que les droits de l'homme et surtout l'accès au pétrole n'est pas garanti et qui, je pense (terme choisi pour cause de méconnaissance profonde du sujet), n'a pas bougé beaucoup de doigts pour les Irlandais envahis, torturés, que Margaret Tatcher a laissé mourir lors des grèves de la faim dans les geôles irlandaises.
Et puis, il y a le coeur du roman.... La bavure, l'erreur, le mensonge qui s'installe et sur lequel il est difficile de revenir.... Et quand celui ci vous rattrape, il vous oblige à la trahison. Tyrone devient un traite, un agent au service de la couronne, malgré lui, parce que, quelque part, il n'a pas le choix. Tout ceci est extrêmement bien expliqué et détaillé dans le livre, chacun est libre ensuite de se faire son propre opinion. Sorj Chalandon ne juge pas son personnage et d'ailleurs, mon humble avis me fait dire que, effectivement, tant que l'on a pas été dans son ventre à lui, le traitre, tant que l'on n'a pas vécu un quart de sa vie, il est assez déplacé de porter un jugement.
Par contre, une question que je me suis posée et que je me pose encore et que je vous pose : d'un grand homme qui a consacré sa vie entière à la cause, d'un grand soldat aux multiples faits d'armes,pourquoi ou faut il retenir la trahison plutôt que l'héroisme ? Le mal que l'on fait annule-t-il tout le bien de notre vie ?
Un très grand livre qui donne la parole au traitre. Dans un autre livre, il y a quelques années, Sorj Chalandon donnait la parole au trahi dans son roman "Mon traitre". Livre dont je ne manquerais pas de vous parler très vite, puisqu'une rencontre est prévue avec l'auteur dans deux jours, au Festival de la Rue des Livres à Rennes.